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26 février 2021

Des espaces virtuels pour répliquer les échanges spontanés de notre salle de classe

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Cet article est une traduction d’un texte paru dans le volet anglophone de Profweb.

L’enseignement à distance et l’enseignement hybride sont devenus la norme depuis le printemps 2020. Les enseignants et les étudiants se sont familiarisés avec les plateformes de visioconférence, comme Teams ou Zoom, pour tenir leurs séances synchrones. Certaines stratégies, par exemple utiliser les salles en petits groupes ou varier la grosseur et la composition des groupes, augmentent l’engagement en changeant comment et avec qui les étudiants interagissent, mais elles ne peuvent remplacer le niveau d’agentivité et la spontanéité qu’offrent les interactions en personne. Un nouveau genre d’environnements virtuels permet d’imiter les discussions informelles (proximity chat ou spatial chat). Ainsi, les étudiants ont l’occasion de discuter ou de collaborer avec un ou plusieurs pairs lorsqu’ils sont dans le même espace virtuel que le reste de la classe.

Les discussions de proximité

Les discussions de proximité imitent la manière dont le son voyage dans la vraie vie. Plus concrètement, cela signifie que, dans un espace virtuel ou dans une pièce rassemblant plusieurs participants, il devient possible pour un petit nombre de personnes situées à proximité d’interagir par conversation audiovisuelle sans entendre ou voir les autres groupes de personnes qui discutent plus loin dans la salle virtuelle. Selon la plateforme utilisée, il peut être possible de collaborer sur une tâche précise, par exemple avec des documents ou des tableaux blancs collaboratifs.

Schéma représentant les participants dans un espace virtuel interagissant dans 3 bulles distinctes. Les participants peuvent voir toute la pièce et se déplacer pour se greffer à différentes discussions.

À l’inverse des salles de petits groupes qui retiennent les participants dans leur équipe, le principe des discussions de proximité permet aux participants d’avoir une vue d’ensemble de l’espace à tout moment, de se promener librement et d’interagir avec d’autres personnes ou groupes au besoin, comme ils le feraient dans une salle de classe. Comme dans la vraie vie, il est possible de s’adresser à tout le groupe, ce qui permet à l’enseignant de donner des consignes ou aux étudiants de partager les conclusions de leur discussion. La plupart des plateformes possèdent les options «lever la main» et un outil de clavardage.

Pour bien organiser certaines activités d’apprentissage à l’aide d’une plateforme de discussions de proximité, il faut:

  • créer une atmosphère de classe même si les étudiants travaillent en petits groupes
  • permettre à l’enseignant et aux étudiants de se déplacer entre les équipes de manière organique
  • évacuer le carcan plus rigide et linéaire de certaines tâches habituellement réalisées dans des salles de petits groupes, tâches qui nécessitent de commencer à un certain moment et d’être stoppées par l’enseignant pour le retour en grand groupe.
  • favoriser l’engagement en raison de la facture visuelle de l’espace virtuel.

Les plateformes de discussions de proximité

Certains lecteurs sont peut-être familiers avec Second Life [en anglais], ce monde de réalité virtuelle lancé en 2003. La nouvelle génération de plateformes de discussions de proximité de plus petite échelle propose des espaces virtuels visuellement attrayants tout en n’obligeant pas leur clientèle à télécharger un logiciel. Les espaces, une fois créés, sont accessibles directement à l’aide d’un navigateur internet. La plupart du temps, il faut simplement partager un code. Certaines plateformes obligent les étudiants à s’inscrire en se créant un profil gratuit. Comme pour n’importe quel autre accès en ligne, les étudiants devraient être avertis de l’importance de ne pas divulguer des informations qui pourraient permettre à des personnes hors du groupe classe d’accéder à l’environnement virtuel.

Alors que le but premier des mondes virtuels comme Second Life et Minecraft est de divertir, les plateformes présentées ci-dessous sont conçues pour la collaboration et la productivité. Plusieurs de ces environnements offrent une version payante, leurs fonctionnalités gratuites suffisent pour la majorité des situations pédagogiques de niveau collégial.

