Depuis que j’ai lu les témoignages d’enseignantes et d’enseignants américains qui font du ungrading, j’ai eu envie de tester cette approche dans mes cours.
Le ungrading existe dans une multitude de variantes, mais l’idée de base est de corriger les travaux des élèves en les commentant et les annotant abondamment, mais sans inscrire de note chiffrée (ou lettrée). On laisse les étudiants et les étudiantes s’accorder leur propre note.
J’ai testé le ungrading à l’automne 2022 dans mon cours de Mise à niveau pour physique de 5e secondaire (pondération 3-2-3), en Tremplin DEC. Je vous raconte ici mon expérience.
Ce que j’ai fait
Dans mon cours, les évaluations certificatives et formatives consistent en:
- 2 examens (1 de 2 h, 1 de 3h)
- 2 tests (1h30 chacun)
- 3 minitests (30 min chacun)
- 8 rapports de laboratoires
J’ai demandé à tous les étudiants et toutes les étudiantes (19 pendant 2 semaines, puis 18 jusqu’à la mi-session et 17 ensuite) de venir me voir à mon bureau pour une 1re rencontre individuelle, pour faire connaissance, pendant la 1re ou la 2e semaine de cours.
Puis, je les ai rencontrés toutes les 2 ou 3 semaines jusqu’à la fin de la session, pour un total de 5 ou 6 rencontres par élève (l’avant-dernière rencontre était optionnelle).
Les rencontres duraient 10 à 20 minutes par personne, selon les besoins.
Chaque fois qu’un élève me remettait une évaluation, je l’annotais de rétroactions (encore plus qu’à l’habitude!), mais je n’écrivais pas de note sur la copie de l’élève ni sur Léa. J’inscrivais plutôt la note que j’aurais accordée à l’élève dans un fichier Excel que je gardais pour moi. Je remettais la copie corrigée sans note à l’élève au cours suivant et faisais au besoin un retour en groupe sur l’évaluation, comme à l’habitude. Toutefois, l’élève devait maintenant juger de la note qu’il ou elle méritait. Pour ce faire, l’élève pouvait, entre autres, s’appuyer sur mes rétroactions et sur les solutions aux problèmes des examens que je résolvais au tableau.
Pendant les rencontres individuelles, je regardais avec chaque élève les évaluations qu’il ou elle avait réalisées depuis notre rencontre précédente. Je lui demandais de s’accorder une note pour chaque évaluation, sur la base des critères présentés dans le plan de cours, et je notais ces résultats dans mon fichier Excel.
Quand l’estimation qu’une personne faisait de sa note était très loin de la mienne (à la hausse ou à la baisse), j’en discutais avec elle (sans lui révéler la note que j’avais moi-même inscrite dans mon fichier Excel, mais en questionnant la personne pour m’assurer qu’elle avait bien tenu compte de tous les paramètres à considérer). C’est arrivé rarement. Les personnes concernées ont généralement été très promptes à rectifier le tir dans une direction qui s’approchait davantage de mon estimation, sans pression de ma part.
Après chaque rencontre, je recopiais sur Léa les notes que les élèves s’étaient attribuées, pour qu’ils et elles puissent suivre leur cheminement.
Sur Léa, j’avais défini toutes ces évaluations comme valant 0% de la note finale, puisque je ne voulais pas adopter une approche «sommative», c’est-à-dire par cumul de note. Je voulais que la note finale de chaque élève puisse refléter, s’il y a lieu, sa progression et sa compréhension réelle de la matière au terme de la session. Même si un élève ne comprend pas bien un concept à la semaine 3, je suis d’avis que cela ne devrait idéalement pas le pénaliser s’il finit par le comprendre avant la fin de la session.
À la fin de la session, lors de la dernière rencontre, après l’examen final, chaque élève a d’abord révisé et évalué son examen final. Puis, l’élève s’est attribué une note pour le cours (en respectant la pondération définie dans le plan-cadre et voulant que les laboratoires vaillent pour 25% de note totale et les évaluations théoriques, pour 75%). J’ai alors révélé à l’élève les notes que je lui avais accordées tout au long de la session et la note finale que je lui aurais donnée si j’avais dû l’évaluer seule. Dans presque tous les cas, nos 2 estimations de la note finale étaient à moins de 3% d’écart. Dans ces cas-là, c’est la note la plus haute que j’ai transmise au collège.
Pourquoi j’ai voulu essayer le ungrading?
