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22 mars 2018

Adapter les pratiques d’écriture aux défis du collégial

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Adapter les pratiques d’écriture aux défis du collégial : voilà l’objectif que se donne le projet Amélioration des écrits, au Cégep Édouard-Montpetit, à travers des ateliers offerts dans différents départements. Je me suis entretenue avec Émilie Lavery, enseignante de littérature et de français et repfran Antidote de ce collège. Depuis 2014, elle pilote des projets d’Amélioration des écrits dans plusieurs programmes d’études. Ces projets exposent combien la contribution des enseignants des formations générale et spécifique est importante dans l’édification de l’identité linguistique des étudiants.

Un exemple réussi d’un transfert de connaissances. Valérie Blanc, enseignante d’histoire, devient la porte-parole d’Antidote dans le programme de Sciences humaines.

Pourquoi avoir créé un projet d’Amélioration des écrits au collégial?

Émilie : L’apprentissage de l’écriture ne s’arrête pas au secondaire. Il y a des défis d’un tout autre ordre au collégial, associés au contenu des formations et aux objectifs des programmes d’études. Les étudiants doivent répondre à des exigences supérieures pour structurer et exprimer leurs idées. Le projet Amélioration des écrits les soutient dans des contextes de pratique délimités : diffuser un communiqué, présenter un rapport d’observation, mettre en valeur ses réalisations dans un blogue ou révéler les enjeux d’une problématique littéraire exigent des qualités d’écriture différentes.

Les étudiants éprouvent la volonté de bien s’exprimer et le désir de bien dire. Toutefois, lorsqu’ils sont confrontés à des concepts abstraits, leur désarroi est palpable. J’ai constaté un besoin criant auprès d’étudiants finissants du programme de Sciences humaines que j’ai côtoyés dans le cadre d’un laboratoire Antidote. Cela m’a encore plus motivée à défendre l’importance des projets d’Amélioration des écrits au collège. Dans ce programme, les défis sont particulièrement élevés en raison des exigences associées aux écrits scientifiques.

Quels sont les vecteurs d’amélioration des écrits qui structurent vos projets?

Émilie : Il y en a 4. Premièrement, les dictionnaires numériques. Une partie de mes démarches consiste à présenter aux enseignants les utilisations possibles de la suite logicielle Antidote, en les mettant d’abord en contact avec son bassin de 9 dictionnaires. Mais, il ne suffit pas de connaître ces outils : il faut ensuite placer les étudiants dans des contextes de rédaction où ils auront à s’en servir! Par exemple, le dictionnaire du champ lexical permet de mieux définir un concept ou un sujet. Les étudiants peuvent lister des notions s’y rapportant. Le dictionnaire des cooccurrences permet, quant à lui, de problématiser un sujet et d’en énoncer des aspects plus aisément. Les dictionnaires aident à formuler les idées, à les nourrir, à les préciser, enfin à bien les exprimer. Le dictionnaire, je me plais à le répéter, est le livre des livres. Plaçons-le au cœur de nos pratiques.

La vidéo « Cerner un sujet de recherche à l’aide d’une carte conceptuelle » montre comment les dictionnaires du champ lexical et des cooccurrences peuvent alimenter la réflexion des étudiants sur un sujet de recherche qu’ils sont en train de délimiter. (Amélioration des écrits en Sciences humaines/ Projet pédagogique 2017-2018)

Un deuxième vecteur d’amélioration passe par l’acquisition du lexique disciplinaire. Chaque programme d’études possède son propre lexique spécialisé dans lequel chacun des cours puise. Ce lexique est circonscrit selon le contexte du travail ou le sujet de rédaction. Il s’agit d’un apprentissage en continu pour les étudiants. La polyvalence d’Antidote (pensons aux riches cooccurrences offertes sur la base des mots-clés du sujet à l’étude) permet d’encadrer leur réflexion et leur travail d’écriture à partir du vocabulaire précis associé au contexte, qu’il s’agisse de rédiger un rapport de rechercheou de faire la critique d’une oeuvre.

Le troisième vecteur concerne la pluralité des genres textuels auxquels les étudiants sont confrontés dans leur programme, voire dans un même cours. Ils doivent apprendre à rédiger selon les normes qui caractérisent chacun des genres. Les travaux de Lucie Libersan sur le sujet sont très inspirants. Les prismes d’Antidote permettent d’encadrer ce travail en affichant les zones à retravailler. Par exemple, on peut repérer :

  • La trace d’un locuteur (l’emploi du pronom « nous » doit être retranché des écrits scientifiques)
  • La sémantique négative (pour éviter les jugements de valeur)
  • Les temps de verbe employés (l’indicatif présent est recommandé dans les textes descriptifs)
  • Des répétitions (pour la progression de la pensée)
  • Des phrases trop longues (pour la lisibilité)

Les étudiants tirent beaucoup d’avantages de cet encadrement d’Antidote. Ils ne sont pas toujours conscients des connotations véhiculées par certains mots, voire le niveau de langue qui leur est associé. On peut donc pousser très loin notre encadrement du travail de l’écriture, en classe, même avec de très gros groupes d’étudiants.

