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14 janvier 2022

L’entretien d’évaluation en visioconférence en formation à distance asynchrone

Depuis le début de la pandémie, les évaluations finales des cours du Cégep à distance sont réalisées à domicile par les étudiants, sans surveillance. Pour limiter le plagiat, l’équipe du Cégep à distance mise sur un entretien oral en visioconférence après l’examen écrit. Les étudiants doivent parler de leur examen à leur tuteur, dans une démarche métacognitive qui permet au tuteur de certifier que l’élève est bel et bien l’auteur de ses réponses à l’examen. (Au Cégep à distance, les tuteurs sont les personnes qui répondent aux questions des étudiants et corrigent les évaluations.)

Pour me renseigner sur les entretiens d’évaluation en visioconférence, je me suis entretenue en janvier 2022 avec Marie-Michèle Rhéaume et Martin Roy, conseillers pédagogiques au Cégep à distance. J’avais pris connaissance du projet en visionnant la capsule vidéo qu’ils avaient créée pour le colloque ROC2021.

Capsule vidéo créée par Marie-Michèle Rhéaume et Martin Roy, du Cégep à distance

Les évaluations finales au Cégep à distance et la pandémie

Depuis 30 ans, le Cégep à distance offre des cours à distance asynchrones entièrement autoportants. C’est une formule qui se distingue par la flexibilité qu’elle offre aux étudiants: ils peuvent suivre les cours peu importe où ils résident, s’inscrire à tout moment et progresser à leur propre rythme.

L’élément le moins flexible, dans la formule, était l’examen final. Celui-ci devait être réalisé en présence (sous surveillance) dans un site de passation désigné (un établissement d’enseignement près du lieu de résidence de l’étudiant).

La pandémie a rendu, pour un temps, l’accès aux sites de passation impossible. Le Cégep à distance en a profité pour renouveler ses pratiques… et ne reviendra pas en arrière!

Une première solution temporaire, en urgence

Au printemps 2020, l’équipe du Cégep à distance a cherché en urgence une option de rechange à la suite de la fermeture des sites de passation. La solution préliminaire comportait 2 étapes:

  1. l’étudiant réalisait son examen à la maison
  2. le tuteur appelait l’élève avant de publier sa note pour discuter de l’examen et tenter de valider que l’élève était bien l’auteur des réponses de l’examen

L’inconvénient de cette solution préliminaire était que certains examens étaient mal adaptés à une passation à livre ouvert. Certaines questions ressemblaient beaucoup trop aux questions auxquelles les étudiants avaient eu à répondre dans leurs devoirs, par exemple. De plus, les tuteurs étaient un peu laissés à eux-mêmes quant à la façon de mener les entretiens téléphoniques et il pouvait même être difficile pour eux, au téléphone, de savoir s’ils parlaient bel et bien à l’étudiant qu’ils devaient évaluer.

Une solution optimale pérenne

Toute l’équipe du Cégep à distance a travaillé très fort pour remédier aux problèmes et rendre les examens à distance vraiment crédibles. Marie-Michèle Rhéaume et Martin Roy estiment que le Cégep à distance a trouvé une solution optimale:

  • certains examens écrits ont été revus pour s’assurer qu’ils soient adaptés à une passation à domicile, à livre ouvert (questions non « googlables », mises en situation authentiques, etc.)
  • un nouveau standard a été ajouté pour tous les cours du Cégep à distance: la capacité de l’élève à faire preuve de métacognition, à travers l’explication de sa démarche d’apprentissage dans son cours.
    Cela a permis d’accorder 5% de la note de tous les cours à un entretien d’évaluation en visioconférence, obligatoire pour tous les étudiants après leur examen final.
    L’étudiant prend en charge le début de l’entretien, en faisant une présentation. Des questions du tuteur visent ensuite à compléter l’explication de l’étudiant.
    L’étudiant est amené à parler de:

    • sa préparation à l’examen
    • sa démarche pour répondre aux questions de l’examen
    • les ressources qu’il a utilisées
    • les défis qu’il a rencontrés
    • ses apprentissages les plus marquants
    • etc.

    Les critères d’évaluation sont:

    • la complétude des réponses de l’étudiant
    • la pertinence des réponses de l’étudiant

    Pour passer le cours, l’étudiant doit avoir au moins 50% comme note pour cet entretien. (Il doit également, comme cela a toujours été le cas au Cégep à distance, avoir au moins 50% comme note aux autres parties de l’évaluation finale (parfois, il y a seulement un examen écrit; parfois, il peut y avoir en plus une évaluation orale).)
    Les étudiants sont informés à l’avance de la nature de l’entretien. On leur fournit de la documentation pour les aider à se préparer (par exemple, une liste de questions à se poser pour faire un retour réflexif sur l’examen).

Dès le début, il a été clair pour la direction du Cégep à distance que l’abandon des sites de passation serait un changement durable. Le fait de permettre aux étudiants de passer un examen sans avoir à réserver plusieurs jours à l’avance et à se déplacer correspond à la chute du dernier obstacle qu’il restait pour que la formation offerte au Cégep à distance soit vraiment aussi flexible que possible.

