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4 novembre 2020

La formation comodale au Cégep Limoilou

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Depuis plus d’un an, j’expérimente l’enseignement comodal au Cégep Limoilou. À l’automne 2020, mon cégep m’a confié la responsabilité d’outiller mes collègues enseignants pour les aider à s’approprier la formation comodale afin de rendre leurs cours fonctionnels dès la première semaine de la session. Je vous présente l’enseignement comodal, le parcours du Cégep Limoilou dans ce mode de formation hybride et mon rôle de mentor.

L’enseignement comodal ou HyFlex

L’enseignement HyFlex signifie «hybride flexible». En d’autres mots, il s’agit de combiner simultanément 2 modes d’enseignement: l’enseignement en présentiel et l’enseignement à distance. L’idée de la formation comodale est de maximiser la présence de l’étudiant à son cours. Chaque semaine, l’étudiant a donc le choix de suivre son cours:

  • en présentiel
  • à distance en formule synchrone
  • à distance en formule asynchrone

En multipliant les manières dont l’étudiant peut suivre son cours, il est plus aisé pour lui d’adapter l’enseignement à sa réalité.

Mais pourquoi offrir le choix? Pour répondre à cette question, je vous raconte l’anecdote de mon collègue André Tessier, enseignant d’anthropologie. À l’automne 2020, dans le cadre de son cours Relations interculturelles et racisme, des étudiants étaient connectés à la maison sur Microsoft Teams au lieu d’être en classe. Il les a questionnés sur leur absence physique et voici les réponses évoquées:

  • un tournoi de baseball civil à l’extérieur de la région
  • une quarantaine à terminer avant de se présenter en classe
  • une blessure à un pied lors d’un entrainement de patinage artistique
  • un test positif à la COVID-19 dans la famille proche de l’étudiant

Dans ce cas précis, si l’enseignement n’avait été offert qu’en présentiel, les 4 étudiants auraient manqué leur cours et auraient pris du retard sur le reste du groupe.

Premiers pas en comodal

J’ai toujours été passionné par les technologies et je n’ai jamais eu peur de les intégrer à mon enseignement. À l’hiver 2019, je donnais un cours sur les outils publicitaires à 2 petits groupes (1 en ligne et 1 en présentiel). Ce cours trouve sa force dans les échanges entre les participants, c’est pourquoi j’ai voulu optimiser les discussions en réunissant mes 2 groupes.

Cette expérience du comodal m’a fait prendre conscience que la dynamique de mon groupe était tout aussi intéressante que dans un cours 100% en classe. De plus, cette manière de dispenser mon cours a favorisé les échanges entre mes étudiants et moi. L’écran ne s’est pas avéré un obstacle à l’enseignement et à l’apprentissage.

La formation comodale est apparue comme un mode d’enseignement très humain où les caractéristiques de l’enseignement en présentiel, par exemple le non-verbal et l’humour, trouvent écho même derrière un écran.

Puis avec l’accord de la Direction des études et du Département de Techniques administratives, au printemps 2019, mon collègue Jean-Philippe Joncas et moi avons testé concrètement l’enseignement comodal dans le cours Droit des affaires (enseigné par Jean-Philippe Joncas) et dans mon cours Affaires électroniques.

C’est donc armés d’un micro-cravate et d’une webcam sur trépied que, en août 2019, nous avons véritablement expérimenté la formation comodale.

Caractéristiques techniques de la formation comodale

L’enseignement comodal s’apparente beaucoup plus à un cours en présentiel filmé qu’à un cours en ligne. Le spectre de la transposition des contenus dans un contexte de formation à distance est moins imposant pour un enseignant lorsqu’il adopte le comodal que la formation hybride synchrone et asynchrone.

Toutefois, le rythme d’une séance comodale est plus lent qu’un cours entièrement en présentiel, car c’est un enseignement un peu moins spontané où il faut naviguer entre les étudiants en classe et à distance.

Pour éviter les temps morts lors d’une séance, je vous conseille, entre autres, de centraliser tous les éléments du cours au même endroit. Il faut s’abstenir de sauter d’un document à un autre pour limiter le nombre de manipulations techniques à effectuer.

Le débat persiste entre le micro-cravate et le micro d’ambiance. Selon moi, peu importe l’option sélectionnée, ce qui compte c’est d’avoir une bonne qualité sonore. Initialement, au Cégep Limoilou, nous avions opté pour un micro-cravate, mais cela ralentissait considérablement le rythme du cours. On devait répéter chaque intervention des étudiants en salle, puis formuler notre réponse pour s’assurer que ceux à distance entendent toutes les discussions. Finalement, nous avons décidé d’adopter un micro d’ambiance pour capter l’esprit de la classe. De cette manière, les étudiants à distance ne se sentent plus exclus et peuvent vivre le cours comme s’ils étaient en classe. Cela dit, le micro d’ambiance capte tous les bruits, même ceux indésirables. Il faut donc prévoir du temps avant chaque séance pour bien calibrer le son.