Gather

Gather [en anglais] propose une expérience qui se rapproche de ce qui est vécu dans une vraie salle de classe. Avec un visuel un peu pixelisé comme les jeux vidéos vintage, Gather permet aux utilisateurs de créer des espaces virtuels permanents à l’aide de modèles existants (salle de classe, bibliothèque, laboratoire, mais aussi d’autres décors qui ne sont pas liés à l’école, comme un bureau, un salon, un parc, etc.) Il est également possible de modifier ces modèles ou de créer un nouvel espace à partir de zéro. Les espaces virtuels peuvent contenir plus d’une pièce, mais si vous souhaitez utiliser l’option «projecteur» (spotlight) pour vous adresser à l’ensemble de votre groupe, gardez en tête que cela est possible uniquement si tous vos étudiants sont dans la même pièce.

Chaque espace a son propre hyperlien qui peut être partagé avec tous ceux à qui vous désirez donner accès. Vous pouvez ajouter un mot de passe pour plus de sécurité. Vous pouvez aussi fermer un espace en restreignant l’accès et en effaçant tous les participants avant de le réutiliser lors d’une future session. Il est à noter que, dans la version gratuite de Gather, le nombre de participants est limité à 25 personnes dans un même espace. Si vous avez des groupes plus gros, vous voudrez peut-être créer différents espaces ou demander à vos étudiants, lorsqu’ils travaillent en équipe, de créer leur propre espace et de vous y inviter.

Un exemple du décor «département» qui permet aux étudiants de collaborer de différentes manières comme ils le feraient dans la vraie vie dans un local étudiant ou dans une salle d’apprentissage actif.

Les salles peuvent être personnalisées avec des objets qui peuvent être décoratifs ou interactifs. Ces objets interactifs peuvent prendre la forme de: <3p>

  • un document collaboratif (par exemple un lien vers un Google Doc)
  • un tableau blanc pour une collaboration immédiate
  • un babillard qui peut mener vers un babillard collaboratif (comme Netboard ou Padlet [en anglais]) ou un forum
  • un téléviseur permettant à tous ceux à proximité de regarder un contenu vidéo

Il est facile de personnaliser n’importe quel espace dans Gather en y ajoutant des objets décoratifs ou interactifs.

Par défaut, les participants peuvent interagir avec tous ceux près d’eux. En se rapprochant, leur audio et leur vidéo vont se fondre. En définissant des tuiles privées dans la salle, le propriétaire de la pièce peut aussi créer des zones influençant qui se voit et qui s’entend. Cela permet à tous ceux travaillant autour d’une large table d’interagir ensemble sans déranger ceux travaillant à une table adjacente par exemple. Les tuiles de projecteur (spotlight tiles) font en sorte que la personne qui se tient sur celles-ci (par exemple, lors d’un exposé) peut s’adresser à toute la classe.

En définissant tout le salon comme une zone privée, toute personne s’y étant assise peut participer à la discussion.

Kumospace

Les fonctionnalités de Kumospace [en anglais] sont très semblables à celles de Gather, mais elles sont plus restreintes et le visuel est plus réaliste. Les participants n’ont pas à se créer un avatar comme dans Gather, ils se déplacent plutôt avec une capture d’écran de leur webcam. Les étudiants peuvent aussi partager leur écran avec ceux près d’eux, mais ils ne peuvent accéder à des documents collaboratifs à partir de la plateforme. La fonction «mégaphone» permet à quelqu’un de parler à toute la pièce, il n’est pas possible de délimiter des zones de collaboration privées. Il est donc plus judicieux d’organiser des activités de discussion en petits groupes qui ont un caractère spontané et obligent à se déplacer de groupe en groupe.

Les fonctionnalités de Kumospace sont semblables à Gather, mais son visuel est plus réaliste.

Topia

Topia [en anglais] reproduit le style d’un croquis fait à la main. La plateforme, entièrement sur internet, ne fonctionne qu’à partir du navigateur Google Chrome. Plusieurs des modèles, nommés «kits», proposent de vastes environnements extérieurs, ce qui rend la plateforme particulièrement intéressante pour des activités d’apprentissage de type exploration, un peu à la manière des jeux de quête sur le web. Les éléments suivants peuvent directement être intégrés à l’environnement Topia:

  • des images et des objets personnalisés
  • de l’audio
  • des hyperliens
  • des portails vers d’autres environnements Topia

Cette dernière fonctionnalité permet aux participants de se déplacer d’un environnement à l’autre. Cela est utile pour les activités d’apprentissage qui sont segmentées. Dans la version gratuite, chaque Topia est limité à 20 participants, mais lorsqu’un environnement est complet, une salle d’attente est générée pour ceux tentant d’accéder à ce tableau. Dans un plus grand groupe, des sous-groupes d’étudiants pourront commencer l’activité dans différents Topia et réaliser l’activité d’apprentissage dans un ordre différent.

