Retour sur le colloque du REFAD 2018 : discussions autour de la sécurité en ligne, du plagiat et de la cyberintimidation
Le 24e colloque du REFAD s’est déroulé les 24 et 25 mai 2018 à Québec. L’événement, également offert en webdiffusion, a rassemblé des participants provenant de 6 provinces canadiennes et de 11 pays. Le thème « Sécurité en ligne, plagiat et cyberintimidation : les défis de la formation à distance » a donné lieu à de riches échanges autour de ces enjeux et des solutions possibles.
Voici un compte rendu de ces 2 journées. Pour visionner les conférences, cliquez sur le titre correspondant et le lien vous mènera à l’enregistrement vidéo de l’activité.
Jeudi 24 mai – Plagiat, intégrité intellectuelle et compétences informationnelles
Conférence d’ouverture
La conférence d’ouverture a été présentée par Nicole Perreault, animatrice du Réseau des REPTIC. De plus en plus, la question de la formation à distance (FAD) occupe une place privilégiée au sein du réseau collégial. La frontière entre l’enseignement régulier et à distance s’amincit, mais requiert un changement d’approches et de méthodes de la part de l’enseignant, y compris dans sa façon d’évaluer. Le Profil TIC des étudiants du collégial offre un cadre de référence sur les compétences numériques à acquérir, qu’il s’agisse d’habiletés informationnelles ou liées aux savoir-être (respect de la propriété intellectuelle, sécurité en ligne, éthique et citoyenneté numérique). Un projet-pilote consiste maintenant à expérimenter les badges numériques pour reconnaître la maîtrise de ces compétences par les étudiants.
Savent-ils même qu’ils plagient?
Le plagiat et la tricherie ne sont pas nouveaux, mais l’accès aux technologies a facilité leur pratique. Nicole Cadieux et Paul Lachance du Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario (CAVLFO) constatent que, malgré les efforts de prévention dans les milieux éducatifs, plusieurs élèves ignorent qu’ils plagient. Le réseau collégial partage cette même problématique. Le CAVLFO mise sur une approche proactive dans laquelle tous les intervenants (enseignants en ligne, équipe de l’école d’attache, parents) s’impliquent pour accompagner l’élève. La sensibilisation au plagiat repose notamment sur des ressources d’autoformation en ligne et des séances d’accueil individualisées. L’équipe met l’accent sur une intervention éducative plutôt que punitive. En cas de plagiat, le CAVLFO prévoit une gradation des mesures disciplinaires, mais tente aussi de comprendre les motivations de l’élève pour mieux intervenir.
L’équipe du CAVLFO a créé des capsules d’autoformation interactives pour les nouveaux élèves de la formation à distance. Cliquez ici pour consulter la ressource «Savoir publier».
Le plagiat : appliquer des sanctions ou prendre des mesures proactives?
L’approche à privilégier par rapport au plagiat a également fait l’objet de réflexions au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Lise Niyuhire, Martine Pellerin et Paulin Mulatris constatent que mesures punitives sont souvent mises à l’avant-plan. Or, si la problématique du « copier-coller » persiste, c’est qu’elle répond à un besoin auprès des étudiants, par manque de formation ou par rapport à leur sentiment de compétence. Un projet d’autoformation et de badge numérique dans Moodle, Biblio 101, a été développé avec l’aide des professionnels de la Bibliothèque Saint-Jean. La quasi-totalité des nouveaux étudiants a suivi et réussi la formation.
D’autres solutions au plagiat concernent les activités d’évaluation en FAD, qui sont encore souvent ancrées dans des modèles traditionnels. Le portfolio numérique, dans lequel les étudiants documentent leurs progrès, est un outil prometteur. Autre possibilité: publier son travail en ligne (sur un blogue, par exemple) suscite généralement une plus grande prise de responsabilité des étudiants par rapport aux normes bibliographiques.
L’équipe du Campus Saint-Jean (de gauche à droite): Martine Pellerin, Paulin Mulatris et Lise Niyuhire (Source de l’image)
Utiliser un logiciel antiplagiat : Pour ou contre?
La quasi-totalité des étudiants utilise internet pour se documenter. Avant de plagier, l’étudiant pose un jugement sur la validité et la légitimité des contenus, ne retenant que ceux jugés dignes d’être inclus dans un travail. Pour Serge Gérin-Lajoie (Université TÉLUQ), il s’agit d’une compétence informationnelle. Ce ne serait donc pas cette compétence, mais son transfert qui poserait problème à l’étudiant (puisqu’il ne sait pas comment réutiliser une bonne information adéquatement).
Les systèmes électroniques de détection du plagiat permettent de répertorier des contenus sur le web, voire des travaux d’autres étudiants ou issus des années précédentes. Cependant, leur complexité, leur manque de flexibilité et leur coût constituent parfois des freins à leur utilisation par les enseignants. Des solutions gratuites et intuitives existent, comme une simple recherche sur Google ou Positéo, avec un taux de détection comparable. Les enseignants peuvent utiliser d’autres approches pour décourager le plagiat, comme la sélection d’un corpus médiagraphique précis pour la réalisation d’un travail. Les étudiants pourraient aussi soumettre préalablement leur travail dans Turnitin, ce qui contribuerait à les responsabiliser davantage.
Prévention du plagiat : un partenariat gagnant-gagnant
Pour faire face à une problématique de « copier-coller », l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) a fait appel à Compilatio, un logiciel qui analyse le pourcentage de similitudes entre le texte d’un étudiant et des textes existants provenant du web, de la banque de données de l’université ou celles des autres institutions. Au-delà de la détection, Nadine Cambefort (ÉNAP), Aurélie Jamard et Frédéric Agnès (Compilatio) souhaitent que le logiciel serve à la sensibilisation et à la formation des étudiants.