En ce qui a trait au choix de la caméra, après nos premiers tests avec une webcam sur trépied, le Cégep Limoilou a opté pour une caméra à grand-angle fixée au plafond. Ainsi, les étudiants à distance ont tout de même le sentiment d’être en classe.

Une fois le matériel choisi et bien calibré, il ne reste plus qu’à enseigner.

Un merci spécial à nos 2 techniciens en audiovisuel, Richard Roy et Jean-François Boily, qui ont eu un été bien chargé en adaptant 37 locaux en classes comodales avec des équipements faciles d’opération.

Jean-Philippe Joncas, enseignant au Cégep Limoilou, en train d’enseigner en mode comodal. (Source: Cégep Limoilou)

Maintenir le contact: un défi de la formation comodale

Plusieurs enseignants qui apprivoisent le mode comodal ont l’impression d’enseigner à 2 classes en même temps: 1 à distance et 1 en présence. Le principal défi est de mettre en action ces 2 classes ensemble. Il existe plusieurs astuces pour le faire:

  • utiliser le clavardage afin d’augmenter les interactions en classe
  • partager des feuilles de notes et des feuilles-réponses collaboratives
  • inviter les étudiants à exposer leurs travaux devant leurs pairs
  • questionner souvent les étudiants en ligne en les nommant par leur nom
  • planifier des travaux d’équipe entre les étudiants en ligne et ceux en classe
  • etc.


Pour découvrir différentes stratégies d’apprentissage actif à instaurer dans un cours en mode comodal, Guillaume Bourbeau vous suggère l’article «Active Learning in Hybrid and Physically Distanced Classrooms» [en anglais].

L’atout du clavardage

Le but de l’enseignement comodal est de maximiser la présence des étudiants, que cela soit en classe ou en ligne. Une astuce pour y arriver est d’utiliser les options de clavardage offertes sur les plateformes de visioconférence. Le clavardage permet à tous les étudiants à distance d’interagir avec l’enseignant sans craindre d’interrompre le cours. C’est à la fois vivant et beaucoup moins gênant pour l’étudiant. Qu’il s’agisse de petites questions ou de commentaires quelconques, ces interventions permettent à l’enseignant de tisser des liens avec ses étudiants et d’enrichir ses explications.

Selon Julie McCann, conseillère pédagogique au Cégep Limoilou, il peut être très utile de nommer un modérateur dans la classe qui a pour tâche de surveiller le clavardage et d’indiquer à l’enseignant qu’une nouvelle question a été posée en ligne. Cela permet à l’enseignant de porter son attention sur la matière à enseigner sans craindre d’omettre des éléments importants du clavardage.

De plus, le partage d’écran et les options de tableau blanc dans les plateformes de visioconférence assurent à tous les étudiants de bien voir ce qui est partagé par l’enseignant.

Pour découvrir le potentiel pédagogique des tableaux collaboratifs en ligne, Profweb vous suggère l’outil numérique «Tableaux collaboratifs en ligne – Pour que les étudiants collaborent en temps réel».

Dans le même ordre d’idée, les tableaux blancs interactifs sont également un outil technologique intéressant. Personnellement, j’ai pris l’habitude de dupliquer ma visioconférence sur l’un des tableaux blancs de mon local pour permettre aux étudiants en classe de voir ceux à distance.

Par ailleurs, dites-vous que les étudiants veulent réussir et la grande majorité sera présente pour vous aider et vous soutenir si vous éprouvez des pépins techniques, car il y aura toujours, à un moment donné ou à un autre, des pépins techniques.

Pour pousser plus loin le concept d’enseignement comodal et favoriser les interactions entre les étudiants en classe et ceux à distance, il faudrait les faire participer à des activités collaboratives ensemble. Cependant, pour réaliser de telles activités, une majorité d’étudiants doivent être connectés sur la plateforme de cours. Pour une question d’enjeux technologiques et pour démocratiser l’enseignement, le Cégep Limoilou n’oblige pas les étudiants à se munir d’un ordinateur portable lorsqu’ils suivent un cours en classe. C’est à l’enseignant d’évaluer cette possibilité en fonction des équipements que possèdent ses étudiants.

Mentorat des pairs

Pour décrire mon rôle de mentor auprès de mes collègues enseignants, je dirais que je suis comme une «pilule antistress». L’idée était de les aider pour rendre leurs cours fonctionnels dès la première séance. En libérant mes collègues du stress lié aux technologies, ceux-ci ont pu se concentrer sur l’aspect pédagogique de leurs cours, car l’écart entre le comodal et le présentiel se situe du point de vue technologique et non pédagogique.