J’ai voulu tester le ungrading, car j’ai l’impression que les notes peuvent parfois avoir un effet contreproductif sur l’apprentissage.
Quand j’étais étudiante au baccalauréat en physique à l’université, j’accordais plus d’importance au fait d’avoir de bonnes notes qu’au fait de comprendre ce que j’étais censée apprendre. Je pense que plusieurs élèves de mes cours sont dans la même situation et je cherche des façons de changer cela. Rendre les évaluations plus authentiques est assurément une façon de faire, mais le ungrading me semblait aussi une bonne piste à explorer. En discutant avec les élèves au sujet des notes qu’ils ou elles méritent dans le cours, on peut les recadrer sur l’essentiel, leur faire comprendre l’importance «de comprendre».
J’espérais aussi que les rencontres individuelles soient une occasion pour un étudiant ou une étudiante de m’expliquer, par exemple, le raisonnement derrière une réponse inusitée à une question d’examen. Cela peut rendre l’évaluation «plus juste» pour, disons, un élève qui aurait mal compris une question, mais comprendrait autrement assez bien la matière que cette question était censée évaluer.
Alors qu’habituellement, après un examen, l’attention des élèves est concentrée sur la note qui apparaîtra sur Léa, j’avais espoir que le ungrading les amènerait à analyser davantage leurs forces et leurs faiblesses et leur permettrait davantage d’apprendre de leurs erreurs (et de reconnaître leurs bons coups).
De plus, j’ai voulu adopter une approche de l’évaluation qui n’était pas sommative, afin que la note finale de l’élève reflète le mieux possible son atteinte de la compétence au terme du cours. J’ai voulu offrir aux élèves des occasions d’évaluation tout au long de la session, mais sans «figer» le fait que telle ou telle évaluation valait 5% ou 15% de la note totale. Ainsi, un élève qui réussit moins bien une question sur un aspect donné de la matière à la mi-session, mais répond beaucoup mieux à une question sur le même sujet à la fin de la session ne mérite pas, à mon avis, d’être pénalisé par sa moins bonne performance initiale.
Quels ont été les résultats dans mon cours?
Les notes
Il m’est arrivé quelquefois de devoir recadrer un élève visiblement trop sévère avec lui-même ou elle-même, mais ça n’a jamais été difficile. La discussion était toujours simple et les élèves en question étaient systématiquement ouverts à ajuster leurs notes. Dans la plupart des cas, il s’agissait d’étudiantes présentant une excellente solution à un problème, mais qui avaient fait une erreur de calcul à un seul endroit et qui s’accordaient à cause de cela une note sous la note de passage.
Dans l’énorme majorité des cas, les élèves s’accordaient une note qui différait de la mienne par moins de 5%. Dans certains cas, l’écart était plus grand. Par exemple, une élève s’est accordée 50% pour un minitest auquel j’aurai moi-même attribué 30%. Ça me semble tout de même raisonnable dans la mesure où, dans ce cas-là, l’important est que nous étions d’accord pour dire que la note de passage n’était pas atteinte; que les attentes n’étaient pas remplies.
Pour les évaluations finales également, les élèves et moi étions généralement sur la même longueur d’onde.
Un étudiant modeste s’est accordé 11% de moins que ce que je lui aurais donné. Je lui ai expliqué mon point de vue et accordé la note la plus élevée.
Deux personnes que j’estimais en situation d’échec ont tenté de s’accorder un 60, tout en admettant que leur compréhension de la matière était insuffisante. Nous nous sommes entendus sur des notes inférieures.
L’appréciation des étudiants et des étudiantes
À la mi-session, un sondage anonyme
À la mi-session, j’ai demandé aux élèves de remplir un sondage Forms anonyme pour me donner des rétroactions sur la méthode d’évaluation utilisée dans le cours. Je n’ai eu que 8 réponses (sur 18 élèves).
Les réponses étaient majoritairement positives.
Dans une liste de choix de réponses, 4 personnes ont choisi le mot «agréable» pour décrire la méthode. Une personne a dit trouver la méthode « désagréable ». Cette personne, comme 2 autres répondants ou répondantes, a également indiqué trouver la méthode «malaisante; je n’aime pas être obligé(e) de m’autoévaluer» et «mystérieuse ; je ne sais pas comme ça va se terminer».
En réponse à une autre question:
- 4 personnes ont indiqué que la méthode était «moins stressante que l’évaluation traditionnelle».
- Les 4 autres ont coché qu’elle était «ni plus ni moins stressante que l’évaluation traditionnelle».
