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27 janvier 2025

La détox numérique: une approche équilibrée des technologies en éducation

Ce billet de blogue est une traduction d’un texte paru dans le volet anglophone d’Éductive.

Avec la nouvelle année qui commence, plusieurs d’entre nous prennent des résolutions pour améliorer notre bien-être. Qu’en est-il de notre relation avec les technologies? Notre exposition constante au numérique dans notre vie quotidienne est le parfait prétexte pour envisager une détox numérique, en particulier dans la salle de classe. Bien que la technologie fasse partie intégrante de l’enseignement, plusieurs enseignants et enseignantes se questionnent sur son impact et se préoccupent des effets néfastes de l’utilisation constante du numérique.

Curieuse d’en apprendre davantage sur cette tendance émergente, j’ai décidé d’explorer le concept de la détoxification numérique pour mieux comprendre le problème et découvrir ce qui motive des enseignants et enseignantes à repenser leurs pratiques. Dans cet article, je partage avec vous des pistes de réflexion et vous propose aussi des solutions pratiques pour atteindre une approche plus équilibrée des technologies.

Le problème des technologies

Le glissement vers l’enseignement en ligne durant la pandémie a fait en sorte que les technologies et le temps d’écran sont devenus des éléments essentiels de l’éducation. Bien que l’intégration des technologies offre plusieurs avantages, un usage excessif peut aussi entrainer sa part de défis, dont des effets négatifs sur la santé physique et mentale.

Les problèmes associés à un temps d’écran exagéré peuvent être regroupés en 3 grandes catégories:

Pour relever ces défis, le personnel enseignant et les élèves se tournent de plus en plus vers la détoxification numérique, une approche pour restaurer un équilibre dans notre environnement éducatif dépendant aux technologies.

Une détoxification numérique, c’est quoi ?

La technologie est partie intégrante de notre quotidien. Nous sommes devenus si interconnectés que la simple idée de se déconnecter entièrement n’est pas seulement irréaliste, mais aussi incommode.

Toutefois, la détoxification numérique ne signifie pas renoncer complètement à la technologie. Il s’agit plutôt de développer une relation plus saine et plus éthique avec les technologies pour réduire les effets négatifs. Par exemple, est-ce que l’utilisation de téléphones intelligents ou d’ordinateurs portables est vraiment nécessaire dans la salle de classe? Se déconnecter des appareils électroniques quelques heures par jour peut améliorer le bien-être des élèves et avoir un impact positif sur leur apprentissage [en anglais].

Comme Brenna Clarke Gray de l’équipe des technologies de l’apprentissage à l’Université Thompson Rivers (UTR) explique dans un article [en anglais], la détoxification numérique n’est pas synonyme d’abstinence, mais d’une prise de décision réfléchie. L’équipe des technologies de l’apprentissage de l’UTR propose une approche différente de la détoxification numérique. Elle encourage le personnel éducatif à poser un regard critique sur ce qui rend la technologie potentiellement néfaste et à utiliser les outils pédagogiques de manière plus éthique et réfléchie. Chaque année, l’UTR organise un projet de détoxification numérique [en anglais] pour aider les enseignants et enseignantes à réfléchir au rôle de la technologie dans leurs salles de classe et à explorer comment cela est interrelié à l’apprentissage et l’enseignement.

Stratégies de détoxification numérique

Comme enseignants et enseignantes, nous pouvons jouer un rôle crucial pour aider nos élèves à développer une relation plus saine avec la technologie. En m’appuyant sur mes lectures et mes réflexions, voici quelques stratégies pour guider les élèves vers un usage plus équilibré et plus sain des outils numériques en classe.

Intégrer l’apprentissage hybride

L’apprentissage hybride combine l’apprentissage en ligne avec des activités d’apprentissage en présentiel, réduisant ainsi le temps d’écran des élèves.

Une récente étude [en anglais] menée par des neuroscientifiques du Teachers College de l’Université Columbia a révélé que la lecture sur un support papier au lieu d’un écran améliore la compréhension et la rétention de l’information. Même si l’étude avait comme échantillon des élèves âgés de 10 à 12 ans, cela mène à penser que les cégeps ne devraient pas nécessairement éliminer les manuels papier, puisque la lecture profonde augmente quand on lit un format imprimé. De plus, intégrer du matériel physique et numérique dans l’apprentissage répond aux préférences et besoins divers, favorisant ainsi un apprentissage inclusif.

