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3 septembre 2020

La continuité pédagogique d’une compétence des techniques humaines

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Développer et évaluer une compétence des techniques humaines à distance, voilà le défi pédagogique relevé par Karine Lavallée, enseignante en Techniques d’éducation spécialisée au Cégep du Vieux Montréal. Cela a impliqué de:

  • Faire avec le contexte différent
  • Apprendre des collègues pour mieux se lancer
  • Être à l’écoute pour engager les étudiants
  • Travailler en ateliers à distance.

«Ça aide même à passer à travers un confinement en étant fiers de nos accomplissements»!

Quand Karine Lavallée repense au cheminement qu’elle a connu depuis le confinement, celle-ci est à la fois soulagée et fière: «Quoi de mieux pour occuper nos journées que continuer notre session. Ça nous rattache à quelque chose. Ça m’a vraiment aidé à garder le moral», dit-elle. Comme nous y incite le cours «J’enseigne à distance» mis en ligne par la TÉLUQ à l’invitation du ministère, Karine Lavallée a su «puiser dans l’expérience des champion[ne]s en conception pédagogique à distance de [son] département, […] [c]es précurseur[e]s qui […] suivent des formations sur les nouvelles façons d’enseigner, qui sont plus habiles avec les technologies». Une collègue de Karine Lavallée, Véronic Lemire, a écrit à ses collègues par courriel : «[c’est possible] d’évaluer l’animation de groupes à distance!», et leur a transféré les documents de l’Université de Montréal et de l’AQPC. Encouragée, Karine Lavallée a sauté dans l’adaptation à distance de ces cours d’animation.

La compétence du cours Animer des groupes de clientèles et des équipes de travail des Techniques d’éducation spécialisée n’était pas évidente à faire développer à distance. L’étudiant y apprend à:

  • analyser les phénomènes de groupe
  • favoriser la collaboration au sein d’une équipe de travail
  • évaluer sa capacité d’animateur

Toutefois, ceci va dans le sens des pratiques qu’apprécient ses étudiants qui disent:

  • « C’est plus lourd et exigeant, étudier sur Zoom. »
  • « Nous avons besoin de plus de pauses. »
  • « Il faut couper du temps du cours habituel. »
  • « On aime vraiment mieux aussi lorsque l’examen est transformé en travail et que nous avons tout notre temps pour bien le faire.»
  • «Les travaux d’équipe dans les salles de Zoom en petit groupe, c’est plus motivant».

Les capsules vidéos sont aussi jugées efficaces par la population des classes de Karine Lavallée. «Ça permet de les visionner lorsqu’on est attentif et de les faire rejouer», dit une étudiante. Une autre relate qu’ils sont 5 à la maison «et nous avons 3 ordinateurs! Alors on peut se répartir nos ressources».

Karine Lavallée a questionné avec curiosité autour d’elle ce travail à distance qui devenait la norme:

  • Ses amis professeurs d’université qui utilisent Moodle avec 400 étudiants satisfaits depuis des années
  • D’autres, en France, qui reçoivent des traitements en ergothérapie ou en orthophonie via l’école-Zoom de leur enfant
  • Ses propres enfants d’âge secondaire

Je mesure la vitesse de conversion de mes proches à la visioconférence et le retour de valeurs sûres, comme le téléphone. Enfin, je me renouvelle comme enseignante en étant étudiante moi-même. Le SPOC sur l’enseignement hybride de l’Université de Sherbrooke sera un phare pour ma session hybride de l’automne: l’étude des concepts structurants de la pédagogie à distance, l’expérimentation des moyens technologiques choisis, ainsi que les rétroactions partagées par les professeurs de cégep de la province sur son forum vivant et enrichissant

Est-ce que dans cette révolution pédagogique, je rencontre des obstacles? La réponse est clairement: oui. Alors j’écris mes difficultés à mes conseillers pédagogiques qui sont disponibles et efficaces pour me permettre d’avancer. Mon entourage est un aspect positif qui a fait que j’ai réussi à donner des cours de qualité dans ce nouveau contexte. Enseigner pendant la pandémie est devenu un défi réaliste et stimulant!