La vidéo « Adopter un ton scientifique » présente quelques volets du prisme de révision d’Antidote utiles pour l’adoption d’un ton scientifique.

Enfin, un quatrième vecteur d’amélioration est la révision linguistique. Antidote permet de travailler à la clarté de l’expression écrite et au respect des normes, mais aussi de relever certains défis propres aux programmes d’études. Par exemple, en Techniques d’intégration multimédia, les étudiants sont confrontés quotidiennement au jargon informatique. Ils doivent pouvoir désigner les ressources qu’ils utilisent autrement que par leur simple appellation courante : le PHP est un langage, WordPress est un logiciel de blogue.

Comment assurez-vous le transfert de ce savoir-faire auprès des enseignants et des étudiants?

Émilie : Les enseignants que j’accompagne en classe deviennent des experts à leur tour. Ils peuvent transférer leurs connaissances et leur expertise à leurs collègues. Dans le cadre des projets Amélioration des écrits, j’ai réalisé plusieurs vidéos en guise d’aide-mémoire pour les enseignants. Mon objectif est qu’ils deviennent autonomes dans leur utilisation d’Antidote. Pour faciliter l’intégration auprès des étudiants, certains enseignants diffusent ces vidéos en classe. J’aimerais produire plusieurs courtes capsules, sur le modèle de celles que je viens de faire pour le Centre d’aide en français. Elles couvriraient seulement des aspects précis d’un travail de rédaction et tiendraient compte des priorités du cours.

Liste de lecture associée au cours 300-300-RE Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines. (Projet pédagogique 2017-2018)

Une approche-programme est-elle souhaitable pour des projets d’amélioration des écrits?

Émilie : Je le crois. L’apprentissage de la langue se fait en continu. Une intégration à la première session est un pas dans la bonne direction, mais une relance est souhaitable. Il faut cibler les cours du programme où les activités d’écriture sont significatives pour assurer une relance à différents moments du parcours collégial des étudiants.

Vous exercez une animation sur le terrain et prenez part aux activités que vous avez élaborées avec les enseignants. Pourquoi cette participation est-elle essentielle?

Émilie : Cela me permet d’être à l’écoute des besoins et des difficultés des enseignants. Les départements n’ont pas tous les mêmes pratiques : travailler en laboratoire est une nouveauté pour certains enseignants et cela peut nécessiter un accompagnement. En retour, cette collégialité permet de mettre en valeur l’apport des disciplines dans l’amélioration des compétences langagières. Les enseignants avec qui je collabore apportent leur expertise et leur touche particulière.

Avez-vous d’autres projets d’Amélioration des écrits?

Émilie : J’aimerais intégrer cette approche dans mon domaine d’enseignement, en Littérature et français. Je vois une application possible dans le programme Arts, lettres et communication. J’ai sollicité d’autres programmes de mon collège pour connaître leur intérêt et évaluer la possibilité d’y implanter un projet d’Amélioration des écrits. Ultimement, tous les programmes dans lesquels l’écriture occupe une place importante mériteraient d’être outillés par un tel projet.

À propos des auteures

Émilie Lavery

Elle est professeure de littérature et de français au Cégep Édouard-Montpetit. Depuis 2017, elle est repfran responsable de l’intégration d’Antidote dans différents programmes. Émilie est passionnée par la pédagogie et l’écriture, comme en témoignent ses publications sur diverses plateformes comme Profweb, Le monde en image, le CCDMD et le bulletin Clic. Ces dernières années, ses interventions dans le milieu de l’enseignement ont milité en faveur de l’adoption de mesures d’aide à la réussite issues des pratiques numériques. Outre ses projets d’Amélioration des écrits, Émilie pilote un projet Antidote pour soutenir la réussite des étudiants en situation de handicap. Elle a réalisé plusieurs vidéos pour soutenir l’intégration d’Antidote dans différents programmes ainsi qu’au Centre d’aide en français.

Andréanne Turgeon

Andréanne Turgeon a été éditrice pour Profweb de 2014 à 2019. Elle a ensuite coordonné l’organisme jusqu’à son intégration chez Collecto. Depuis 2022, elle est directrice du nouveau secteur des Services de pédagogie numérique chez Collecto, auquel se rattache la plateforme Éductive.

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