- Personne ne l’a jugée plus stressante.
Finalement:
- 4 personnes ont indiqué trouver la méthode plus motivante que l’évaluation traditionnelle.
- 2 ont dit qu’elle était «ni plus ni moins motivante» que l’évaluation traditionnelle.
- Les 2 autres ont dit qu’elle était moins motivante.
À la fin de la session, un questionnement individuel en personne
À la fin de la session, à la fin de ma dernière rencontre avec chaque élève, j’ai demandé à chacun et chacune ses impressions sur la méthode d’évaluation dans le cours. Tous ont donné une impression favorable, sauf:
- 1 personne qui a indiqué tout simplement qu’elle préférait une évaluation traditionnelle, sans se sentir capable d’expliquer pourquoi à ce moment. Cette personne était en situation d’échec et le moment était évidemment chargé émotionnellement. Il me semble très légitime qu’elle n’ait pas été capable d’expliciter sa pensée. Il est évidemment impossible de savoir ce qui se serait passé avec une évaluation traditionnelle, mais je n’exclus pas que, pour cette personne, une évaluation traditionnelle aurait pu être plus bénéfique.
- 1 personne qui a travaillé fort et qui a bien réussi dans le cours a indiqué qu’elle aurait préféré pouvoir voir ses notes et la pondération de chaque évaluation, avec les moyennes du groupe pour chaque évaluation, etc. Elle m’a expliqué que cela l’aurait rassurée dans sa quête de bons résultats scolaires pour l’admission dans un programme contingenté. Je lui ai rappelé l’importance de se comparer d’abord avec soi-même.
À priori, le fait qu’une personne connaisse ou non la moyenne du groupe tout au long de la session ne devrait pas changer sa note. Cependant, dans certains cas (comme pour cette personne-ci), cela aurait pu avoir un impact (positif ou négatif) sur la motivation… et donc un impact (positif ou négatif) sur les apprentissages et la réussite. J’ai fait le pari qu’il était plus profitable de ne pas montrer la moyenne du groupe, mais il est possible que cela n’ait pas été gagnant pour toutes les personnes du groupe. - 2 personnes ont dit avoir aimé les rencontres périodiques avec moi. Elles ont dit que cela les aidait à se tenir à jour dans leur étude pour le cours et qu’elles aimaient avoir l’occasion de discuter de leurs évaluations. Malgré cela, elles ont dit qu’elles auraient tout de même préféré savoir à l’avance la note que je leur accorderais moi-même, pour s’en servir comme base pour leur autoévaluation ensuite.
Je crains qu’une telle pratique soit globalement contreproductive en influençant trop certaines personnes. De plus, cela remettrait le projecteur principal sur la note, lorsque les élèves prennent connaissance de mes rétroactions sur leurs évaluations.
Toutes les autres personnes n’ont eu que des commentaires positifs par rapport à la méthode d’évaluation. (Évidemment, comme elles étaient devant moi, il est possible que certaines personnes aient été gênées de faire des commentaires négatifs.)
D’une façon que je n’avais pas vraiment anticipée au fil de la session, plus que l’aspect d’autoévaluation ou de «non-notation», c’est le fait d’avoir des rencontres avec moi toutes les 2 ou 3 semaines que les élèves ont dit avoir aimé. Ils et elles ont dit aimer avoir un moment privilégié pour me poser leurs questions sur la matière (autant sur les questions d’évaluation qu’ils et elles n’avaient pas bien comprises que sur les exercices à faire en devoir). Au début de la session, j’appréhendais que certaines personnes soient agacées de devoir obligatoirement prendre du temps hors des cours pour venir à mon bureau, mais ça n’a finalement pas été le cas.
La logistique
À cause de mon travail pour Éductive (Collecto), je ne donnais qu’un seul cours au Cégep Limoilou cet automne.
Au moment de l’attribution des tâches pour la session, j’étais censée avoir 12 élèves dans mon cours de mise à niveau. Je trouvais cela exceptionnellement favorable pour tester le ungrading. Avec 12 élèves, j’aurais amplement le temps de faire un suivi individuel de chacun et chacune. Finalement, ce sont 18 élèves qui ont été dans ma classe. Ça reste un groupe de taille plus que raisonnable, mais cela a ajouté 50% au temps (déjà généreux) que j’avais prévu consacrer aux rencontres individuelles avec mes élèves (sans que ma tâche soit allégée autrement).
