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9 mars 2021

Les données, les informations et la prise de décision

Ce texte a initialement été publié par la Vitrine technologie-éducation sous licence CC BY-NC-SA 3.0, avant la création d’Éductive.

Source : Photo by Lukas from Pexels

Que sont l’intelligence artificielle, l’analytique et les autres technologies numériques en lien avec les données ? Voici la question à laquelle la doctorante Helene-Sarah Becotte a décidé de répondre lors de son webinaire du 2 février 2021 intitulé « Comprendre l’intelligence artificielle, l’analytique et d’autres technologies ». 



Helene-Sarah Becotte, doctorante en mathématiques appliquées, est connue pour faire l’apologie de l’usage des mathématiques sur son blogue helenebecotte.com. Son objectif est de permettre aux internautes d’ « optimiser leur vie » à travers le prisme des sciences et des mathématiques. La blogueuse, consultante et fondatrice de la startup GRISDD, a commencé par faire des vidéos sur des sujets variés en y associant des concepts mathématiques. Elle offre aussi des services d’accompagnement aux entreprises, notamment dans la prise de décision, en identifiant et réalisant des projets d’intelligence numérique. Elle appelle cela la mathématisation des décisions.

 

Ce que j’ai beaucoup aimé dans le webinaire, c’est l’approche et le dynamisme d’Helene-Sarah Becotte qui m’a fait comprendre, en moins d’une heure, le monde en constante évolution qu’est celui des données. L’analogie qu’elle fait avec la farine, le pain et la toast pour définir la corrélation entre les données, le traitement de l’information et la prise de décision a joué un grand rôle dans mon processus de compréhension. J’ai donc décidé de mettre en image cette analogie en l’appliquant au contexte de l’éducation. Le schéma suivant illustre le mécanisme de la gestion des données dans un environnement numérique d’apprentissage.

Source : Florence S Muratet

On peut voir sur cette image que la farine représente les données brutes, le pain s’apparente au traitement de l’information et la toast illustre la contextualisation des données. 

Un jour, un enseignant me posait la question de l’usage des données qui apparaissaient sur la plateforme d’enseignement qu’il utilisait pour son cours.

– Il y a des données qui s’affichent sur mon interface Moodle, je ne sais pas quoi en faire, ça peut être utile, mais pour quoi ? 

L’enseignant qui me pose cette question fait allusion à des données brutes (la farine). Celles-ci correspondent à la matière première. Lorsqu’on traite ces données pour avoir une information (le pain), on obtient une valeur qui ne permet pas d’orientation vers une décision. Dans l’image du haut, le taux de consultation des contenus proposés dans un ENA, est informatif, mais on ne sait pas quoi faire avec cette information.

Les environnements numériques d’apprentissage regorgent de données brutes qui alimentent des tableaux avec des dates, des chiffres, des noms, ou encore des diagrammes, etc.

Pour avoir une idée plus claire de ces données informationnelles, la toast, illustre bien le processus de contextualisation des données qui vont amener à la prise de décision. Ce qu’Helene-Sarah Becotte nomme l’intelligence des données, dans l’analogie, serait le taux de consultation des contenus de l’ENA par rapport aux semaines précédentes par exemple.

Source : Florence S Muratet

On en vient donc au phénomène de la prise de décision pédagogique fondée sur les données, qui est une tendance croissante dans le monde de l’éducation. C’est le processus par lequel les éducateurs examinent les données d’évaluation pour identifier les points forts et les lacunes des élèves et appliquent ces résultats à leur pratique (Mertler, 2007 ; Mertler & Zachel, 2006). Cela peut certainement aider les enseignants à prendre des décisions pédagogiques plus précises, pour favoriser, la réussite scolaire par exemple.

Cela dit, je suis un peu perplexe quant à l’usage étendu de ce type de méthode d’un point de vue institutionnel, car on pourrait y déceler des enjeux éthiques du fait de l’usage des données des apprenants. Un établissement scolaire a-t-il le droit de faire usage des données privées des étudiants afin d’y déceler des risques ? Les apprenants ont-ils leur mot à dire dans le traitement de leurs données privées ? J’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi un établissement scolaire voulait être informé de la profession des parents ou de leur âge. Nous résidons au Québec, mais pour avoir vécu à l’étranger, j’ai déjà vu passer sur des formulaires de scolarité une demande sur l’origine ethnique des parents ou encore leur religion. Ajoutons à cela dans la recette, une cuillère à soupe d’analyse de données et une pincée d’analyse prédictive de l’intelligence artificielle pour y déceler les débordements possibles. L’article du RIRE sur les possibilités et enjeux de l’intelligence artificielle en éducation publié par Maryliz Racine, aborde ce problème en se référant à des études du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) :

« Comme l’IA [intelligence artificielle] se développe à partir de données qu’on lui fournit, des dérives sont possibles, indique le CSE. Il apparaît que la conception des algorithmes, des données incomplètes ou des intrants inexacts pourrait être la source de problèmes en éducation. Ces trois éléments peuvent induire un « catalogage » des élèves, une uniformisation des parcours, une standardisation de l’évaluation des apprentissages, tout comme cela pourrait engendrer le renforcement de biais conscients ou inconscients, par la nature seule des données utilisées. Cela aurait donc potentiellement comme effet d’accroître les inégalités et la présence de discrimination ou de préjugés. » 

En somme, la compréhension de l’analyse des données était pour moi une véritable prise de conscience de ce qu’elles peuvent nous permettre de faire en pédagogie : une meilleure gestion de l’apprentissage, une adaptation de contenu et des multitudes d’ajustements. Pour cela, le deuxième volet du projet Savoir du Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) et du RIRE nous éclaire sur la façon d’aborder l’analyse des données en contexte d’apprentissage et apporte des outils d’accompagnement à la prise de décision.

Pour en savoir plus sur la présentation de Hélène-Sarah Becotte, je vous invite à visionner son webinaire.

Bonne écoute!

À propos de l'auteure

Florence Sedaminou Muratet

Anthropologue, professeure d’histoire et linguiste, Florence a forgé a 20 ans d’expérience dans le domaine de l’éducation. Conseillère en pédagogie numérique, elle a pour mission d’assurer la veille sur les technologies émergentes et d’accompagner les professionnels de l’apprentissage.

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