Retour sur le colloque du REFAD 2016: pour une formation à distance à dimension humaine
Les 26 et 27 mai 2016 avait lieu à Ottawa la 20e édition du colloque annuel du Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada (REFAD). Sous le thème « Les enjeux futurs de l’encadrement en formation à distance », l’événement rassemblait des participants issus de plusieurs provinces et territoires canadiens (et même d’outre-mer!), grâce à la webdiffusion assurée par la TÉLUQ, sous la responsabilité de Denis Gilbert.
Le colloque a été l’occasion de souligner la contribution exceptionnelle d’intervenants dans la formation à distance pancanadienne et auprès du REFAD. Des certificats d’honneur ont ainsi été remis à 4 récipiendaires :
- Robert Grégoire, consultant en éducation libre et ancien coordonnateur du Groupe des technologies de l’apprentissage à l’Université de Moncton
- John Boeglin, professeur agrégé au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta
- Clovis Paquette, responsable des partenariats avec les institutions postsecondaires au CAVLFO
- Nicole Perreault, animatrice du Réseau des répondantes et répondants TIC (REPTIC) à la Fédération des cégeps
Pierre Pelletier, l’un des cofondateurs du REFAD (dont il a assuré la présidence de 1988 à 2000), a été reçu comme nouveau membre de la Compagnie des Cent-Associés francophones. Il a été adoubé lors d’une cérémonie spéciale le 26 mai 2016, au terme de la première journée du colloque.
Au cours de ces 2 journées, l’animation du colloque a été menée de main de maître par Matthieu Brennan, gestionnaire de projets spéciaux pour Contact Nord. Voici un compte rendu des communications ayant fait partie de cette 20e édition.
Jeudi 26 mai : dispositifs pédagogiques pour soutenir la réussite étudiante
L’événement a démarré en force avec la conférence d’ouverture d’Olivier Alfieri, qui s’est défini comme un « concepteur agile d’expériences pédagogiques engageantes ». Sa présentation des différents dispositifs d’accompagnement des étudiants à distance et des modèles d’ingénierie tutorale a mis en évidence un élément qui allait trouver écho dans les communications subséquentes : l’importance de la dimension socioaffective dans l’apprentissage en ligne.
Nicole Cadieux et Paul Lachance, du Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario (CAVLFO), en ont fait la démonstration dans leur conférence. Depuis sa création en 2010, l’organisme connaît impressionnant taux de réussite de 98%. La clé du succès? Une stratégie axée sur les besoins des élèves et une communauté d’apprentissage dans laquelle les parents, les enseignants et l’école d’attache exercent un rôle actif et complémentaire. Les élèves fréquentent ainsi leur école en présentiel, mais suivent des cours à distance (dans la même salle que les autres élèves inscrits au même cours). Ils bénéficient de l’encadrement d’un enseignant sur place et à distance.
Local pour les cours en ligne supervisés par Josée Batista au Collège catholique Samuel-Genest (source).
La conférence suivante, intitulée « Supervision de stage à distance : état des pratiques dans différents domaines de formation postsecondaire » a été présentée par Matthieu Petit et Louis Brouillette, de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Certains domaines font face à une pénurie de superviseurs ou de spécialistes pour encadrer les stagiaires. Des milieux de pratique éloignés rendent également le déplacement de superviseurs de stage complexe et onéreux. La supervision à distance devient une manière de pallier ces problèmes de disponibilité. Différentes modalités d’encadrement, allant de la rétroaction par vidéo à l’utilisation d’une oreillette en contexte d’intervention clinique, permettent au stagiaire d’établir une relation avec son superviseur tout en bénéficiant d’un contexte d’approfondissement privilégié, puisque l’analyse de vidéos ou les forums de discussion offrent à l’étudiant un espace réflexif qui n’existe pas dans l’immédiateté d’une intervention de stage « en direct ». La dimension sociale (apprentissage par les pairs) apparaît également comme un élément incontournable pour favoriser l’engagement des stagiaires à distance.
Marcelle Parr de la Société de formation à distance des commissions scolaires du Québec (SOFAD) a ravi l’auditoire en présentant le nouvel outil de perfectionnement en ligne « Vers de bonnes pratiques en tutorat à distance ». Accessible sans frais, ce cours est destiné aux tuteurs et futurs tuteurs de la formation à distance aux adultes et à la formation professionnelle. Issu d’un partenariat entre la SOFAD et 15 commissions scolaires québécoises, ce projet vise à doter les établissements scolaires d’un outil commun pour développer de bonnes pratiques tutorales. Le cours se présente comme une banque d’outils réflexifs pour soutenir le développement des compétences et de l’autonomie professionnelles des acteurs de la formation à distance. Il offre de nombreuses ressources (questionnaires, grilles) pour l’organisation, le suivi et l’évaluation des apprenants. Il met également l’accent sur la composante relationnelle. À l’aide de portraits d’apprenants fictifs aux parcours variés, le tuteur peut s’exercer à communiquer avec eux, à identifier les différentes étapes de la demande d’aide et à formuler une rétroaction profitable.