Topia adopte un visuel similaire à un croquis fait à la main et met l’accent sur des environnements extérieurs.

Spatial

Spatial [en anglais] est la plateforme offrant le visuel le plus avancé de toutes celles présentées dans cet article. Lors de la première utilisation, un avatar réaliste est généré par l’entremise d’une photo ou d’une image de la webcam. Les lieux de rencontre sont, eux aussi, en 3D et peuvent être accessibles en utilisant des appareils de réalité augmentée (RA) et de réalité virtuelle (RV) (par exemple, HoloLens et Oculus) ou par le biais de l’application mobile disponible sur iOS et Android. Une application web est également offerte, mais elle ne s’est pas téléchargée lorsque j’ai fait le test.

Spatial est plus adéquat pour les rencontres virtuelles et la collaboration en équipe qui nécessite des éléments visuels. Il est possible d’ajouter des images 2D et des modèles 3D dans les environnements, ce qui décuple les occasions de créer des stations d’activités d’apprentissage. Étant donné la complexité de l’application, technologiquement parlant, cette suggestion vaut la peine d’être explorée si vos étudiants ont accès à un téléphone intelligent prenant en charge la RA ou un visiocasque de RV. Spatial répondra peut-être moins à vos besoins si vous cherchez une option simple et naturelle qui permet à vos étudiants d’interagir entre eux comme ils le feraient dans la vraie vie.

Spatial propose un environnement 3D sophistiqué avec des fonctionnalités en RV.

Applications pédagogiques

Les plateformes de discussions de proximité peuvent être servir, entre autres, pour les applications pédagogiques suivantes:

  • toute activité qui implique que les étudiants doivent se déplacer entre différentes tâches ou stations
  • des discussions en petits groupes qui alternent avec des retours fréquents en grand groupe
  • des activités d’apprentissage permettant aux étudiants d’aller à leur propre rythme et qui requièrent de l’enseignant qu’il fasse des rétroactions avec les étudiants de manière individuelle ou en petits groupes pour mieux les guider
  • des simulations ou des activités de réseautage où les étudiants doivent interagir avec les autres de manière spontanée et aléatoire
  • des présentations où l’environnement virtuel peut atténuer un peu le stress associé au fait de se voir sur caméra.

Si vous intégrez un environnement virtuel de discussions de proximité à vos cours, n’hésitez pas à écrire dans la section Commentaires pour partager votre expérience, vos idées d’activités ou votre appréciation de la plateforme que vous aurez utilisée !

À propos de l'auteur

Andy Van Drom

Andy Van Drom enseigne l’anglais, langue seconde et la linguistique depuis 2005, d’abord à l’Université Laval, puis, depuis 2012, au Cégep Limoilou. Après avoir terminé des études doctorales en linguistique, il a complété une 2e maîtrise, en enseignement supérieur au collégial (Performa, Université de Sherbrooke). Dans le but de soutenir les pratiques d’enseignement inclusives et de favoriser la réussite étudiante, il s’intéresse au rôle de l’état d’esprit langagier dans la motivation à apprendre. Andy a publié 4 manuels chez Pearson ERPI et a développé plusieurs ressources éducatives libres en format numérique. Son grand intérêt pour la pédagogie l’a d’ailleurs mené à travailler avec Profweb (désormais Éductive) en 2017 et avec l’AQPC en 2021, 2 mandats qui se poursuivent. Son désir continu d’innover en pédagogie lui a valu la Mention d’honneur de l’AQPC, le Prix du personnel engagé de Forces Avenir et le prix EF Excellence Award in Language Teaching.

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François Simard
François Simard
10 mai 2021 13h16

Merci pour cet article fort intéressant! Cela me donne d’autres solutions à explorer. Personnellement, j’aime beaucoup ces environnements virtuels. Depuis un an, j’utilise régulièrement Spatial avec mon casque Oculus afin de faire du brainstorming en 3D. J’ai aussi utilisé cet environnement pour me faire un palais de mémoire (technique de mémorisation) virtuel. Actuellement, j’explore Hubs de Mozilla. On peut aisément y créer ou y adapter des environnements intéressants. Par exemple, j’ai adapté une salle de classe pour me pratiquer (https://hub.link/vq3yNSj). Les étudiants pourraient même utiliser des salles de dérivation.