Revoir ma pratique de correction est venu d’un grand et beau souhait: celui d’optimiser ma correction pour les élèves, mais aussi pour moi. Ma ferveur et mon enthousiasme de prof de cégep en littérature commençaient à s’effriter sous le poids des piles de correction, année après année.
La rétroaction écrite, la rétroaction audio, la rétroaction vidéo, la juxtaposition de méthodes: j’ai lu, j’ai consulté, j’ai essayé, chaque fois habitée par cet espoir renouvelé de trouver la solution magique à ce fardeau que peut devenir la correction et aussi au peu de progression tangible des élèves qui recevaient des copies truffées de commentaires aussi technaudacieux les uns que les autres.
Un jour, une amie travaillant en francisation auprès d’une clientèle adulte m‘a fait part de sa méthode: corriger les élèves pendant l’acte d’écrire, dans le feu de l’action et de vive voix. Il s’agissait pour elle de la façon la plus efficace de faire apprendre le français à ses élèves.
Un autre jour, la vie me donna un bébé naissant à chérir. Des impondérables se dessinaient: je ne voulais plus passer mes fins de semaine et mes soirées à corriger. Dorénavant, je corrigerais les élèves devant eux en leur offrant une rétroaction en simultané.
La correction-rétroaction simultanée
J’amorce ma 4e année de cette pratique que j’appelle «la correction-rétroaction simultanée», et je dois dire que cela porte fruit. Toutes mes évaluations, à l’exception des évaluations finales, sont maintenant corrigées devant les élèves en rencontre individuelle. Les groupes que je vois sont unanimes chaque session: c’est une méthode qui leur plait et qui les aide. Et je ne corrige plus ni les fins de semaine ni les soirs.
Les rencontres de correction se font sur rendez-vous, idéalement dans un délai de 0 à 7 jours après l’évaluation, ce qui permet une rétroaction très rapide. Une personne qui vient tout juste de me remettre sa copie à la fin de la séance d’évaluation peut me voir en rencontre individuelle et recevoir les commentaires concernant sa copie, que je lis pour la 1re fois devant elle et que je corrige à voix haute.
Nature des travaux
En tant qu’enseignante de littérature, je suis amenée à corriger des travaux de nature semblable: des plans de texte, des paragraphes et des rédactions complètes. Cependant, le concept de la rétroaction simultanée est assurément transférable à toute autre forme d’évaluation.
La nature des évaluations en littérature fait aussi en sorte que je choisis de ne pas corriger l’entièreté du travail en présence de l’élève; je scinde ma correction en 2:
- Dans un 1er temps, devant les élèves, je corrige le contenu (les idées, les preuves, la structure, etc.) et je leur offre une rétroaction.
- Dans un 2e temps, je corrige le français écrit, seule avec mes ouvrages de référence.
Type de rétroaction
Il va de soi que lors des rendez-vous de correction, les commentaires sur le travail se font, en grande majorité, à l’oral. L’élève est invité à prendre des notes pour retenir l’information qu’il ou elle juge importante, ou encore à enregistrer la rencontre.
Par contre, lorsque je fais une remarque dont la compréhension et la rétention me semblent primordiales, je trouve particulièrement intéressant d’inviter l’élève à reformuler à l’écrit mes propos: «Comment je pourrais l’écrire sur ta copie pour que tu comprennes mon commentaire?», «Comment l’écrirais-tu?», «Où devrais-je l’écrire sur ta copie?»
Au fil de ma lecture du travail, je remplis ma grille de correction en émettant à voix haute toutes mes réflexions sur le travail de l’élève. Ainsi, les élèves connaissent leurs bons coups et les éléments qu’ils et elles doivent améliorer. Un genre d’enseignement explicite de la correction de copie.
Au départ, quand j’ai essayé cette méthode de correction-rétroaction, je ne donnais pas de résultat chiffré. Les élèves savaient s’ils ou elles réussissaient ou non chacun de mes critères et pourquoi, mais je me gardais un droit de réserve sur la note, que je leur attribuais une fois seule. Aujourd’hui, quelques modifications concernant le pointage dans ma grille de correction font que je suis à l’aise de leur donner un résultat chiffré. Ainsi, les élèves sortent de mon bureau en ayant une note partielle, sur 70, qui concerne uniquement l’objet de notre rencontre, soit le contenu de leur travail. Les 30 points restants sont réservés à la qualité de la langue, que je corrige seule.