Pour aider les quelque 50 enseignants que j’accompagne, j’ai créé des capsules vidéos et des tutoriels pour qu’ils s’approprient l’enseignement comodal et les éléments techniques s’y référant. Avant le début de la session, j’ai rencontré chaque enseignant pour connaître ses attentes et pour mieux planifier le début de session.

Qu’il s’agisse de Zoom ou de Teams, le choix de la plateforme de visioconférence était à la discrétion de mes collègues. Ce qui primait était qu’ils soient à l’aise avec la plateforme sélectionnée.

J’ai trouvé très enrichissant d’assister aux premières séances en mode comodal de mes collègues qui enseignent dans divers programmes. Cela m’a donné une foule d’idées pour bonifier mes propres cours.

Distanciation physique et non distanciation sociale

Avec le confinement que nous avons vécu en mars 2020 et cette deuxième vague qui nous happe, les impacts sur nos étudiants sont bien réels. Quoiqu’il en soit, distanciation physique ne rime pas avec distanciation sociale. Soulignons le fait que le comodal permet à nos étudiants de pouvoir tisser des liens entre eux et avec leur enseignant, ce qui n’est pas toujours possible avec l’enseignement 100% en ligne.

Bref, en cette session atypique qu’est l’automne 2020, la formation comodale s’avère un mode d’enseignement digne d’intérêt qui permet, tant aux étudiants qu’à l’enseignant, de retrouver un peu cet esprit de communauté que procure l’enseignement en présence.

À propos de l'auteur

Guillaume Bourbeau

(CPA, CMA) cumule plus de 10 années d’expérience à titre de comptable. Il enseigne au Cégep Limoilou depuis l’automne 2018 à temps plein. Il a enseigné en ligne (en mode synchrone et asynchrone), en présentiel et, depuis plus d’un an, en comodal. Dans son enseignement, il met à profit les technologies et son humour afin de mobiliser les étudiants dans leurs apprentissages.

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Alexandre Dal-Pan
Alexandre Dal-Pan
11 novembre 2020 15h27

Excellente approche et bravo pour le partage d’expérience ici, mais aussi et surtout avec vos collègues enseignants! 🙂
C’est un vrai défi que vous avez su relever haut la main apparemment.
L’enseignement comodal, mal connu et donc souvent critiqué « pour rien », gagne a être promu (ou au minimum exploré) dans les institutions collégiales. C’est effectivement une très belle façon de garder une « vie pédagogique » et donc d’entretenir des liens avec les étudiants (ce qui peut manquer parfois dans un cours 100% en ligne, tout en les accommodant en fonction des réalités privées de chacun(e).
Bravo encore une fois M. Bourbeau!

François JOURDE
François JOURDE
11 novembre 2020 20h51

Bonjour,
Merci pour cette synthèse accessible. Envisageriez-vous du comodal lorsque l’enseignant·e se trouve devoir enseigner depuis son domicile et que des étudiants peuvent se trouver dans la salle de cours (in situ) ?

François JOURDE
François JOURDE
11 novembre 2020 20h52

PS : la question se pose dans le cadre de l’école secondaire et primaire, notamment.

Philippe Aubé
Philippe Aubé
14 novembre 2020 21h11

Bravo pour l’excellent travail. Merci d’avoir partagé l’expérience dans cet article.

Guillaume Bourbeau
Guillaume Bourbeau
2 décembre 2020 22h41

Bonjour M. Dal-Pan

Merci beaucoup du commentaire.

J’apprécie

François JOURDE
François JOURDE
3 décembre 2020 10h44

Merci Guillaume pour votre réponse.

Mélanie Jacqmain
Mélanie Jacqmain
9 février 2021 18h27

BRAVO Guillaume! Ce mode d’enseignement est intéressant et j’entrevois cette formule pour A21. Serez-vous encore disponible et libéré pour soutenir les professeurs cet automne?
Enfin, qu’en est-il de la gestion des questions, des mains levées, des interventions de tous les étudiants (en présence et à distance)? Je comprends qu’il est suggéré d’avoir un étudiant modérateur, mais celui-ci se voit contraint de gérer la classe et donc de possiblement être moins attentif aux activités pédagogiques proposées, à la matière enseignée, etc.
Merci pour votre partage,
Mélanie

Mélanie Veyret
Mélanie Veyret
30 avril 2021 9h04

Merci pour ce retour d’expérience.
Beaucoup d’éléments que j’avais synthétisé ici : https://www.bretagne-educative.net/article1768.html
s’y retrouvent 🙂