Karine Lavallée

S’adapter au contexte et en saisir les occasions

Le changement de modalité du cours a aussi été l’occasion d’y apporter des nouveautés. Les étudiants ont continué leur travail sur Teams, l’environnement d’apprentissage encouragé par les REPTIC de son collège. Aussi, au lieu d’une présentation orale en équipe, les étudiants de Karine Lavallée ont eu d’abord pour tâche un livrable multimédia. «Ça a été un bonheur de corriger ça, dit-elle. Et en voyant leurs réalisations, je bonifie ma pratique. Par exemple, à l‘instar de mes élèves, j’ai enregistré oralement mes rétroactions dans leurs PowerPoint».

En mars, la thématique de la compétence des équipes de travail était bien entamée. C’était tout l’inverse de celle de l’animation des «groupes de clientèles». Mais leurs mises en situation, après quelques adaptations pour les rendre accrocheuses, ont pu être jouées entièrement sur Zoom! Sur le plan de la forme, afin de manquer moins de détails, la taille des groupes a été réduite à 6 bénéficiaires pour 2 animateurs. Le reste de la classe était à la tâche sur autre chose dans une salle pour eux. Dans celle réservée aux animations, 2 étudiants chargés de la rétroaction et l’enseignante fermaient leur caméra, pour que les animateurs puissent se concentrer sur leurs participants. Et quand il fallait donner quelques indications de dernière minute à ceux qui allaient jouer la scène ou s’ils avaient besoin de se concerter, Karine Lavallée créait alors encore une autre salle Zoom — une salle d’attente! — dans laquelle elle écartait les animateurs pour leur réserver la surprise. Voilà bien une utilisation inusitée de cette fonction merveilleuse de l’outil de visioconférence qui a été si utile le printemps dernier! Le travail en atelier, repensé!

Les étudiants ont donc joué le rôle de:

  • Soutenir les aînés d’une ressource intermédiaire en démence d’Alzheimer à se laver les mains 20 secondes et à tousser dans leur coude
  • Aider des ados bénévoles dans les comptoirs de dépannage alimentaire à se fabriquer des masques;
  • Chercher un consensus avec les membres d’une unité de centre jeunesse sur un changement de l’horaire de vie
  • Motiver un groupe d’adultes d’une auberge du cœur en santé mentale, pour discuter des tâches de ménage et des bienfaits de vivre dans un milieu propre
  • Répondre aux questions de nouveaux arrivants sur le système scolaire québécois.

Tous ces exemples reflètent différentes clientèles avec lesquelles les étudiants seront susceptibles d’œuvrer comme techniciens en éducation spécialisée diplômés.

L’épreuve certificative s’est déroulée pratiquement de la même façon, mais avec un seul animateur. Les programmes d’animation ont alors cherché à:

  • Sensibiliser des préados à la protection de leur identité numérique et au respect dans Internet
  • Contrer le racisme dans un groupe d’enfants
  • Contribuer à la réhabilitation de personnes ayant subi un traumatisme crânien grâce au chant choral
  • Responsabiliser un groupe de jeunes de 15 ans sur le consentement sexuel
  • Renforcer la capacité de jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle à savoir dire non.
Capture d’écran Zoom de l’épreuve certificative d’une étudiante. Remerciements à Véronic L. Gilles P., Christine M., Marie-Sol C., Daniel B. Jean D. pour leur participation, des enseignants du département d’éducation spécialisée et conseillers pédagogiques du Cégep du Vieux-Montréal.

Chaque fois, malgré la distance, les participants ont su rendre visibles à l’écran les comportements problématiques sur lesquels l’animateur-étudiant doit intervenir pour mener à bien son animation. Par exemple, en classe, l’étudiant soufflerait des bisous et tenterait de coller sa chaise sur l’autre qui s’éloigne alors que, sur Zoom, la personne montre un gros coeur avec le prénom de l’autre participant.