Le temps alloué à la correction-rétroaction
Le temps accordé pour chacun des rendez-vous dépend de la nature de l’évaluation, du nombre d’élèves à corriger, du temps disponible pour moi et de ma vitesse (ou non) d’exécution. Selon le contexte, je fais des rencontres individuelles variant entre 5 minutes et 15 minutes, voire 20 minutes.
Pour rendre la rétroaction simultanée possible, dans mon cas, il est impératif que je fasse mes rencontres sur mes heures de cours. Si j’ai une évaluation à la semaine 4, les heures de cours de la semaine 5 serviront (partiellement ou en totalité) à la correction-rétroaction.
Pour chaque évaluation, je prévois des heures de correction hors des heures de cours afin de rencontrer tous les élèves. Il n’en reste pas moins que ce temps demeure inférieur à celui d’une correction plus traditionnelle (à l’extérieur des périodes de cours et en solitaire). Ici, il s’agit davantage de réorganiser son horaire que de «sauver» du temps de correction. L’acte de corriger prend essentiellement le même temps, mais ce temps est géré de façon différente puisqu’il inclut la rétroaction en présence de l’élève dont une partie se fait pendant les heures allouées au cours.
La pertinence de la correction-rétroaction
Sentiment d’efficacité personnel chez l’élève
C’est assez unanime, les élèves apprécient grandement la correction-rétroaction simultanée. Leur sentiment d’efficacité personnel est augmenté. Les élèves sentent qu’ils et elles peuvent s’améliorer. Cela augmente leur motivation et leur engagement. Cela permet aussi de créer un lien entre nous.
Aussi, ces rencontres permettent de donner beaucoup de commentaires en peu de temps, voire de reformuler le commentaire lorsque l’élève ne le saisit pas bien. C’est une occasion de proposer à la personne d’écrire elle-même le commentaire qui vient d’être émis afin qu’elle le comprenne.
Enfin, grâce à cette façon de corriger, l’élève reçoit une rétroaction assez rapidement. L’élève se souvient de ce qu’il ou elle a écrit, de la raison pour laquelle il ou elle l’a écrit, ce qui n’est pas toujours le cas autrement. Cette façon d’effectuer un retour sur la copie des élèves dans un climat calme et détendu a un sens, pour eux et pour elles.
Très intérressant! Merci du partage!
Merci de votre commentaire. Ça fait plaisir.
Je l’ai aussi expérimenté et ce type de correction « en direct » m’avait étonnée de par son efficacité: les élèves m’ont semblé progresser beaucoup plus rapidement ensuite et pour les mêmes raisons déjà nommées dans l’article. J’ajouterais aussi que la relation prof-élève « de proximité » qui se créait alors améliorait aussi la dynamique de classe par la suite. Seul bémol: la taille des groupes. Une centaine d’élèves par session rend cette pratique tout simplement insoutenable.
Merci pour votre commentaire Sylvie! Contente de savoir les bénéfices que vous en avez tirés vous aussi. Concernant le bémol, effectivement, plus il y a d’élèves, plus cette pratique est exigeante, voire, comme vous le dites, insoutenable. Dans les solutions, on pourrait demander un travail sommatif en équipe de 2, par exemple, ce qui réduirait de moitié le nombre de rendez-vous à réaliser. Une autre solution, dans le cas où les 100 élèves proviendraient de deux ou trois cours différents : faire la planification de session en s’assurant que les semaines d’évaluation et de rencontre ne soient pas les mêmes.
Bonjour,
Très intéressant, mais serait-il possible de savoir le nombre d’élèves que vous avez par groupe généralement? Est-ce de l’ordre de 25 ou de 40?
Merci!
Bonjour! Mes plus gros groupes ont été d’une trentaine d’élèves. Les cégeps de région ont la chance d’avoir de plus petits groupes, généralement.