Ajouter des éléments ludiques

La ludification consiste à utiliser des éléments ou des activités tirés de jeux dans un contexte non ludique. Cette approche peut rendre l’apprentissage plus engageant et réduit les inconvénients d’un temps d’écran excessif. Utiliser ce type de stratégie peut aider à briser la monotonie de l’enseignement traditionnel et garde les élèves impliqués activement dans leur éducation. En intégrant des activités pratiques et des éléments d’apprentissage ludiques dans votre curriculum, vous pouvez aider vos élèves à maintenir une approche équilibrée de la technologie.

Enseigner la littératie numérique

Dans l’article «Il faut repenser la place de la compétence numérique dans le système éducatif québécois», Agbotro, Dumouchel, Giroux et Hébert discutent des défis auxquels les universités québécoises sont confrontées aujourd’hui étant donné les différences considérables dans le niveau des compétences numériques des étudiants et étudiantes et l’évolution rapide des technologies numérique, en particulier l’intelligence artificielle (IA), en éducation. Les élèves ont souvent des lacunes dans leurs compétences numériques, ce qui fait en sorte qu’ils et elles ont de la difficulté à répondre aux exigences universitaires.

En effet, nous présumons trop souvent que les étudiants et étudiantes sont compétents dans leur utilisation de la technologie (et des outils d’IA), mais ce n’est pas toujours le cas. Au début de chaque session, je suis surprise par les lacunes dans la littératie numérique de mes élèves et par le nombre d’étudiants et d’étudiantes qui ne sont toujours pas familiers avec des logiciels et des plateformes utilisées par leur établissement (Moodle, Microsoft Office, etc.).

Enseigner la littératie numérique aux élèves, dont une utilisation responsable et éthique, est essentiel. En 2019, le ministère de l’Éducation a publié le Cadre de référence de la compétence numérique [PDF]. Toutefois, plusieurs réclament une approche plus structurée et formelle de l’éducation numérique au Québec, en particulier avec l’évolution rapide des outils d’IA. L’absence de lois et de politiques globales fait paniquer plusieurs enseignants et enseignantes! Les outils d’IA peuvent produire un travail qui ne peut être différencié d’un travail authentique créé par des élèves, ce qui soulève de nombreuses inquiétudes au sujet de l’intégrité intellectuelle.

Récemment, le ministère de l’Éducation a répondu à ce besoin en publiant un guide complémentaire au cadre de référence existant intitulé L’utilisation pédagogique, éthique et légale de l’intelligence artificielle générative [PDF]. Ce guide, destiné au personnel enseignant, propose diverses perspectives et critères pour une utilisation éthique, pédagogique et légale de l’IA en contexte éducatif, dont la protection de l’intégrité intellectuelle.

Une section clé de ce guide fait la promotion de la sobriété numérique. Une réflexion critique sur la manière dont les outils numériques sont utilisés est encouragée où l’on met d’ailleurs l’accent sur la durabilité et la responsabilité environnementale pour ainsi diminuer l’empreinte numérique des personnes utilisatrices. Cela permet aussi de prioriser le bien-être des utilisateurs et utilisatrices. Le but est de réduire l’usage excessif des outils numériques tout en aidant à protéger les élèves des effets potentiellement négatifs sur leur santé physique et mentale.

Poser un jugement critique sur les outils numériques

L’abondance d’outils numériques pour les salles de classe peut être déstabilisante. Avec toutes les plateformes, logiciels, applications et outils d’IA, on peut facilement se perdre. Il est donc important d’évaluer si un outil numérique est nécessaire et bénéfique pour notre cours en se posant les questions suivantes:

  • Est-ce que cet outil répond à mes objectifs pédagogiques ?
  • En quoi cet outil améliore l’expérience d’apprentissage de mes élèves ?
  • Est-ce que cet outil est convivial et accessible pour tous les étudiants et étudiantes ?

