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5 septembre 2018

Créer ses propres vidéos ou utiliser celles qui sont sur le web? Inverser sa classe sans y passer ses nuits

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Quelle que soit la qualité des vidéos pédagogiques que l’on trouve sur le web, il semble qu’elles n’arrivent jamais à ravir le cœur de nos étudiants aussi bien que ne le feraient des vidéos que nous aurions réalisées nous-mêmes. Mais créer des vidéos maison prend du temps… Pour un enseignant qui souhaite utiliser des vidéos pour faire la classe inversée, un compromis est-il possible?

Les pratiques documentées de Caroline Cormier et Bruno Voisard

Dans l’article « La pédagogie inversée – Une évaluation de son efficacité sur les résultats scolaires et sur l’intérêt des étudiants », paru dans la revue Pédagogie collégiale, Caroline Cormier et Bruno Voisard, enseignants de chimie au Cégep André-Laurendeau, présentent leur pratique (documentée) de la classe inversée en coenseignement. Ils font une évaluation de l’efficacité de leur pratique sur les résultats scolaires et l’intérêt des étudiants. Ils constatent que les étudiants aiment l’approche de classe inversée et que celle-ci a donné lieu à une amélioration des résultats des étudiants, en particulier des étudiants les plus faibles.

Caroline Cormier et Bruno Voisard expliquent que créer les 75 vidéos qu’ils ont réalisées pour inverser en entier leur cours de chimie organique leur a demandé un considérable investissement de temps.

Des experts suggèrent une approche graduelle pour l’inversion d’un cours, pour faciliter le travail (aux experts cités par Caroline et Bruno, j’ajouterais Bélanger et Lebrun et Lecoq). Toutefois, Caroline et Bruno citent une étude australienne selon laquelle les bénéfices de la classe inversée sont supérieurs quand un cours est inversé en entier (et non lorsque l’approche est utilisée seulement pour certaines séances). On comprend dès lors leur motivation à produire autant de matériel, malgré l’effort que cela a exigé d’eux.

La question est : peut-on inverser un cours (avec des vidéos) sans pour autant y consacrer toutes ses nuits?

La solution la plus évidente est d’utiliser des vidéos déjà faites trouvées sur le web. Mais Dave Bélanger, enseignant exploitant la pédagogie inversée depuis plusieurs années, nous incite à réaliser nos propres vidéos.

[I]l s’avère très judicieux de concevoir et de produire son propre matériel, même si le résultat est souvent moins flamboyant que ce que l’on peut trouver sur YouTube. Le professeur est le mieux placé pour savoir quel vocabulaire utiliser et sur quelles notions s’attarder compte tenu de son expérience. Les étudiants apprécient aussi le fait que c’est leur professeur qui s’adresse à eux. Dans ce domaine, l’efficacité est donc préférable à l’esthétisme.

Dave Bélanger, « Inverser sa classe de manière profitable », dans Pédagogie collégiale

La chaîne YouTube de Caroline Cormier, un outil possible pour l’enseignement de la chimie

Sur la chaîne YouTube de Caroline, Caroline et Bruno partagent toutes les vidéos qu’ils ont réalisées avec leur collègue Véronique Turcotte. (Caroline et Véronique sont d’ailleurs coauteures d’un dossier paru dans Profweb qui porte sur la réalisation de capsules vidéo pédagogiques.)

Un exemple de vidéo conçue par Caroline Cormier et Bruno Voisard. Sur la chaîne YouTube de Caroline, on trouve, entre autres, des vidéos destinées aux étudiants des cours Chimie générale, Chimie des solutions et Chimie organique.

Je me suis demandé si des enseignants du réseau collégial avaient pu, avec succès, utiliser les vidéos réalisées par Caroline, Véronique et Bruno dans une optique de pédagogie inversée.

J’ai contacté Caroline Cormier, qui m’a expliqué que certains enseignants de son département utilisaient les vidéos de sa chaîne :

  • Deux les utilisent en classe inversée.
  • Une les utilise comme « aide à la maison », si les étudiants ont des questions sur la matière ou ont moins bien compris une notion, mais sans faire de classe inversée.

Ces enseignants (et leurs étudiants, à première vue) sont satisfaits des vidéos.

Comme me l’a dit Caroline, il se peut que les étudiants de ses collègues connaissent un peu elle-même, Bruno ou Véronique; soit de vue, soit parce qu’ils leur ont enseigné dans un cours précédent. Il est donc possible que ces étudiants ressentent un « lien affectif » envers les personnes dans les vidéos, qu’ils leur fassent confiance, et que l’impact des vidéos soit le même que si elles avaient été créées par leurs propres enseignants.

Quand le créateur de la vidéo n’est pas connu des étudiants

Qu’en est-il lorsque les enseignants qui apparaissent dans les capsules sont des inconnus?

Je me suis entretenue avec Julie Belzile et Chantal Secours, du Collège Montmorency. Elles ont utilisé les capsules de la chaîne YouTube de Caroline durant 2 ou 3 ans, dans une approche de pédagogie active inversée.