La page d’accueil du cours en ligne Vers de bonnes pratiques en tutorat à distance.
Le colloque s’est poursuivi avec la présentation du portail MaTéluq par Sabrina Tremblay et Mélanie Turenne. Le portail propose un suivi personnalisé pour les étudiants, qui ont accès en quelques clics à un véritable tableau de bord illustrant leur progression au sein de leur programme d’attache. Une section est même consacrée à l’affichage de badges.
Présentation de MaTéluq, un portail personnalisé pour les étudiants.
S’il s’agit d’un formidable outil d’autogestion, des participants ont émis une interrogation quant à la dimension pédagogique du portail : peut-on réellement parler d’accompagnement, comme le laissait présager le thème du colloque? Un sondage d’appréciation de la TÉLUQ révèle pourtant que 83% des répondants consultent le portail plusieurs fois par semaine. Un nombre tout aussi élevé de répondants (82%) considère cet outil comme un facteur favorable de motivation et de persévérance.
Dans la foulée des présentations de plateformes web, Isabelle Thibault, du Collège Éducacentre à Vancouver, a profité d’un bref intermède pour annoncer le lancement d’un blogue pour le partage de ressources en FAD, fruit d’un vaste projet pancanadien de mise en commun et de diffusion des expertises, des ressources et des bonnes pratiques en formation à distance. Ce projet a récemment fait l’objet d’un article sur Profweb.
Pour clore cette première journée, Caroline Brassard, professeure-chercheuse à la TÉLUQ, a présenté une conférence sous le signe de l’inclusion intitulée « La conception universelle de l’apprentissage et l’encadrement en formation à distance : quels impacts, quels besoins ? ». Posant un regard critique sur les notions d’intégration et d’inclusion de la CUA dans la formation à distance, elle propose une approche différente : plutôt que d’ajouter constamment de nouveaux outils dans une formation à postériori (intégration), pourquoi ne pas concevoir un cours qui soit flexible et propice à la différenciation dès le départ (inclusion)?
Représentations du modèle de la CUA (source [PPTX 5mo]).
Mme Brassard rappelle que plusieurs apprenants adultes n’ont jamais reçu de diagnostic de trouble de l’apprentissage et bénéficieraient de cette souplesse. Une approche de CUA en formation à distance proposerait notamment des cheminements alternatifs aux étudiants et des formats d’évaluation inclusifs (par exemple, une thématique à approfondir avec des objectifs définis, qui pourra être présentée par l’étudiant sur le support de son choix). Le tuteur doit pour sa part assurer un encadrement actif en exerçant un suivi (à l’aide d’outils de monitorage, par exemple) et en offrant une rétroaction régulière (questionnements, rappels, relances).
Vendredi 27 mai : nouvelles approches et nouveaux défis en formation à distance
La 2e journée s’est amorcée avec la communication de Stéphanie Facchin et Denise Brodeur du Cégep à distance. Intitulée « Rétroaction traditionnelle et technologique en formation à distance : bonnes pratiques et retour d’expérience », cette conférence présentait les résultats d’une étude visant à analyser le contenu des rétroactions et à en déterminer les impacts sur la réussite et la persévérance des apprenants. Cette étude, présentée par Mme Facchin lors d’un atelier de perfectionnement du REFAD à l’automne 2015, avait fait l’objet d’un article sur Profweb. Il en ressort que la rétroaction manuscrite demeure la plus répandue, même en contexte d’apprentissage en ligne. La conférence a permis de proposer des outils de rétroaction audio et vidéo, leurs avantages et inconvénients, ainsi que de bonnes pratiques pour soutenir la persévérance et la réussite étudiantes.
L’avant-midi s’est poursuivi avec 2 tours de table portant sur la vision des enjeux futurs de l’encadrement en FAD. Le premier panel était constitué d’enseignants et d’un étudiant. Il réunissait :
- France Gravelle, professeure à l’Université d’Ottawa
- Josée Batista et Louise Thomas, respectivement enseignante locale (Collège catholique Samuel-Genest) et enseignante à distance du CALVFO
- Pascal Renaud, élève de 12e année au Collège catholique Samuel-Genest
Le second panel était formé de tuteurs et de concepteurs pédagogiques, dont :
- Caroline Gauthier, Josée Longtin et Yannick Thibodeau, Collège La Cité
- Philippe Landry, Coalition ontarienne de formation des adultes (COFA)
- Iris Pérez, Collège de Maisonneuve
- Roseline Boyer, Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval
Les panélistes ont donné de nombreux exemples d’amélioration du taux de réussite des apprenants grâce au passage aux cours en ligne. Ce processus libère les enseignants de la préparation des cours en continu, ce qui leur permet de consacrer plus temps au suivi, à l’accompagnement et à l’encadrement individuel des étudiants. Et c’est ce qui fait toute la différence.