Je me suis un peu découragée au début de la session quand le quart des élèves ont oublié leur 1re rencontre avec moi et que j’ai perdu du temps à les attendre et dû replanifier toutes ces rencontres manquées. Cependant, la situation s’est beaucoup améliorée au cours de la session et personne n’a oublié la dernière rencontre.
Puisque j’avais un seul cours et que mon horaire de travail était souple, j’étais disponible pour rencontrer les élèves avant et après les cours. Cela rendait l’horaire des rencontres plus intéressant pour les élèves (qui ont souvent un horaire relativement peu chargé, en Tremplin DEC, et auraient autrement pu rechigner à devoir rester au cégep 1 heure ou 2 après un cours pour attendre de venir me voir). De plus, j’ai offert aux personnes qui le préféraient de me rencontrer en visioconférence si cela leur convenait mieux, mais une seule étudiante a choisi cette option (pour une seule rencontre) au cours de la session. Par contre, à la fin de la session, 2 étudiants ont choisi de me rencontrer en visioconférence pour la rencontre qui faisait suite à l’examen final.
Peser le pour et le contre
Créer des liens individuellement
Je suis convaincue que le ungrading m’a permis de créer de meilleurs liens avec les étudiants et les étudiantes. Le groupe était très calme et plusieurs personnes très discrètes; elles seraient sans doute restées beaucoup plus «anonymes» à mes yeux sans nos rencontres fréquentes. J’ai été très contente d’apprendre à la fin de la session que les élèves aimaient ces rencontres obligatoires, puisque je craignais que, justement, le fait qu’elles soient obligatoires en rebute plusieurs.
Reste que tout cela m’a demandé énormément de temps. C’était gérable, mais je ne pourrai pas du tout envisager de le faire avec, disons, 3 groupes de 40 élèves.
Avec un groupe d’élèves plus nombreux ou davantage de groupes, j’aurais dû adapter ma méthode. J’aurais pu, par exemple, réserver le ungrading, aux évaluations les plus importantes de la session.
Il reste que j’y aurais perdu quelque chose, puisque, avec mon groupe d’élèves cette session-ci, j’ai l’impression que le fait d’avoir plusieurs rencontres tout au long de la session a été profitable pour leur apprentissage. En Tremplin DEC, plusieurs élèves n’ont pas nécessairement développé les méthodes de travail nécessaires pour gérer leur charge de travail de façon autonome. Je pense que nos rencontres individuelles fréquentes en ont aidé certains et certaines à rester sur la bonne voie (même si certaines personnes ont quand même échoué le cours, malheureusement).
Impacts sur l’apprentissage
Je ne peux pas réellement mesurer l’impact de mon changement d’approche d’évaluation sur les apprentissages de mes élèves cette session-ci (faute de méthodologie scientifique appropriée). J’ai l’impression, subjectivement, que cela a bel et bien amené plusieurs élèves à réfléchir davantage à leurs évaluations après coup, et à en retirer d’avantage d’apprentissage.
Détourner l’attention de la note?
Comme je l’ai dit, l’un de mes objectifs initiaux était de me repentir de mon passé d’étudiante plus intéressée à avoir 100% sur son bulletin qu’à comprendre la matière pour vrai. Je n’ai pas l’impression que le ungrading m’a permis d’atteindre ce but cette session-ci.
La plupart de mes élèves n’étaient pas tellement préoccupés par leur note en tant que telle. Ces personnes voulaient passer le cours, mais peu leur importait que ce soit avec 65% ou 75%. (Elles ont pris le processus d’évaluation au sérieux, mais n’avaient pas un objectif clair dès le début de la session, disons.) Pour ces personnes, j’ai l’impression que mon implantation du ungrading a en général été profitable.
Pour les quelques personnes qui visaient un programme technique contingenté, cependant, je n’ai pas l’impression que le ungrading a vraiment changé les choses. Je ne peux pas réellement les blâmer: la note sur leur bulletin peut avoir un grand impact pour leur choix de carrière. C’est normal qu’elles accordent de l’importance au chiffre… N’empêche, lors des rencontres individuelles, je sentais bien que ces personnes se concentraient beaucoup plus sur «avoir la bonne réponse» que sur «comprendre pourquoi cette réponse est la bonne». Et dans la mesure où elles avaient les bonnes réponses, je ne pouvais pas vraiment les pénaliser.
À réessayer!
J’aimerais répéter l’expérience dans d’autres contextes (en Sciences de la nature, par exemple), afin de comparer.