Puisque Julie et Chantal utilisent également le manuel écrit par Caroline et Bruno, elles utilisent le même vocabulaire qu’eux et divisent le contenu du cours de la même façon. De plus, les vidéos de Caroline, Véronique et Bruno respectent les principes de production reconnus:

  • Traiter de notions d’introduction (les notions difficiles étant réservées pour les activités en classe)
  • Encourager la participation des étudiants en leur adressant des questions
  • Être scénarisées avant d’être filmées
  • Utiliser des formules d’enseignement variées
  • Durer un maximum d’environ 6 minutes

Pourtant, Chantal m’a dit avoir reçu des commentaires d’étudiants disant préférer quand c’est leur propre enseignant qui fait les vidéos. D’après Chantal et Julie (qui se basent aussi sur leurs observations d’un de leurs collègues qui fait ses propres vidéos), les étudiants accordent davantage d’importance et de crédibilité aux vidéos quand elles ont été réalisées par leur propre enseignant.

Comment s’en sortir?

Solutions possibles

La pédagogie inversée ne passe pas nécessairement par des vidéos. Les activités préparatoires au cours peuvent impliquer des lectures (dans un manuel ou des notes de cours), par exemple. Toutefois, il est intéressant de présenter les notions sous plusieurs formes (et cela s’inscrit dans une approche pédagogique inclusive). Au sujet d’une même notion, offrir une combinaison de vidéos et de lectures dans un manuel et dans des notes de cours a un potentiel pédagogique certain.

Pour offrir des vidéos sur plusieurs notions sans s’échiner à toutes les réaliser nous-mêmes dès la première session, une première solution est de travailler en équipe avec des collègues de son établissement. Si tout se passe comme au département de chimie du Cégep André-Laurendeau, tout ira pour le mieux!

À défaut de cela (ou en plus de cela!), une approche intéressante serait de produire certaines capsules et d’en sélectionner d’autres sur internet.

En expliquant aux étudiants que vous avez choisi telle ou telle vidéo spécialement pour eux, en vertu de telle ou telle qualité qu’elle possède dans le contexte précis de votre cours, cela pourrait les convaincre d’accorder à cette capsule la même valeur que si vous l’aviez conçue vous-même. Évidemment, plus la vidéo en question est adaptée à votre cours, plus cela sera facile. À cet égard, les enseignants de chimie (surtout ceux qui utilisent le manuel Chimie organique de Bruno Voisard et Caroline Cormier) ont une banque de capsules dont le contenu répond sans doute aux besoins de leurs étudiants.

Une autre option est de personnaliser les vidéos faites par d’autres en y ajoutant des commentaires ou en y insérant des questions interactives, avec des outils comme H5P ou Edpuzzle ou d’autres!

Et vous? Intégrez-vous des vidéos trouvées sur le web dans une approche pédagogique inversée? Comment? Y a-t-il des ressources de qualité disponibles dans votre discipline? Partagez-les avec nous dans la zone de commentaires!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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Mélissa Philippe
Mélissa Philippe
8 septembre 2018 12h57

Je trouve cet article particulièrement intéressant. J’ai expérimenté la classe inversée en tant qu’étudiante il y a moins de deux ans. Moi aussi j’accordais plus d’importance aux vidéos réalisées par la professeure elle-même. La raison est que j’étais persuadée que les réponses aux questions d’examen auraient plus de chance d’être abordées par la professeure que par un « acteur inconnu » et détaché des objectifs du cours. Comme pour tout étudiant, l’objectif est de performer académiquement. Mais en cours de route, j’ai changé volontairement cette perspective que j’avais des études en me disant que mon vrai objectif était d’apprendre et de me construire pour un projet d’avenir bien spécifique. Et là, peu importe le messager, j’écoutais les vidéos proposées systématiquement. Pourquoi vos étudiants préfèrent-ils que ce soit vous qui tournez les vidéos? Qu’est-ce qu’ils vous disent?

Nicole Perreault
Nicole Perreault
11 septembre 2018 20h22

Félicitations Catherine pour cet article très intéressant. Effectivement, les étudiants apprécient probablement davantage les vidéos produites par leurs enseignants, mais leur production est très chronophage. Pour un enseignant qui débute un projet classe inversée, la solution de sélectionner des capsules existantes me semble très envisageable : c’est ce que l’enseignant en fera par la suite dans la classe qui m’apparaît important. À suivre !

Nicole Perreault
Nicole Perreault
11 septembre 2018 20h22

Parlant de capsules utilisées dans le cadre d’activités de classe inversée, je trouverais bien intéressant qu’on fasse le référencement de ces capsules, par discipline. Ces capsules pourraient avoir été produites par des enseignants du collégial (idéalement) ou dans d’autres contextes. Par exemple, les capsules du Profil TIC qui portent sur l’utilisation d’Excel, des capsules produites par des enseignants qui ne sont pas du collégial ou celles produites par Microsoft. Est-ce un projet qui pourrait s’avérer possible et utile ?

Nicole Perreault
Nicole Perreault
11 septembre 2018 20h23

Sous-question : Est-ce que les enseignants du collégial qui ont produit des capsules seraient à l’aise de les partager ?