S’il y a une conclusion à retenir (et à propos de laquelle s’entendent tous les panélistes), c’est que la dimension humaine demeure primordiale, même à distance. La socialisation avec les autres étudiants, la possibilité d’échanger avec eux et de générer un sentiment de communauté et d’appartenance, le fait d’établir des liens avec l’enseignant ou le tuteur de vive voix (même avec une « vieille » technologie comme le téléphone) sont autant de facteurs favorisant la motivation et la réussite des apprenants, parce qu’ils rendent la relation pédagogique plus tangible. Toutefois, Pascal Renaud avouait que malgré l’encadrement exemplaire offert par son école et par l’équipe enseignante, il préférait quand même…les cours en classe. Les participants se sont montrés très réceptifs à son témoignage, car bien conscients que du point de vue d’un jeune apprenant, la possibilité d’être en contact avec ses pairs et de fréquenter des amis est difficilement remplaçable à distance.
Briser l’isolement s’avère un enjeu important, et l’équipe du Collège La Cité s’en préoccupe aussi auprès de leurs tuteurs, souvent soumis aux mêmes réalités que les étudiants à distance. Leurs tuteurs bénéficient notamment d’une communauté Google+ pour échanger sur leur expérience, partager de bonnes pratiques et relayer de l’information pertinente.
Enfin, les panélistes ont sensibilisé les participants aux degrés variables de compétences numériques des apprenants de la formation à distance. Philippe Landry a souligné l’importance de donner des consignes précises. Citant les indications de branchement figurant au verso de sa cocarde (« Avec le bouton de la souris, cliquez sur… »), il a invité les acteurs de la formation à distance à ne jamais tenir pour acquis le fait que les apprenants en ligne soient déjà habiles avec les technologies. Une action aussi banale que de cliquer sur un lien n’est pas forcément une évidence pour certains apprenants. La COFA s’efforce donc d’humaniser les contacts et la formation à distance :
- Suivi téléphonique régulier par les tuteurs
- Formations informatiques de base en synchrone
- Recours à la narration multimédia plutôt qu’à des manuels en ligne
- Ludification et tâches authentiques spécifiques à leur objectif d’apprentissage
Dans la même lignée, Iris Pérez a présenté un modèle pédagogique de formation à distance conçu pour la ruralité. Si les nouvelles technologies permettent de faire disparaître les murs de la classe, la formation à distance doit tenir compte de la réalité et des niveaux variables de littératie numérique des apprenants en région éloignée. Les étudiants et éducateurs centraméricains ayant participé à ce nouveau programme de maîtrise font face à de multiples enjeux, selon le contexte culturel, politique ou socioéconomique de leur pays. Le modèle pédagogique présenté par Mme Pérez vise à former des éducateurs capables d’enseigner à des apprenants adultes dans ces contextes.
Cet impressionnant projet se décline en 5 modules, assurés tour à tour par un établissement du Costa Rica, du Honduras, du Guatemala, du Salvador et du Nicaragua, selon les expertises développées et les particularités locales. La modalité de formation est divisée en 3 volets :
- Présentiel : Les étudiants se rassemblent tous en présentiel. Ils suivent une formation initiale sur Moodle. C’est le moment où sont créées les équipes de travail. Il s’agit d’une étape cruciale pour le soutien émotionnel des étudiants, car les liens d’amitié et de solidarité qui se développent en présentiel permettront de soutenir les étudiants dans les moments d’isolement à venir.
- Itinérant : Les étudiants visitent, en groupe, chaque pays pendant 2 semaines. L’organisme hôte accueille les étudiants et les forme, selon leur expertise locale. Chaque module permet ainsi de poser les bases pour le prochain.
- À distance : Cette étape ultime permet aux étudiants de passer d’un profil technologique de base à un profil de sortie. Celui-ci vise à former des enseignants qui maîtrisent l’utilisation de plusieurs outils technologiques et numériques pour enseigner aux apprenants adultes en contexte rural.
Modèle pédagogique conçu pour la ruralité, Iris Pérez (source).
Dans sa présentation, Roseline Boyer identifiait elle aussi le défi complexe qu’est celui de «gérer l’humain», dans un contexte où :
- Les cours à distance attirent un nombre de plus en plus élevé d’étudiants.
