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12 mars 2012

L’autoscopie : pourquoi?

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Yvon Duquette enseigne les soins infirmiers depuis 1977. Avec le temps, la relation infirmière-client et l’intervention en santé mentale sont devenues ses principales préoccupations dans l’enseignement. Il nous explique pourquoi il a adopté l’autoscopie : une forme d’intervention particulièrement adaptée à l’approche par compétences. L’analyse que l’étudiant pose, à l’aide d’enregistrements audiovisuels, lui permet d’intervenir plus aisément sur ses propres comportements, gestes ou attitudes.

Exemple de rétroactions exercées entre étudiants à la suite d’une simulation clinique

Une approche par compétences

Au début de ma carrière, j’avais beaucoup de temps, mais peu de moyens pour enseigner. Le tableau noir, un livre de cours, la jeunesse et beaucoup de naïveté faisaient partie des outils pour éduquer des plus jeunes que moi. Les différentes réformes scolaires et la Loi 90 ont coloré mon parcours professionnel. Le nouveau curriculum, qui augmente les responsabilités de l’infirmière et introduit une approche par compétences, a fait surgir de nombreuses questions :

  1. Comment un apprenti soignant peut-il apprendre à intervenir en soins infirmiers en si peu de temps?
  2. Comment savoir s’il développe vraiment sa compétence?
  3. Comment assurer le suivi et l’enrichissement des compétences selon l’approche programme?

Une technique issue de la pratique réflexive de Donald Schön

Dans le tournant des années 1990, j’ai décidé de m’inspirer de la pratique réflexive de Schön « qui lie très étroitement l’apprentissage dans l’enseignement à la réflexion partagée sur des situations réelles d’apprentissage ». C’est à ce moment que j’ai introduit l’autoscopie. Je voulais aider mes étudiants à comprendre comment on se développe professionnellement en puisant dans un « savoir dans l’action ».

Des mises en situation clinique

Le projet a consisté à construire, dans un environnement sécuritaire, des mises en situation clinique permettant aux étudiants d’apprendre. J’ai composé le répertoire de jeux de rôles à l’exemple des évaluations cliniques objectives structurées (ÉCOS) de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. J’ai entrepris une importante revue de la littérature pour construire des mises en situation associées aux éléments de compétences des cours.

Puis, j’ai demandé à des enseignants du programme (soins infirmiers, biologie, psychologie, sociologie, philosophie) et des infirmières des milieux cliniques d’examiner ces mises en situation et de me donner leurs commentaires. C’était pour moi une façon d’assurer une forme de validité par les pairs, tout en promouvant l’approche programme. Je souligne d’ailleurs la contribution de Frédéric D’Astous en ce qui concerne son éclairage sur la socialisation différenciée.

Simultanément à cette forme de validation, j’ai développé l’expérimentation en laboratoire avec les étudiants pour comprendre comment les sujets-étudiants se comportaient.

La démarche du laboratoire d’autoscopie

Le laboratoire d’autoscopie, où une technicienne soutient les étudiants, est composé d’une salle de classe multimédia, de cubicules adaptés aux petites équipes de travail, d’une caméra numérique, d’un ordinateur portable et d’un disque dur externe.

Exemple de simulation clinique vécue par des étudiants

Centrées sur le développement des compétences de l’agir communicationnel des étudiants, les activités s’y effectuent selon la séquence suivante :

  1. Les étudiants prennent connaissance des mises en situation avant le cours.
  2. Lors de la première période du cours, je revois et j’explique les enjeux soulevés par chacune des mises en situation.
  3. Les étudiants, en groupe de six, schématisent sur un grand carton leur scénario.
  4. Ils effectuent un premier enregistrement du jeu de rôles des acteurs (patient-infirmier) alors que les autres observent à l’aide de la grille d’observation.
  5. Le petit groupe des six revoit la vidéo à l’aide de la grille d’observation.
  6. Le groupe retourne enregistrer leurs rétroactions.
  7. La semaine suivante, on fait le débreffage (debriefing) en classe en grand groupe sur les performances observées sur les trois ou quatre vidéos concernant la même mise en situation.

Lors des premières expérimentations, les vidéos, compressées avec MédiaCoder, étaient déposées sur la plateforme DECclic pour être revues à la maison. Nous avons abandonné cette étape, par manque de temps dans le cours.

Le bilan

L’introduction de cette technique d’animation m’a permis de consolider le matériel didactique développé et de faire plusieurs découvertes. Sans toutes les nommer, il y a eu la prise de conscience concernant la socialisation différenciée (le développement des hommes vs celui des femmes), les différents profils d’apprentissage3 de mes étudiants et le dépistage plus rapide des difficultés d’apprentissage. Lors du visionnement des enregistrements, je peux observer si l’étudiant est capable d’accéder à une pratique réflexive à l’égard des soins infirmiers, en utilisant les bonnes connaissances, s’il peut valider ses stratégies d’intervention et tirer parti de ses expériences. La boucle d’apprentissage expérientielle de Kolb est appliquée! Si les scénarios au laboratoire et l’étape de l’autoscopie sont bien structurés, cette démarche facilite grandement l’apprentissage en profondeur, le développement des compétences des étudiants et enfin la prise en charge de la pratique infirmière. Voilà ma plus importante découverte!

Je ne peux passer sous silence qu’un tel projet n’aurait pas été possible à développer sans le support inestimable de la conseillère TIC et des techniciens du Carrefour TIC du collège et la libération accordée par la direction des études pour développer ce projet pédagogique.

Le projet permet de développer des conditions amenant les étudiants à explorer, réfléchir, apprendre et agir en tant que communauté apprenante. Maintenant, je peux dire que je n’ai plus besoin de tout enseigner! De les voir se développer avec les outils de l’autoscopie devient du BONBON pour tout le monde. Une passion d’apprendre ensemble!

Ce bonbon attire-t-il votre dent sucrée de pédagogue? Dans quel programme, dans quelle situation, dans quel cours ou pour quelle compétence cette démarche d’apprentissage pourrait-elle être pratiquée avec vos étudiants?

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