Cependant, je ne le ferai pas cette session-ci (hiver 2023), puisque je travaille à temps plein pour Éductive (Collecto). En fait, je doute que je pourrai remettre l’approche en œuvre de la même façon que je l’ai fait cette session-ci, la charge de travail risquant d’être trop difficile à soutenir. Je vais devoir adapter mon approche à mon prochain contexte d’enseignement.
J’aimerais beaucoup savoir si certains ou certaines d’entre vous ont testé le ungrading (sous une forme ou une autre) dans vos cours. Partagez votre expérience dans la zone de commentaires! Cela va alimenter ma réflexion sur la façon d’adapter la méthode pour qu’elle soit utilisable réalistement avec un plus grand nombre d’élèves.
Certes ,les notes sont souvent stigmatisantes , mais une alternative n’est pas consensuelle.
Il faut déclencher un profond débat à l’international en impliquant des chercheurs universitaires qui se penchent sur l’évaluation nouvelle génération.
C’est un peu ce qui se passe autour du travail de Blum sur la question. Évidemment, bien d’autres personnes ont creusé ces questions auparavant (de bell hooks à Maria Montessori en passant par Randall Collins, Paulo Freire, Howie Becker et les Freinet). D’ailleurs, il y a quelques années, j’ai organisé une conversation publique sur la question avec un de mes anciens étudiants. Peu de personnes font référence aux débats sur les bulletins chiffrés, au Québec au tournant du siècle.
Ce qui est différent avec Ungrading, c’est que ça place justement la question dans une sorte de débat social «international». En attendant une perspective mondiale, on distingue des particularités de systèmes nationaux touchant l’éducation formelle.
En fait, je constate à l’instant que le débat sur les bulletins chiffrés revenait:
Réussite éducative | Construire un rapport positif à l’évaluation | La Presse
(Cette lettre d’opinion se réfère au rapport du Conseil supérieur de l’éducation: Évaluer pour que ça compte vraiment – CSE (gouv.qc.ca).)
Donc, même si ce débat n’est pas international, il peut mener à des échanges à travers le Canada, ailleurs dans la Francophonie ou même à l’UNESCO.
Je me questionne à savoir comment cette approche s’inscrit dans la Politique institutionnelle des apprentissages selon laquelle une ‘note’ doit être transmise aux étudiants au plus tard à la mi-session (semaines variables selon les établissements)? Comment contourner cette problématique? Merci!
Oui, bonne question! Mes élèves ont eu une note dans Omnivox tôt dans la session (dès notre 2e rencontre). Cependant, c’était indiqué qu’elle valait pour « 0% » de la session, pour qu’il soit clair que, ce qui compte, c’est leur compréhension à la fin de la session et non en cours de session… mais pour qu’ils et elles puissent quand même « se situer » clairement (avoir une bonne vision de leur situation actuelle). Évidemment, encore plus que le fait que cette note soit sur Léa, c’est le fait que nous l’ayons établie ensemble qui la rendait claire pour eux. Toutefois, le défaut est que, quand une note vaut pour 0%, elle n’apparait pas aussi bien que les autres dans le sommaire du cours; les élèves ont un clic de plus à faire pour la voir (du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre en cours de session). Je sais qu’au moins 1 élève aurait aimé que sa note soit plus en évidence sur Léa. (Je pense qu’il pense que « voir du rouge » à chaque connexion lui aurait rappelé chaque jour qu’il devait prendre mon cours au sérieux.) Mais autrement, je pense que tous les élèves avaient une très bonne idée de « leur position ».
J’avais présenté mon projet à mon département en amont et il avait été approuvé.
De plus, je me suis assurée de respecter le plan-cadre. Par exemple, le plan-cadre prévoit que 40% de la note soient associés aux laboratoires et 60% à la théorie: lors de la détermination de la note finale avec les élèves, c’est ce que je me suis assurée que nous fassions.
Quelle expérience riche et significative, madame Rhéaume. J’espère que vous aurez la possibilité, comme vous le souhaitez, de la refaire et d’en approfondir l’examen, dans d’autres contextes et conditions, avec les ajustements et les adaptations que vous jugerez nécessaires. Par ailleurs, un élément important à prendre en considération dans la réflexion au sujet de cette expérience est que vous étiez la seule enseignante de ces élèves à y recourir. Mes propres expériences d’une approche semblable, il y a bien longtemps, avaient conduit à des perceptions et des résultats semblables quand je m’y étais lancé seul, mais à une adaptation et à une adhésion encore plus marquées d’une grande majorité des élèves lorsque l’approche avait été adoptée par plusieurs enseignants intervenant auprès des mêmes élèves à la même session. En l’attente de résultats de recherches valides sur le sujet, je fais, comme d’autres, l’hypothèse que cette approche de l’évaluation accroît davantage l’apprentissage lorsqu’elle est soutenue par des rencontres avec les élèves, et portée par un climat et des relations fondés sur la confiance, la compréhension et l’accompagnement.
