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20 novembre 2023

Utiliser les mathématiques pour étudier les mouvements dans les sports: une activité réalisée pendant une semaine consacrée à l’interdisciplinarité

Les mathématiques peuvent-elles être utiles pour l’analyse de mouvements en éducation physique? Oui! C’est ce que j’ai eu l’occasion de faire découvrir à des étudiantes et des étudiants, en travaillant en collaboration avec Ariane Crépeau-Rousseau, enseignante d’éducation physique.

Du 18 au 22 septembre 2023, le Collégial international Sainte-Anne a organisé la 2e édition de la «Semaine de l’interdisciplinarité». Pendant cette semaine, il n’y a pas de cours. À la place, le collège mise sur la créativité et le leadership de ses enseignants et de ses enseignants pour qu’ils et elles organisent des activités montrant les interconnexions entre les disciplines. Les élèves doivent obligatoirement participer à quelques-unes des activités offertes.

Étudier les mouvements dans les sports

En collaboration avec l’enseignante d’éducation physique Ariane Crépeau-Rousseau, j’ai proposé un atelier appelé « Étude du mouvement corporel dans les sports». Cet atelier se voulait une occasion pour les élèves de pratiquer un mouvement commun dans un sport et de l’analyser. Voici quelques exemples de questions auxquelles les participants et participantes ont tenté de répondre:

  • Quel membre de l’équipe lance le ballon de football le plus rapidement?
  • Au badminton, quelle technique de service permet de lancer le volant le plus rapidement?
  • Est-il préférable de frapper un ballon de volleyball en hauteur ou plus bas pour que la vitesse soit optimale?

Les élèves se filmaient en action avec l’aide d’un pair. Pour garder le même référentiel tout au long de l’étude, ils et elles devaient faire en sorte que le mouvement soit bidimensionnel face à la caméra et avec un cadre fixe.

Le contenu du média qui suit pourrait ne pas être conforme au standard d’accessibilité.

Une vidéo que j’ai filmée moi-même, à la manière de celles faites par les élèves 

Chaque équipe avait un ruban à mesurer avec elle pour mesurer un objet témoin visible dans le cadre de l’image (un banc de parc, une latte de bois, etc.). Connaître la longueur de cet objet permettait par la suite aux élèves d’étalonner les distances sur les images.

Les étudiants et les étudiantes ont utilisé le logiciel Tracker. Ils et elles pouvaient l’installer sur leur ordinateur portable personnel ou utiliser la version en ligne, moins efficace et sujette à des bogues selon les plateformes.

Les élèves essayaient du mieux possible de garder constants les paramètres de l’expérience pour, idéalement, n’en faire varier qu’un seul. Pour cette raison, la majorité des capsules ont été filmées à l’intérieur.

Utilisation de Tracker et GeoGebra (ou Excel)

Les personnes inscrites à l’atelier ont importé leur vidéo dans l’application Tracker afin de l’étudier point par point.

Importer une vidéo dans Tracker

Dans Tracker, les élèves ont utilisé la longueur témoin pour étalonner toutes les mesures faites à l’aide de la séquence vidéo.

Capture d’écran du menu du haut de l’interface de Tracker Online. Un bouton du menu est enfoncé: 2 sous-menus sont développés. Le premier sous-menu permet de voir que «bâton de calibration A» a été sélectionné. Le deuxième sous-menu offre 3 options: «Bâton de calibration», «Paire de Points de Calibration» et «Origine Déplacée».

Définir la longueur témoin pour étalonner les mesures

Ensuite, les élèves ont posé leur système d’axes (x et y) sur la vidéo. Ils et elles ont ensuite pisté l’objet étudié (le ballon, par exemple) sur chacune des vidéos. (La version en ligne de Tracker propose un outil d’intelligence artificielle pour pister automatiquement un objet, mais les élèves l’ont testé sans succès.)

Par le biais du pistage, les élèves ont obtenu les coordonnées de plusieurs points : par le temps, la position en x, la position en y. Puis, ils et elles les ont transférées dans GeoGebra ou Excel afin de déterminer, avec un outil statistique, l’équation du mouvement (une régression souvent «quadratique» vu l’impact de la gravité sur le corps en mouvement vertical). Les élèves ont répété cette étape pour chaque vidéo produite.

Capture d’écran de GeoGebra. On voit une série de coordonnées en 2 colonnes, dans un tableur, à gauche. À droite, on voit les points qui en résultent dans un graphique, sur lequel une courbe de tendance a été tracée. L'équation de la courbe est affichée sous le graphique. La courbe est parabolique.

Capture d’écran du graphique produit dans GeoGebra. Les différents points du graphique correspondent aux mesures de hauteur de la balle que les élèves ont prises à l’aide d’une vidéo. La courbe en rouge a été produite par GeoGebra et représente la hauteur de la balle en fonction du temps. L’équation du mouvement est écrite sous le graphique.

Une fois les équations trouvées, les élèves n’ont pas de mal à comprendre que calculer la dérivée des fonctions permet de trouver ce qu’on cherche. Le calculateur symbolique de GeoGebra est facile à utiliser. Il ne reste qu’à définir ce que l’on cherche: la dérivée première correspond à la vitesse; la dérivée seconde, à l’accélération. Chercher le moment où la dérivée vaut 0 permet de trouver les optimums de la courbe.

Capture d’écran de GeoGebra. On voit un graphique à gauche, et une série de commandes et de calculs à droite.

La courbe trouvée est insérée dans le calculateur symbolique de GeoGebra afin d’en trouver le sommet ou le maximum par la dérivée première. Le point ou l’abscisse trouvé symbolisera l’optimum.

