J’enseigne en Technologie de la géomatique au Cégep Limoilou. Certains cours du programme ont pour visée l’appropriation d’articles de loi ou de règlements. Or, si l’enseignant fait la lecture de ces articles de façon magistrale, ça donne des cours pénibles et ennuyants. Dans ce contexte, j’ai pensé miser sur la classe inversée. Je fournis du contenu interactif et dynamique aux étudiants et étudiantes, qu’ils et elles doivent étudier à la maison. Une fois en classe, les élèves sont plongés dans l’action.
2018: 1re expérience avec du soutien
En 2018, j’ai été libéré d’une partie de ma tâche d’enseignement dans le cadre d’un projet d’innovation technopédagogique. Pour ce projet, je travaillais en équipe avec Julie McCann, alors conseillère technopédagogique, et Mathieu Brisson, technicien multimédia. Le financement de ce projet était issu du ministère de l’Enseignement supérieur, dans le cadre du Plan d’action numérique.
Ce projet visait à développer des outils afin d’inverser 2 des séances du cours Analyse foncière.
Dans le cadre de ce cours, les élèves doivent s’approprier plusieurs articles de loi. J’ai déjà essayé de lire les articles de lois à l’avant de la classe pour les présenter aux élèves… Résultat: j’ai perdu leur attention après 10 minutes et, comme ils ne comprenaient pas la matière, ils n’arrivaient pas à faire correctement les devoirs ni à bien répondre aux questions d’examen.
La classe inversée semblait une solution à ce problème. Si les élèves pouvaient prendre connaissance des articles de loi à la maison, à leur rythme, le temps de classe pourrait être consacré à des activités permettant vraiment la maîtrise des concepts importants.
À l’époque, je n’avais jamais enseigné de façon «inversée». J’ai bénéficié de l’accompagnement de Julie McCann. Nous sommes partis de mes 78 diapositives PowerPoint et avons subdivisé la matière en 10 modules (5 pour chaque séance de cours de 2 heures).
Pour chaque module, j’ai enregistré des capsules audios d’environ 3 minutes où je présente la matière. Comme je prépare mon script, les explications me prennent beaucoup moins de temps qu’en classe: il n’y a pas d’hésitations, pas de répétitions. D’un autre côté, comme les élèves peuvent appuyer sur pause ou réécouter des parties, tout le monde y trouve son compte!
Quand j’ai commencé à enregistrer des capsules, je le faisais avec l’enregistreur vocal de Windows 10. Je me suis repris une vingtaine de fois pour enregistrer ma première capsule de 2 minutes sans bafouiller, ni tousser, ni renifler, ni être interrompu par la sonnerie de mon téléphone, etc. Ensuite, j’ai découvert le logiciel libre Audacity [en anglais]. J’ai appris à faire du montage pour couper des passages, à filtrer le son pour effacer le bruit de mon échangeur d’air, etc. Avec la pratique, c’est devenu de plus en plus facile d’enregistrer les capsules!
Julie et Mathieu ont sélectionné des images et des animations à superposer à ma voix, en guise de support visuel. Mathieu a fait le montage avec Moovly [en anglais] (un logiciel payant) et il a déposé les capsules sur YouTube.
L’une des premières capsules créées pour le cours
Mathieu a réuni les vidéos et de brefs textes que j’ai écrits pour chaque module à l’intérieur de 2 sites web qu’il a créé à l’aide du logiciel Rise 360 de Articulate [en anglais] (payant). Ce logiciel nous a également permis d’insérer sur les sites des questions autocorrigées (association, choix multiples, etc.), pour permettre aux étudiants et étudiantes de valider leur compréhension de la matière au fur et à mesure.
Vous pouvez voir les résultats:
Pour étudier le matériel lié à un module (regarder les vidéos, lire le texte et répondre aux questions), les élèves ont besoin de 30 à 40 minutes.
En classe avec les élèves
Je suis expert en géomatique, mais j’ai relativement peu de connaissances en pédagogie. En 2019, en présentant le projet de classe inversée à mes élèves, j’avais l’impression d’être l’un des derniers enseignants à utiliser cette stratégie dans ma classe. J’étais convaincu que mes élèves avaient déjà travaillé dans une approche de classe inversée dans d’autres cours. Or, ce n’était pas du tout le cas. C’était leur 1re expérience à eux aussi!
Avec le recul, je réalise que j’ai placé la barre trop haute au début. Je leur ai donné trop de contenu à assimiler à la maison (étant donné que c’était leur 1re expérience) et je n’ai pas insisté suffisamment sur l’importance de faire le travail. Résultat: seulement 25% des élèves ont fait le travail nécessaire avant le cours.
En classe, les étudiants et les étudiantes étaient censés faire individuellement un schéma conceptuel pour synthétiser ce qu’ils et elles devaient avoir appris à la maison. Ce plan n’a pas tenu la route… J’ai plutôt décidé de leur faire réaliser un schéma en équipe. Les personnes qui étaient préparées étaient valorisées et étaient les leaders de leur équipe, alors que les autres tiraient une leçon de leur manque de préparation.
Après, je leur ai expliqué comment le cours se donnait avant. Je leur ai expliqué à quel point c’était ennuyant de lire des articles de lois en groupe. J’ai insisté sur le temps que j’avais passé à préparer cette « belle classe inversée » et sur ma déception devant le faible taux de participation.
La semaine d’après, ma classe était prête à 100%. Cette fois-là, j’ai pu apprécier le potentiel et les bienfaits d’une classe inversée qui fonctionne!
Très bel article. Il s’agit d’une belle appropriation d’outils dans une approche de classe inversée. Bravo Daniel et merci à toi et à l’équipe d’Éductive de nous avoir partagé l’expérience!
Bonjour,
Croyez-vous avoir découvert une méthode pédagogique qui favorise les étudiants dans leur engagement dans les cours et hors cours ?
Pensez-vous qu’une classe inversée pourrait être envisageable en éducation physique ?
Merci !
Philippe Pouliot
Bien humblement, je ne pense pas avoir découvert quoi que ce soit car je découvre à peine cette méthode. Je pense que ça peut favoriser l’engagement pour les raisons évoquées dans l’article. Ca les responsabilise d’avoir fait le devoir avant d’arriver en classe. Autrement, ils ont du mal à suivre.
Pour le cours d’éducation physique, je pense que c’est faisable aussi. Ca prend juste une bonne idée. Mais j’imagine un training en ligne un peu comme « insanity » avec des moments précis où les étudiants doivent prendre leur pouls et garder un journal de bord qu’ils compareront en classe.
À essayer!! Bonne chance dans vos projets!
Bonjour !
Merci pour votre réponse. En effet, le journal de bord est très bien à faire à la maison.
Bonne journée !
Philippe
Bonjour,
Croyez vous que dans un cours moins théorique et plus pratique, la classe inversée serait envisageable ? Par exemple en éducation physique.
Merci !
Philippe