Une occasion de rétroaction

Les rencontres en visioconférence ont lieu après que le tuteur ait corrigé l’examen. C’est donc l’occasion pour le tuteur de présenter à l’étudiant les raisons qui justifient la note qu’il a obtenue.

Le renforcement de la relation entre le tuteur et l’étudiant

Depuis quelques années, le Cégep à distance mise sur le renforcement de la relation entre tuteurs et étudiants pour favoriser la motivation et la persévérance des étudiants. Les entretiens prennent du temps aux tuteurs (une dizaine de minutes par étudiant), mais ceux-ci les apprécient néanmoins (au-delà de leur évidente contribution à la crédibilité des examens finaux).

Les entretiens permettent aux tuteurs de:

  • « boucler la boucle » avec les étudiants qu’ils ont accompagnés tout au long de la sessionLes extraits d’entretiens contenus dans la capsule vidéo créée par Marie-Michèle et Martin pour le colloque ROC2021 (comme l’extrait à 10:42) sont vraiment touchants!
  • faire connaissance avec ceux dont ils ont corrigé les travaux sans avoir davantage de contacts avec eux
  • encourager les étudiants qui ont eu des résultats plus faibles; permettre aux étudiants en échec de relativiser la situation
  • etc.

Pas une panacée, mais très intéressant!

Marie-Michèle et Martin ne se font pas d’illusions et savent que leur solution n’est pas parfaite.

Dans certaines disciplines (en mathématiques, par exemple), concevoir des questions non « googlables » est très difficile. La mise en contexte dans une situation authentique est assurément un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas une panacée.

L’entretien n’est pas à toute épreuve non plus, pour déceler le plagiat. Une personne très mal intentionnée peut sans doute s’en sortir dans certaines circonstances. Mais plusieurs des cas de plagiat qui ont eu lieu dans le réseau collégial pendant la pandémie étaient liés à des étudiants appréhensifs qui n’étaient pas conscients de la gravité de leurs gestes et qui étaient déroutés par le contexte des évaluations qu’ils vivaient. Le fait de bien les renseigner sur les règles et de les aviser qu’ils auront une rencontre pendant laquelle ils devront parler de leur processus de préparation et de réalisation de l’examen est sans doute suffisant pour garder une grande majorité d’entre eux « dans le droit chemin »!

Une solution qui peut s’appliquer à d’autres contextes

Un entretien oral sous forme de retour réflexif sur un examen n’est pas pertinent uniquement dans le contexte du Cégep à distance (formation à distance asynchrone autoportante).

Cette stratégie est particulièrement intéressante dans tous les cas où une activité d’évaluation sommative a lieu dans un contexte non supervisé, que ce soit un examen à distance ou un travail long fait en dehors des heures de cours.

En fait, prendre le temps d’organiser une rencontre individuelle avec chaque étudiant a des retombées qui vont bien au-delà de la prévention du plagiat. En cours de session, c’est une occasion de tisser des liens avec les étudiants et d’améliorer la relation pédagogique qui est au cœur de l’enseignement/apprentissage.

Marie-Michèle me disait qu’elle organisait des rencontres avec chacun de ses étudiants quand elle était enseignante, dans des cours en présence, pour faire le suivi de leur projet (dans une approche d’apprentissage par projet).

Martin fait la même chose comme chargé de cours à l’université. Il m’a expliqué que de faire connaissance individuellement avec chacun des étudiants d’un cours l’aidait par la suite à les accompagner de façon pertinente et à mieux comprendre ce qu’ils écrivent dans leurs travaux (où ils font référence à leurs expériences professionnelles individuelles).

Moi aussi, les rencontres individuelles sont des moments que j’adore dans ma pratique enseignante. J’ai déjà organisé de telles rencontres pour faire le suivi d’étudiants dans un contexte d’apprentissage par projet, mais aussi pour offrir à chaque étudiant des rétroactions sur un travail donné. Dans tous les cas, quand je vois venir dans mon calendrier la semaine où je devrai rencontrer tous mes étudiants l’un après l’autre, je ressens une certaine anxiété en lien avec la gestion de mon temps. Par contre, quand je repense à des cours que j’ai donnés il y a plusieurs années, ces rencontres sont les premiers souvenirs qui me reviennent en mémoire. Ce sont les moments dont je me souviens le plus nettement. Ils contribuent énormément à la satisfaction que j’éprouve pour mon travail.

Si vous voulez en savoir plus sur la démarche entreprise au Cégep à distance, sachez que Martin Roy et des membres de l’équipe de Marie-Michèle Rhéaume ont rédigé 2 chapitres d’un livre qui paraîtra bientôt aux Presses de l’Université du Québec, dans la collection Formation à distance. Surveillez en 2022 la parution de l’ouvrage, qui sera intitulé Formation au collégial: pratiques innovantes en formation à distance.

Et vous, organisez-vous des entretiens individuels avec vos étudiants? Dans quel contexte? Croyez-vous qu’une discussion pour amener l’étudiant à faire un retour réflexif sur une évaluation puisse être efficace pour prévenir le plagiat? Faites-nous part de vos commentaires!

Merci à Marie-Michèle Rhéaume et Martin Roy d’avoir pris le temps de partager leur expérience et leur expertise!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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