La distanciation au coeur d’un projet motivant pour les étudiants de Technologie du génie physique
Rien de mieux qu’un projet authentique et concret pour engager les étudiants. En Technologie du génie physique, les occasions ne manquent pas, mais l’un des projets que je réalisais avec mes étudiants a pris une toute nouvelle tournure dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
En collaboration avec mon collègue Christian Thériault, enseignant en mathématiques et professeur associé à l’UQAM, une équipe multidisciplinaire de professionnels et en impliquant des étudiants, j’ai mis sur pied le projet Dista. Dista est un système qui mesure la distance entre les personnes en exploitant l’optique et l’intelligence artificielle. À l’intérieur d’un camion publicitaire, 2 caméras filment les gens dans les rues. Un programme d’intelligence artificielle traite les images pour identifier où sont les personnes et mesurer la distance entre elles par stéréoscopie. Un écran géant à l’extérieur du camion montre aux passants leur image et en y superposant des flèches sur lesquelles on lit la distance entre les personnes. Et les gens qui croyaient se trouver à 2 mètres l’un de l’autre découvrent qu’ils n’y sont pas toujours…
Genèse du projet
En Technologie du génie physique, j’enseigne le prototypage d’instruments de mesure dans le cadre du cours porteur de l’épreuve synthèse de programme. Les étudiants doivent concevoir et développer un instrument pour mesurer un phénomène physique qu’il n’est pas commun de mesurer. Par le passé, par exemple, certains ont développé un instrument pour mesurer la pression appliquée par une main sur une poignée.
Depuis 2 ou 3 ans, je cherchais une façon d’impliquer les étudiants dans un projet de plus grande envergure. Je voulais trouver une façon d’impliquer des collègues et des entreprises. Je souhaitais introduire des notions entrepreneuriales et mettre plus en évidence les notions de gestion de projet.
Un projet initialement lié à la sécurité routière
Au début 2018, j’en ai parlé à des collègues et des chercheurs d’Optech, le centre collégial de transfert de technologie de notre collège. Nous avons eu l’idée de réaliser un projet autour de la disposition du Code de la sécurité routière qui prévoit que les automobilistes doivent garder leur véhicule à 1,5 m des cyclistes dans les zones où la limite de vitesse est de 50 km/h ou plus, et 1 m dans les zones où la limite de vitesse est plus basse. Il s’agissait d’utiliser l’intelligence artificielle pour qu’un ordinateur puisse reconnaître les voitures et les cyclistes sur les images fournies par des caméras, puis mesurer la distance entre eux. Un panneau sur le bord de la chaussée dans les zones passantes près des bandes cyclables aurait pu informer les automobilistes de la distance qui les sépare des cyclistes. Après tout, ces distances sont bien difficiles à quantifier pour la plupart des automobilistes…
Un projet interordre
Notre projet a été financé par le biais du volet « Soutien aux initiatives de formation en intelligence artificielle » du programme NovaScience, du ministère de l’Économie et de l’Innovation, et par le Pôle montréalais d’enseignement supérieur en intelligence artificielle.
Nous avons créé des liens avec l’École de technologie supérieure et nous nous sommes associés à Marco Pedersoli, professeur spécialisé en intelligence artificielle qui nous a permis de collaborer avec certains étudiants à la maîtrise en ingénierie des systèmes . Au terme du projet, les étudiants du baccalauréat seront également impliqués .
De plus, l’une des visées de notre projet est de faire connaître l’intelligence artificielle auprès des étudiants d’autres cégeps et écoles secondaires. Nous voulons faire des tournées dans les écoles pour montrer comment l’intelligence artificielle peut être utilisée pour répondre à des besoins concrets et pour permettre aux jeunes de simuler la création d’un outil exploitant l’intelligence artificielle. Ce volet du projet a entre autres reçu une contribution financière de la Fondation du Collège L’Assomption, une école secondaire.
Les premiers mois du projet
En décembre 2019, l’équipe et moi avons commencé à travailler sur le projet. Parmi les 8 étudiants du cours de prototypage, une équipe de 2 s’est portée volontaire pour prendre en main une portion des étapes initiales de ce projet.
Et arriva le coronavirus…
En mars 2020, le collège a fermé et tout a été mis en pause. J’ai cherché des façons de me rendre utile. J’ai fait du bénévolat dans un organisme oeuvrant auprès des sans-abris, j’ai fait des courses à vélo pour mon père et des amis en confinement de retour de voyage. Un jour, sur mon vélo, j’ai eu un flash: la technologie sur laquelle nous travaillions pour mesurer la distance entre les véhicules pouvait être adaptée pour mesurer la distance entre les personnes et répondre au pressant besoin actuel.
Je n’ai eu aucun mal à convaincre l’équipe (et d’autres enthousiastes bénévoles!) de sauter à pieds joints avec moi dans ce projet.
J’ai confié quelques mandats à l’équipe d’étudiants impliquée initialement dans le projet Dista: trouver du matériel, faire des recherches… Mais tous les étudiants du groupe étaient invités aux différentes rencontres d’équipe avec les ingénieurs, les informaticiens, etc., parfois même le soir. À défaut de pouvoir être en classe, ils pouvaient en quelque sorte faire un stage d’observation au sein d’une réelle équipe qui gère un projet urgent. Certains m’ont suivi en direct alors que je me filmais en train de faire les branchements dans le camion.
Aujourd’hui, le prototype fonctionne. Le camion circule à Montréal. Il a fait l’objet d’un reportage de Radio-Canada et d’un segment de l’émission Infoman. Nous attendons des réponses de certaines autorités publiques pour en faire le déploiement.
Présentation de notre projet dans l’émission Infoman
Et la suite?
Les prochaines étapes sont:
- créer une interface conviviale pour l’utilisation de l’outil et en améliorer l’ergonomie afin que le chauffeur du camion (ou un technicien, peut-être) puisse l’utiliser facilement seul
- améliorer la précision de l’outil pour les mesures effectuées au loin
- intégrer la technologie à d’autres supports qu’un camion publicitaire. Elle peut être utilisée avec n’importe quel écran; pas seulement celui d’un camion. On pourrait très bien l’utiliser sur un écran géant à l’entrée d’un commerce ou dans une cafétéria ou un gymnase, par exemple, pour s’assurer que les gens soient à 2 mètres les uns des autres. Ou pourquoi ne pas le brancher au projecteur d’une classe pour renseigner les élèves sur les distances entre eux?
Le projet est loin d’être terminé! Et je continuerai d’impliquer les étudiants de mon programme l’an prochain, que ce soit pour le développement de l’outil ou pour faire connaître l’intelligence artificielle dans les écoles. Ils en sortiront gagnants sur toute la ligne!
Bravo pour cette initiative ! Le réseau collégial peut être fier de compter des gens comme vous dans sa communauté enseignante et de chercheurs.
Voici un communiqué qui donne un peu plus d’informations au sujet des ateliers pédagogiques du projet dista, en date de septembre 2022: https://ameqenligne.com/article/education/niveau/collegial/2/978166/b-tournee-dans-les-ecoles-secondaires-du-quebec-pour-la-promotion-de-la-science-avec-le-projet-dista-du-cegep-andre-laurendeau-.html