Merci énormément pour votre commentaire encourageant, monsieur Vasseur! Je souris en lisant que vous avez déjà utilisé une approche semblable « il y a bien longtemps ». Je n’aurais pas deviné, mais ça ne m’étonne aucunement!
Je suis très heureuse (honorée, en fait!) de savoir que vous me lisez.
Bravo!
Récit très inspirant qui peut aider plusieurs personnes à replacer la réussite étudiante dans un contexte plus large. D’ailleurs, le premier principe du plan de réussite étudiante qui vient d’être adopté à Champlain St. Lawrence le dit de façon très claire:
(«La réussite au-delà des notes.»)
Comme l’indiquent plusieurs commentaires ici, il faut une approche systémique pour décroître la pression exercée par les notes. Il est vraiment légitime pour une étudiante qui se dirige vers un programme contingenté de se concentrer sur ses notes, même au moment où les évaluations sommatives forment un obstacle à l’apprentissage. Pas facile de réviser les critères de contingentement.
Pour ce qui est de nos propres expériences…
Une méthode qui s’approche beaucoup de celle décrite ici était d’avoir une procédure d’autoévaluation à la mi-session et en fin de session. En général, je la pondérais à 20% de la note finale. Les premières années, je la décrivais comme une note pour la «participation» (« engagement »). À partir d’un certain moment, j’ai plutôt parlé de «contribution» pour clarifier le fait qu’il ne s’agissait pas d’une note pour favoriser les personnes aussi loquaces que moi! Mes rétroactions (écrites) autour de ces notes avaient généralement un impact très positif. Je modifiais les notes à l’occasion (le plus souvent en les augmentant). Si cette approche ne comptait que pour un faible pourcentage de la note finale, c’est un peu pour les raisons exposées par Stommel: la pression provenant du département était trop forte pour que je puisse me permettre plus. Surtout lorsque l’université où j’enseignais a déclaré une espèce de guerre à la hausse des notes et que ma directrice m’ait demandé de m’assurer que la distribution des notes dans mon cours puisse ressembler le plus possible à une loi normale.
Une autre méthode que j’ai beaucoup utilisée qui ressemblait un peu aux nouvelles formes d’ungrading, c’était de donner des devoirs à faible pondération (low stakes assignments) en évaluation hybride (qualitative/quantitative) par les pairs tout au long de la session. Par exemple, 10 «publications réflexives» sur les forums pour 20% de la note finale (des compte-rendus critiques). (J’ai toujours utilisé des forums dans mes cours, que ce soit avec Moodle, BuddyPress Courseware, Blackboard, Sakai, WebCT ou une plateforme créée par l’université.)
Ces publications étaient évaluées par le groupe avec une «échelle qualitative» (des fois avec des critères vraiment qualitatifs, souvent avec des catégories du genre «se démarque» ou «nécessite une amélioration»). Au cours des premières semaines, on se parlait en classe de critères qui poussaient certaines évaluations. «On dirait que vous évaluez plus positivement les commentaires plus longs. Est-ce que c’est si important d’écrire plus?» En plus des évaluations directes des publications, les chaînes de commentaires dans les forums comprenaient beaucoup de rétroactions constructives qui aidaient les gens à se situer. Encore là, c’est pas exactement du ungrading. L’effet de dégonfler les notes était quand même là.
Partagé dans une communauté de pratique autour des badges ouverts et du passage de la certification à la reconnaissance, cet article de Susan Blum:
Ungrading: a beginner’s guide | THE Campus Learn, Share, Connect (timeshighereducation.com)
Cette description de l’approche est particulièrement efficace, selon moi. L’article est assez court et se base sur des valeurs largement partagées (traduction approximative par Google Translate):
Aussi, ses conseils sont particulièrement parlants (traduction approximative adaptée à partir de Google Translate):
Comme elle l’indique elle-même, Blum et plusieurs autres personnes ont beaucoup écrit autour de l’ungrading. On a intérêt à partager ce «message» de plusieurs façons.