Problèmes techniques vécus

Ariane et moi avons noté quelques problèmes vécus lors de cette activité bien appréciée par les élèves qui ont participé:

  • Il faut bien cadrer la séquence vidéo. Mieux vaut prévoir plus d’espace que nécessaire. Les joueurs de football qui ont participé à l’activité l’ont appris à leurs dépens en sortant le ballon du cadre prévu lorsqu’ils filmaient.
  • Il faut limiter le nombre d’inscriptions pour s’assurer que personne ne reçoive une balle ou un ballon dans le visage. Dans notre cas, nous aurions voulu limiter le nombre de personnes inscrites à 15, mais, vu la popularité de l’activité, le collège nous a demandé de l’ouvrir à 30 personnes. Nous nous sommes retrouvés un peu à l’étroit, mais personne n’a été blessé! Reste qu’un nombre plus restreint de personnes nous aurait permis d’être plus à l’aise dans le gymnase où nous étions.
  • S’il y a plus de 4 ou 5 équipes à superviser, il est préférable d’être plusieurs enseignants ou enseignantes. En effet, les élèves ont besoin de soutien dans la portion «technologique» de l’activité et les demandes d’aide arrivent toutes en même temps…  Le mandat d’Ariane n’était pas de connaître Tracker en profondeur, nous avons eu du mal à aider les 30 personnes. Effectuer une démonstration générale en introduction et fournir à l’avance des liens vers les tutoriels des logiciels auraient également pu faciliter l’apprentissage des étudiants.
  • Ce ne sont pas tous les élèves qui avaient téléchargé Tracker avant l’activité. Ceux et celles qui ne l’avaient pas fait ont utilisé la version en ligne de Tracker, mais cette version fonctionne beaucoup moins bien. Demandez à vos élèves de télécharger le logiciel à l’avance pour éviter de perdre du temps.
  • Certaines personnes inscrites à notre atelier avaient un PC, d’autres un Mac et d’autres des tablettes. Gérer les différentes versions de Tracker est difficile (d’autant plus que la version sur tablette fonctionne beaucoup moins bien). Si tous vos élèves ont le même type d’appareil, vous vous épargnerez des tracas!
  • Pratiquez-vous plusieurs fois à analyser des vidéos avec Tracker pour bien maîtriser le fonctionnement de l’application sous toutes ses coutures. De mon côté, j’avoue que je ne l’avais pas fait suffisamment.
  • Des élèves ont choisi d’analyser le mouvement de la balle de Spikeball (balle au rebond) Malheureusement, le mouvement de celle-ci est trop rapide pour être étudié avec Tracker.
  • Nous avions 2 heures pour l’activité. Nous avons consacré 30 minutes aux explications en début de période, puis les élèves ont passé environ 1 heure à réaliser les mouvements et à se filmer et 30 minutes à analyser les données à la fin. Malheureusement, les équipes qui ont eu davantage de problèmes techniques n’ont pas toutes eu le temps de terminer leur analyse. Avoir 2h30 ou 3h dédiées à l’activité (quitte à ce que certaines équipes finissent plus rapidement!) aurait été préférable.

Appréciation des élèves

En fin de parcours, les élèves nous ont partagé leur grande appréciation de l’activité lors d’un retour en groupe. Ils et elles ont parlé de leur parcours pendant l’atelier. L’atelier a permis à tous les participants et toutes les participantes de constater la puissance des outils technologiques et des mathématiques à des fins d’étude de mouvements corporels. Entre autres, des élèves du programme Arts, lettres et communication, qui n’avaient jamais fait de calcul différentiel et ne savaient pas ce qu’était une dérivée, ont adoré voir ainsi l’utilité concrète des mathématiques. Les élèves de Sciences de la nature qui se destinent à des domaines comme la kinésiologie, la physiothérapie ou la médecine sportive ont aussi été très heureux et heureuses de vivre une activité directement en lien avec leurs champs d’intérêt, puisque ce sont des domaines dont il est rarement question dans les cours collégiaux.

Note de l’éditrice 

Ariane Crépeau-Rousseau, collaboratrice de Charles Laporte pour cette activité, a déjà publié sur Profweb (aujourd’hui Éductive)! En 2014, elle était professionnelle de recherche au Laboratoire de simulation et modélisation du mouvement de l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique et elle a écrit un récit à propos du projet TEKPHY, qu’elle coordonnait à l’époque. Il s’agissait là aussi d’un projet interdisciplinaire.  

À propos de l'auteur

Charles Laporte

Charles Laporte enseigne les mathématiques au Collégial international Sainte-Anne depuis l’automne 2023. Auparavant, il a été enseignant de 2010 à 2011 au Cégep André-Laurendeau en mise à niveau en physique et en création de sites internet en html. De 2011 à 2022, il a été enseignant au Collège LaSalle en mathématiques, en bureautique, en économie, en astronomie et en réseaux sociaux. À l’été 2022, il a été consultant en technopédagogie au Cégep Marie-Victorin. Puis, en 2022-2023, il a été conseiller pédagogique au Collège de Rosemont en formation continue pour les programmes de Big Data en finance et Programmation orientée objet et technologies Web. Pendant la même période, il a également enseigné Cégep Édouard-Montpetit en mathématiques et en méthodes quantitatives.

Charles Laporte a complété des études universitaires en mathématiques, profil météorologie. Il a une maîtrise en didactique des mathématiques qui porte sur l’utilisation de GeoGebra en mode collaboratif en Calcul différentiel et intégral.

En 2022, Charles Laporte a animé un atelier au sujet des examens à logiciel et notes de cours ouverts. Il a également coécrit 2 chapitres sur l’enseignement comodal dans des publications des Presses de l’Université du Québec (sous la direction de Nolla, Samson et Lafleur et de Lafleur et Samson). De plus, il anime des ateliers sur l’utilisation de GeoGebra et d’Excel en enseignement au postsecondaire.

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