Pour soutenir cette vision, l’ÉNAP offre un accompagnement complet aux professeurs et aux étudiants par une politique sur la propriété intellectuelle et des ateliers de formation à propos du plagiat. L’institution mise sur la valorisation des pratiques qui respectent l ’intégrité intellectuelle, source de fierté, plutôt que de se concentrer uniquement sur l’aspect dissuasif du logiciel. Depuis, les professeurs ont remarqué une diminution progressive du copier-coller. Des étudiants utilisent même Compilatio pour vérifier les références dans leur mémoire ou leur thèse avant le dépôt.
Vendredi 25 mai – Sécurité en ligne et citoyenneté numérique
Éducation en ligne et toxicité
Aujourd’hui, être branché à internet n’est plus considéré comme un luxe. Avec de plus en plus de gens connectés dans le monde, un phénomène inévitable émerge : la toxicité en ligne, qui prend différentes formes (radicalisation, fraude, cyberharcèlement, etc.). Richard Khoury (Université Laval) se spécialise dans le forage de données, l’intelligence artificielle et le traitement du langage naturel. Son projet de recherche actuel vise à développer un algorithme permettant de détecter et de supprimer automatiquement les messages toxiques en ligne.
Une certaine banalisation contribue à alimenter ces comportements néfastes (Ce n’est pas la vraie vie, c’est internet!). Pourtant, ils ont des impacts réels et mesurables, en témoignent ces quelques statistiques présentées lors de la conférence :
Programmer un algorithme qui identifie les messages toxiques comporte plusieurs défis, puisque les utilisateurs recourent à différentes stratégies pour contourner les filtres de détection. L’analyse lexicale ne permet pas à elle seule de traduire l’intention ou le sentiment véhiculé, qu’un lecteur humain perçoit intuitivement. L’objectif du projet est d’apprendre à l’ordinateur à quantifier et à évaluer la toxicité des contenus en ligne, comme le ferait un humain.
À la recherche d’un autre regard sur le traitement des plaintes de plagiat en FAD
Mario Alain (Université TÉLUQ) a siégé pendant 3 ans au comité de discipline de son établissement. Traiter une plainte de plagiat est long et coûteux en temps. En s’inspirant d’autres innovations pédagogiques, il s’est demandé s’il existait une façon de traiter les plaintes autrement, d’une manière qui soutienne l’amélioration continue de l’étudiant et de l’institution. La créativité permet de trouver des solutions originales, y compris pour sensibiliser les étudiants au plagiat :
- Et si on demandait aux étudiants ce que signifie le plagiat pour eux?
- Et si on leur demandait ce qu’ils auraient aimé retrouver dans leurs cours?
- Et si la sanction était de rédiger un texte sur le plagiat ou encore, de réaliser des travaux communautaires sur le campus?
Les participants ont aussi pu soumettre leurs propositions.
La cyberintimidation : potentialités et limites de différentes modalités de prévention et d’intervention selon la recherche
Mathieu Bégin, de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et aux droits humains (Université TÉLUQ) a présenté les résultats de sa recherche sur la cyberintimidation et le modèle d’intervention démocratique. Chaque table devait réfléchir à la résolution d’un cas et proposer des solutions sur Padlet. Voici les résultats de ces discussions.
Le mur virtuel sur Padlet où les participants ont résolu des cas.
Conception d’un environnement d’apprentissage en ligne sécuritaire
Moussa Traoré (Collège communautaire du Nouveau-Brunswick) a présenté quelques considérations pour la conception d’un environnement d’apprentissage en ligne sécuritaire. Les étudiants « du numérique » sont adeptes des médias sociaux, du clavardage et de vidéos en ligne. Pour favoriser leur participation, les enseignants utilisent de plus en plus ces outils dans leurs cours. Or, cela pose un risque pour la confidentialité des données, puisque les serveurs sont hébergés hors du Canada. Le site CyberSec101 offre des modules d’autoformation sur la cybersécurité.
Le cadre de référence des 3C (cyberéthique, cybersûreté, cybersécurité) de Davina Pruitt-Mentle (2000). Source.
Un simple jeu : identité et citoyenneté numérique! Utilisation plus efficace, sécuritaire et éthique d’Internet et des réseaux sociaux
La conférence d’Olivier Alfieri (CFORP) portait sur l’importance d’entretenir son identité numérique. Chacune de nos utilisations laisse des traces, parfois sans que ce soit voulu ou souhaitable. L’identité numérique est donc définie par « ce que Google en dit ». Cela peut avoir un impact sur le plan professionnel : quel employeur, de nos jours, n’a jamais googlé le nom d’un candidat à l’embauche? Pour informer et sensibiliser les élèves du primaire et du secondaire, le CFORP a créé une série de 7 jeux-questionnaires portant sur différents aspects de la sécurité en ligne, de la littératie et de la citoyenneté numérique.
Un aperçu des jeux-questionnaires interactifs destinés aux élèves de la 7e à la 10e année (CFORP).
Au collégial, il existe au moins 2 ressources qui abordent ces mêmes enjeux : le site MonImageWeb et le Petit Guide du postulant idéal (développés par le réseau des REPTIC).
À l’année prochaine!
Le prochain colloque du REFAD aura lieu les 23 et 24 mai 2019 à Montréal. Entretemps, nous vous invitons à visiter régulièrement le site web du REFAD pour connaître les sujets et les dates des ateliers et tables d’échanges technopédagogiques de l’année 2018-2019!