- La diversité des étudiants et leurs besoins particuliers se multiplient, ce qui complexifie la planification adéquate du rythme des activités pour prévenir le décrochage.
- Le délai de réponse attendu est de moins en moins grand, même si les tuteurs sont appelés à encadrer un nombre toujours plus élevé d’apprenants.
- Les travaux d’équipe (très communs dans les cours en ligne de la Faculté des sciences de l’administration) impliquent de devoir faire de la gestion de conflits.
Mme Boyer identifie quelques stratégies à explorer pour une formation à distance à dimension humaine. L’analyse de l’apprentissage (learning analytics) et l’automatisation des procédés d’encadrement et de rétroaction permettraient d’offrir à l’apprenant une expérience de formation plus personnalisée. Les cours à distance requièrent également une évolution des stratégies pédagogiques, pour le moment encore très près du modèle magistral. Enfin, une humanisation des cours passe notamment par l’inclusion d’un volet informel dans les interactions avec les étudiants, pour diminuer l’impression de distance à l’écran.
L’après-midi a repris dans le plaisir avec la présentation de Jean Desjardins (Collège Sainte-Anne) sur la ludification des apprentissages. Parmi les 15 dynamiques de jeu identifiées dans une typologie (laquelle avait été publiée sur Profweb), il a présenté les 5 plus propices à l’encadrement et à l’enseignement à distance. La ludification est une approche qui se prête aux apprenants de tous âges, le contenu pouvant être adapté au contexte et aux objectifs d’apprentissage.
En couleur, les 5 dynamiques de jeu les plus propices pour la formation à distance selon Jean Desjardins (source).
Cette présentation a également permis à l’auditoire de découvrir des outils et des dispositifs gratuits à intégrer dans une approche ludifiée en formation à distance :
- ThingLink pour créer des mappemondes interactives (quêtes)
- Des fonctionnalités sur Google Forms et Moodle pour créer une progression (niveaux)
- Credly pour la création de badges numériques personnalisés
- Appear.in pour organiser des vidéoconférences en petits groupes
- Remind.com pour créer des alertes et des mises en situation ludiques
La dernière conférence, animée par Alice Mascarenhas (doctorante en technologie éducative à l’Université Laval), a mis en lumière les nombreux défis d’inclusion sociale et académique auxquels font face les étudiants internationaux à distance et qui contribuent à leur isolement. Les défis d’acculturation sont grands sur les plans organisationnel, pédagogique et linguistique. Une simple méconnaissance de la langue d’accueil (lorsque l’accent de l’enseignant diffère du français international que l’étudiant a appris) peut causer des difficultés considérables dans son parcours universitaire et avoir un impact négatif sur ses résultats. Le taux d’abandon, plus élevé que celui des étudiants sur campus, en témoigne. Mme Mascarenhas a présenté quelques modèles et pistes d’encadrement visant à mieux accompagner la clientèle internationale de la formation à distance.
Humaniser la formation à distance, une nécessité
Parmi « Les enjeux futurs de l’encadrement en formation à distance », celui qui a le plus retenu l’attention des participants du colloque est sans contredit l’importance d’humaniser la relation entre l’apprenant et son tuteur, voire avec son environnement d’études (portail et plateforme en ligne). Pour paraphraser Matthieu Brennan lors de son mot de clôture, l’ingénierie et le design pédagogiques de la formation à distance tendent de plus en plus à concevoir, non pas du contenu, mais des expériences pédagogiques. Or, malgré tout le dispositif mis en place pour assurer le succès académique des étudiants, le témoignage de Pascal Renaud, qui préfère les cours en classe, prouve que le contact des apprenants avec leurs pairs (ou des stagiaires et des tuteurs entre eux) a un effet motivateur et doit demeurer une préoccupation au coeur des stratégies déployées en FAD.
Si de nombreuses personnes ont eu la possibilité de suivre ce colloque par webdiffusion (dont l’auteure de cet article!), des participants ont souligné la pertinence et leur appréciation des colloques en présence du REFAD. Voilà bien un signe que même les acteurs les plus engagés de la FAD valorisent les échanges en présentiel avec leurs collègues!
Vous souhaitez vous joindre à cette communauté dynamique pour 2 jours de rencontres et de discussions enrichissantes? Le prochain colloque annuel du REFAD aura lieu en mai 2017. C’est la belle ville de Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui vous accueillera pour l’occasion (juste à temps pour la saison du homard)! Bienvenue à toute personne s’intéressant à la formation à distance, aux technologies d’apprentissage, à la francophonie, et au monde de l’éducation en général!
Excellent compte-rendu. Chapeau (et merci) !