Bonjour! Votre méthode m’intéresse et je fais la même chose pour toutes les évaluations formatives (qui ne comptent pas). L’atelier est fait en classe, et ils doivent me montrer le résultat de leur travail pour que je note leur présence. Je regarde leur travail et leur fais des commentaires à l’oral. Ainsi, ils peuvent se pratiquer à faire des plans, des introductions, etc. et savoir immédiatement si leur façon de faire est la bonne. Votre pratique est celle que je réalise habituellement durant mes heures de disponibilités. Ayant en moyenne 43 étudiants par groupe, donc 129 étudiants, je me demande comment je pourrais tous les voir. Ceux qui ne se présenteraient pas manqueraient une semaine de cours. J’ignore si la direction serait en faveur d’une telle pratique. Je vais m’informer. Merci beaucoup du partage!
Bonjour! C’est vraiment intéressant! Nous réfléchissons en ce moment à cet aspect pour les cours de mise à niveau en français à notre cégep. Est-ce possible d’avoir des modèles de grille de correction que tu juges efficace?
Merci!
Vous pouvez m’écrire un courriel afin que nous échangions sur le sujet si vous le souhaitez. Merci!
Cet article arrive dans mes nouvelles juste à point. Avec mon groupe de huit étudiants, je crois que ce sera plus que pertinent. Je vais peut-être essayer la même chose, mais en m’attardant aussi à la qualité du français, étant donné que je donne un cours 101 jumelé à du renforcement en français. Pour moi qui ai longtemps fait du CAF, il est évident qu’un tel type de rencontre est bénéfique pour l’amélioration de l’étudiant. Merci!
Tout semble s’aligner pour une telle pratique. Je vous souhaite beaucoup de plaisir dans cette exploration!
Superbe article ! J’ai quelques questions en lien avec toutes ses suggestions.
Étant professeur en mathématiques, je cherche différents moyens de donner de la rétroaction à mes étudiantes et étudiants. J’ai commencé à créer des fiches de rétroaction après chaque examen, j’ai aussi pensé faire des vidéos individualisées, mais j’ai l’impression que les résultats ne sont pas toujours aux rendez-vous.
Avez-vous pensé à intégrer une plateforme numérique en lien avec la correction-rétroaction, que ce soit pour faciliter la prise des rendez-vous ou l’accès à voir les commentaires donnés lors des rétroaction.
J’ai comme objectif de créer une évaluation autoportante, c’est-à-dire une activité réalisée de manière autonome par les étudiants. Je pense que ce serait très pertinent de prendre le temps d’y inclure une correction-rétroaction auprès des apprenants durant l’évaluation.
C’est pour cette raison que je me demande si vous utilisez une quelconque plateforme pour vous aider.
Merci pour tout ! 🙂
Bonjour!
Je n’ai essayé aucune plateforme numérique, la prise de rendez-vous dans la classe sur papier me permettant de garder un certain contrôle sur les rendez-vous (et éviter que quelqu’un ne change son rendez-vous à la dernière minute, ou que quelqu’un l’efface par mégarde, etc.). Par contre, je serais très intéressée de connaitre la suite de cette superbe idée!
Bonjour Marie-Pier,
Ton idée m’inspire beaucoup, et j’aimerais avoir un aperçu de tes grilles de correction, si tu es à l’aise avec l’idée.
Merci!
Bonjour, contente de voir que ça vous intéresse. Vous pouvez m’écrire un courriel à mon adresse institutionnelle concernant la question des grilles de correction.
Très intéressant!
Que font les autres étudiants durant les rencontres sur les heures de classe? Est-ce que vous levez le cours simplement ou ont-ils une autre tâche à accomplir?
Que pensez-vous de la possibilité de faire cet exercice en classe où les étudiants passe un après l’autre pendant que les autres travaillent sur un exercice quelconque?
Merci beaucoup!
Bonjour Nicolas,
Effectivement, mes cours sont levés et des devoirs sont donnés. Pour la confidentialité, la relation avec l’élève et la concentration, je ne vois pas d’avantage à utiliser la »classe », j’y vois même plutôt des inconvénients, d’autant plus que les rendez-vous débordent toujours des heures de cours, ce qui fait que les élèves n’auraient pas toutes et tous la même formule. Par contre, peut-être que pour certains types d’évaluation et dans certains types de groupe, cela s’y prête. Ceci reste une opinion bien personnelle :).