Si utiliser un outil n’ajoute pas une plus-value à une activité, il n’est peut-être pas nécessaire. Quand vient le temps de choisir des outils numériques, réfléchissez si ceux-ci améliorent vraiment l’apprentissage ou s’ils offrent simplement une facilité ou un engagement superficiel. Je pense qu’un outil devrait enrichir l’expérience d’apprentissage en aidant les élèves à mieux comprendre le contenu ou à développer des compétences importantes.

L’outil complémentaire [PDF] du guide L’utilisation pédagogique, éthique et légale de l’intelligence artificielle générative, dont il a été question précédemment, propose une liste de questions réflexives sur la pertinence pédagogique d’utiliser l’IA. Les questions ont été structurées en 3 étapes (avant, pendant et après l’utilisation de l’IA). Ces questions aident le personnel enseignant à évaluer le potentiel pédagogique d’intégrer l’IA à leurs classes.

Par un choix judicieux des outils numériques, nous pouvons éviter les distractions inutiles et s’assurer que la technologie choisie soit vraiment un atout précieux dans le processus d’apprentissage des élèves.

Qu’en est-il des données d’apprentissage et des lois sur les renseignements personnels?

Le blogue Digital Detox [en anglais] de l’UTR rappelle l’importance pour les enseignants et enseignantes de comprendre les données d’apprentissage. L’analyse de l’apprentissage fournit des données sur l’engagement de l’élève en monitorant les activités sur une plateforme d’apprentissage en ligne. Cette information est hors de tout doute utile pour suivre la participation des étudiants et étudiantes. Toutefois, ces mesures peuvent potentiellement envahir l’espace privé, en particulier quand les données sont utilisées pour étiqueter les élèves sans leur consentement. Par exemple, un étudiant pourrait être étiqueté comme faible ou désorganisé en fonction des informations recueillies.

Pour s’assurer d’une utilisation responsable des données d’apprentissage et favoriser de saines habitudes numériques, les enseignants et enseignantes devraient:

  • connaitre les données recueillies et discuter de leur utilisation avec les élèves
  • apprendre comment interpréter les données correctement et comprendre les limites de l’outil choisi
  • ignorer les données non pertinentes et porter son attention sur les mesures significatives
  • prendre leurs décisions en s’appuyant sur le contexte personnel et non juste sur des conclusions basées sur des données

De plus, comprendre les lois sur les renseignements personnels, comme la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, est essentiel pour protéger les données des élèves et respecter nos obligations légales.

Quelques pistes de réflexion…

Dans ma classe, je tente toujours d’encourager les interactions, que ce soit avec des discussions de groupe, des projets en équipe ou la résolution de problèmes collaborative. Je pense que ces activités peuvent aussi servir de stratégie pour réduire la dépendance des élèves à la technologie en créant un environnement d’apprentissage plus équilibré.

Comme enseignants et enseignantes, nous devons constamment nous adapter au caractère évolutif de la technologie dans nos classes. Bien que les outils numériques offrent de nombreuses opportunités, ils présentent aussi des défis qui requièrent notre attention. Ne vous méprenez pas; je ne suis pas technophobe. En fait, j’intègre la technologie dans mon enseignement! Toutefois, je me demande où je dois tracer la ligne. À quel moment il y a trop de technologie? Améliorons-nous vraiment l’apprentissage ou ajoutons-nous simplement du bruit? Je pense que la clé réside dans le fait de trouver le juste milieu.

Je vais continuer d’explorer ces questions et je vous invite à vous joindre à la conversation. Comment équilibrez-vous les méthodes d’enseignement traditionnelles et numériques? Quelles stratégies avez-vous trouvées efficaces pour valoriser une relation plus saine avec la technologie dans votre classe? Partagez vos réflexions et expériences dans la zone de commentaires!

À propos de l'auteure

Véronique Drolet

Après avoir enseigné l’anglais langue seconde et l’anglais langue maternelle au niveau secondaire pendant 16 ans, Véronique Drolet a depuis peu intégré le réseau collégial. Elle est présentement enseignante en anglais au Cégep Limoilou. De plus, son intérêt marqué pour les langues l’a amenée à réaliser un certificat en traduction. Passionnée par l’intégration pédagogique du numérique, elle rejoint l’équipe Éductive en tant qu’éditrice technopédagogique.

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