Et si les animateurs distanciés ne pouvaient pas chercher certains éléments du langage non verbal des participants, un tic nerveux qui indiquerait l’anxiété par exemple, s’ils ne pouvaient pas non plus poser certains gestes professionnels en étant confinés derrière leur caméra, ils ont tout de même développé des stratégies pour laisser comprendre qu’ils le feraient. Dans une autre classe que celles de Karine Lavallée, on a vu une étudiante fermer les poings et rouler les avant-bras dans un mouvement semblable à un appareil d’un gym ou d’un jeu vidéo pour mimer s’approcher d’une cliente!

Un regard sur la session qui commence

Cet automne, Karine Lavallée prépare une nouvelle mouture du cours. Il sera vécu en grande partie à distance, avec peut-être une portion à l’extérieur. De ses lectures et du cours sur l’enseignement à distance, elle retient l’importance d’une présence enseignante qui accueille, sécurise, stimule l’appétit pour les apprentissages et qui soutient l’étudiant vers des solutions si un problème est rencontré. Elle aimerait également intégrer un suivi ludique du cheminement des différentes équipes pour favoriser la motivation scolaire.

Pour les cours théoriques, en asynchrone, Karine Lavallée entend répliquer les méthodes de Géraldine Heilporn du SPOC sur l’enseignement hybride de l’Université de Sherbrooke

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Il faut vraiment apprendre à segmenter et varier les tâches!. Ainsi, si en mode synchrone on travaille avec une moitié de notre groupe, l’autre moitié peut se rassembler avec une liste de programmes d’intervention à discuter ensemble. On leur spécifie une heure précise où tout le groupe revient en plénière.

Karine Lavallée

Une autre des astuces que Karine Lavallée recommande est de faire bouger les étudiants afin de les aider à mieux se concentrer, par exemple en leur demandant d’aller chercher un objet spécifique dans la maison. Ce à quoi s’ajoute le recours au réseau social Teams pour l’entraide dans le cours: «Ce sera la 2e année que je le ferai avec mes groupes. Et je vais continuer, assure-t-elle. Ça outille nos diplômés de demain à utiliser un espace professionnel et collaboratif» .

Pour favoriser l’engagement et la persévérance, elle verrait d’un bon oeil une publicité circulant à l’interne du collège qui scanderait: « Quoi de mieux à réussir pendant la pandémie que d’aller chercher son diplôme!». Nul doute que cette enseignante n’hésiterait pas à arborer cette bannière dans son espace d’apprentissage numérique!

Le début de la session d’automne 2020 est également marqué par une part d’inconnu, on ne sait trop dans quel état d’esprit seront les étudiants lors de leur retour en classe. Selon Karine Lavallée, c’est important qu’on se montre confiants en début de session. Ça vaut la peine d’oser, d’innover et de faire confiance à nos apprenants. À la fin de la session d’hiver 2020, elle a pu constater que ses étudiants avaient démontré la compétence avec autant de maîtrise que leurs prédécesseurs qui avaient suivi le cours en classe. La synergie peut se vivre à distance. Ça aide même à passer à travers un confinement en étant fiers de nos accomplissements!

À propos des auteurs

Jean Desjardins

D’abord enseignant puis 7 ans conseiller technopédagogique et 5 chargé de cours en intégration des TIC à l’éducation en parallèle, il œuvre depuis janvier 2020 au Cégep du Vieux Montréal à titre de conseiller pédagogique aux programmes et à l’international. Parmi les signaux faibles qu’il a contribué à amplifier, on compte les réseaux sociaux de classe, les outils web de collaboration et la ludification des apprentissages. Les pédagogies actives demeurent un de ses sujets de développement présents, à quoi s’ajoute l’évaluation en situation authentique.

Karine Lavallée

Ayant débuté sa carrière comme psychoéducatrice en scolaire et en centre jeunesse, puis comme enseignante au primaire en adaptation scolaire, depuis 20 ans elle considère avoir le privilège de contribuer à l’éclosion des compétences d’étudiants merveilleux et d’étudiantes merveilleuses en éducation spécialisée au Cégep du Vieux Montréal.

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