L’enseignement bimodal: enseigner simultanément en présence et à distance
L’enseignement bimodal, c’est quand une partie d’un groupe d’étudiants est en présence physique en classe et une autre est, au même moment, à distance en visioconférence. Que faut-il avoir en tête, comme enseignant, quand on se lance en enseignement bimodal?
Le 21 avril 2021, je me suis entretenue avec Julie Jacob, conseillère pédagogique et répondante TIC au Collège Édouard-Montpetit, et François Laflamme, conseiller pédagogique et répondant TIC au Collège André-Grasset. Ils ont généreusement accepté de partager avec moi une partie de ce qu’ils savaient déjà et de ce que les quelques semaines d’expérimentation de l’enseignement bimodal dans leurs collèges leur a permis d’apprendre.
Dans ce 1er texte, je vous présente des notions de base relatives à l’enseignement bimodal, en m’appuyant sur les dires de Julie Jacob et de François Laflamme:
- L’enseignement bimodal est-il là pour rester?
- Quelle est la différence entre l’enseignement bimodal et l’enseignement comodal?
- Est-ce que tous les cours se prêtent à l’enseignement bimodal?
Dans un 2e texte, je vous soumettrai quelques conseils de base pour s’assurer que les étudiants à distance puissent bien voir le tableau et ce que vous projetez à l’avant de la classe.
Dans un 3e texte, je vous présenterai quelques astuces de Julie Jacob et de François Laflamme pour vous aider à faire vos premiers pas en enseignement bimodal.
François Laflamme, conseiller pédagogique et répondant TIC au Collège André-Grasset et Julie Jacob, conseillère pédagogique et répondante TIC au Collège Édouard-Montpetit
L’enseignement bimodal est-il là pour rester?
Nous espérons tous que la pandémie tire bientôt à sa fin et que nous puissions retrouver sans contraintes la présence physique des étudiants dans nos classes. Toutefois, l’enseignement bimodal est une pratique qui présente, dans certains contextes, des avantages évidents et il serait malvenu de la jeter à la poubelle à la fin de la pandémie. L’enseignement bimodal est loin d’être adapté à toutes les situations. Mais, dans certains cours, cela peut bénéficier à certains étudiants.
Dans le collège de François Laflamme, plusieurs étudiants sont inscrits dans des programmes sport-études. Par le passé, ils devaient rater des cours lorsqu’ils voyageaient pour des compétitions. L’enseignement bimodal pourrait leur permettre d’assister aux cours, à distance.
Julie Jacob mentionne que les étudiants qui habitent loin de leur collège doivent effectuer de longs déplacements pour assister en présence à des portions de cours qui ne nécessitent pas d’équipements particuliers. La possibilité de participer au cours à distance serait sans doute très bienvenue pour ces étudiants.
À la formation continue également, la possibilité de suivre les cours à distance séduira assurément une clientèle qui n’a pas le temps de se déplacer au collège, que ce soit à cause d’un horaire chargé, de responsabilités familiales ou tout simplement parce que les étudiants résident trop loin du collège (incluant les étudiants étrangers).
L’idée maîtresse derrière l’enseignement bimodal (à l’extérieur d’une période de pandémie) est de d’offrir aux étudiants qui ne peuvent pas se présenter en classe l’occasion de participer au cours à distance.
Quelle est la différence entre l’enseignement bimodal et l’enseignement comodal?
A priori, Julie Jacob et François Laflamme recommandent tous les deux l’enseignement bimodal aux enseignants de leurs collèges qui hésitent entre les formules bimodale ou comodale.
La différence entre les 2 formules est que l’enseignement comodal inclut, en plus de l’enseignement en présence et de l’enseignement à distance synchrone, l’enseignement asynchrone. Ainsi, dans une formule comodale, l’étudiant a le choix entre:
- se présenter physiquement en classe
- assister au cours en direct à distance
- écouter l’enregistrement du cours ou faire d’autres activités qui lui permettent d’atteindre les objectifs du cours
L’enseignement comodal était déjà populaire avant la pandémie dans des universités, dont l’Université Laval. L’enseignement comodal (appelé en anglais enseignement « HyFlex », pour hybrid flexible) offre encore plus de flexibilité à l’étudiant, dans une approche inclusive.
L’enseignement bimodal comparé à l’enseignement comodal d’après des illustrations créées par le Cégep Édouard-Montpetit
L’une des raisons qui poussent Julie Jacob et François Laflamme à promouvoir l’enseignement bimodal davantage que l’enseignement comodal est la difficulté supplémentaire, pour l’enseignant, d’adapter son cours à la modalité asynchrone. En effet, cela implique de réinventer complètement certaines activités.
Pour Julie Jacob, la principale raison de privilégier le bimodal est toutefois liée à la réussite des étudiants. Elle remarque que, pendant la pandémie, ce sont souvent les meilleurs étudiants qui choisissent de se présenter physiquement en classe. Si plusieurs des étudiants qui suivent le cours à distance font un choix raisonnable qui répond très bien à leurs besoins, d’autres auraient probablement gagné à se présenter en classe. Selon Julie Jacob, leur offrir le choix de la formation asynchrone pousserait certains étudiants mal outillés à choisir une option qui ne comblerait pas leurs besoins et à s’embourber dans une formule qui ne leur convient pas. Elle est d’avis que cela nuirait à la persévérance et à la motivation des étudiants.
Tous les cours se prêtent-ils à l’enseignement bimodal?
Pour Julie Jacob, certains cours se prêtent difficilement à l’enseignement bimodal, comme:
- les laboratoires au cours desquels les étudiants manipulent du matériel
- les cours qui impliquent des démonstrations où l’enseignant manipule du matériel (Ces démonstrations peuvent être transformées en capsules vidéos destinées à un visionnement asynchrone.)
- les cours de première session
Cependant, les cours qui n’impliquent pas de matériel spécialisé, eux, peuvent très bien se prêter à la bimodalité. Cela fonctionne pour des cours où les étudiants doivent développer des habiletés cognitives et où ils font de l’apprentissage actif (plénière, travail en équipe ou en sous-groupe, etc.).
Au cours d’une session, certaines séances peuvent être offertes dans une formule bimodale, alors que d’autres peuvent avoir lieu uniquement en présence. Il faut s’adapter en fonction des objectifs de chaque séance et des activités que l’on veut mettre en œuvre.
Lorsque les étudiants ne peuvent pas tous suivre le cours en présentiel, l’enseignement bimodal permet d’offrir un cours plus dynamique qu’un cours synchrone à distance. Dans mes classes, ceux qui ont suivi le cours en présence étaient contents de pouvoir être à l’école et ont dit être plus concentrés. Ma satisfaction réside dans le fait qu’avec le bimodal, je suis en mesure de répondre aux besoins de plus d’étudiants. Un autre avantage réside dans le fait que je ne suis plus dérangée par les caméras fermées.
Si vous avez envie d’expérimenter l’enseignement bimodal prochainement, lisez les suites de cet article:
- « Enseignement bimodal: assurer la visibilité du tableau par les étudiants à distance »
- « Faire ses premiers pas en enseignement bimodal »
Lisez également un récit de Guillaume Bourbeau, un enseignant du Cégep Limoilou qui a accompagné plusieurs de ses collègues dans l’appropriation de l’enseignement comodal ou bimodal.