Des pistes pour mener à bien l’actualisation de programmes
Quoique les 4 grandes étapes de la démarche d’actualisation de programmes d’études puissent être planifiées, il n’en demeure pas moins important de prendre en compte certains défis que peuvent rencontrer les équipes-programme et de s’adapter. À chaque défi correspondent des pistes de solutions pouvant être mises de l’avant.
Accueillir les préoccupations
L’actualisation d’un programme d’études implique habituellement de nombreux changements qui chamboulent le quotidien de l’équipe-programme et des personnes qui la composent. Rappelons que tout changement a potentiellement un effet sur la motivation et l’engagement. Ainsi, il faut considérer les préoccupations comme légitimes et normales (Bareil, 2004). La prise en compte des personnes, de leurs valeurs et de leurs expériences implique de l’ouverture, de l’attention et de la flexibilité pour tenir compte de l’ensemble des parties prenantes (Hurteau, Bourgeois et Houle, 2018).
À ce titre, le conseiller ou la conseillère pédagogique qui accompagne l’équipe-programme joue un rôle clé. Il ou elle instaure l’espace de collaboration essentiel au bon fonctionnement des travaux. À chaque étape, le conseiller ou la conseillère pédagogique doit faire preuve de différentes qualités pour favoriser la complicité avec les enseignants responsables de l’actualisation, le comité de programme et la direction :
- ouverture
- transparence
- diplomatie
- authenticité
- souplesse
- neutralité
En ce sens, dès le début des travaux en comité de programme, un accompagnement de qualité permet d’échanger sur les préoccupations individuelles et collectives perçues par le groupe, c’est-à-dire :
- les avantages de l’actualisation
- les défis
- les opportunités
- les contraintes
Ainsi, une posture d’accueil donne de l’espace pour permettre des prises de conscience constructives. Un accompagnement de qualité favorise un réel échange où les remises en question sont partagées et les savoirs construits (St-Germain et LaBillois, 2016).
Également, l’adjoint à la Direction des études assigné à une actualisation joue un rôle important en suivant l’avancée des travaux afin de prévenir rapidement, avec le conseiller pédagogique, toute situation pouvant entraver le processus. Par conséquent, si un adjoint n’est pas assigné au comité de programme, des rencontres périodiques sont essentielles.
Se réapproprier les concepts
La compréhension partagée des principaux concepts pédagogiques est primordiale pour la réflexion didactique et pédagogique.
Se réapproprier ces repères conceptuels en équipe permet d’asseoir les réflexions sur une compréhension commune du développement des compétences et de leur déploiement dans un programme d’études. Cela permet aussi de concevoir un parcours de formation cohérent et efficace. Les concepts à prendre en compte sont notamment :
- le développement de compétence
- l’approche-programme
- l’évaluation authentique
- la réflexion didactique
- l’alignement pédagogique
- le triangle pédagogique
- etc.
Ainsi, les actualisations des programmes d’études constituent souvent des occasions de perfectionnement pédagogique.
Prévoir le calendrier des rencontres pour faciliter le travail collaboratif
Les équipes doivent avoir l’espace nécessaire pour se réunir, échanger, réfléchir, analyser, se concerter et prendre des décisions éclairées. Plus les personnes sont impliquées et plus elles ont un espace de collaboration, meilleures seront la compréhension du parcours de formation, la cohérence entre les composantes du programme, l’harmonisation des pratiques et l’adhésion aux décisions du groupe.
Pour atteindre ces objectifs, il appert efficace de réserver, dès le début des sessions, des plages horaires hebdomadaires pour le conseiller pédagogique et le personnel enseignant responsable de l’actualisation ainsi que des espaces pour les réunions du comité de programme. Au besoin, certaines rencontres peuvent être déplacées ou annulées ultérieurement. Cela dit, dans certains cégeps, les équipes-programmes bénéficient de plages horaires bloquées à l’horaire pour faciliter les rencontres en lien avec l’actualisation. Généralement, l’actualisation d’un programme nécessite 3 sessions de travail avant l’implantation du programme et l’accueil d’une 1re cohorte d’étudiants.
Clarifier les rôles et les responsabilités
La politique institutionnelle de gestion des programmes (PIGP) des établissements, et parfois d’autres procédures ou mécanismes internes, sont des documents phares qui donnent des balises quant aux rôles et aux responsabilités des divers intervenants et instances, en plus de présenter les grandes étapes de la démarche d’actualisation.
Il est important de se poser les questions suivantes:
- Cette politique est-elle bien connue des intervenants impliqués?
- Est-ce que la démarche d’actualisation est explicite?
- Quelles sont les ressources humaines assignées à la réalisation de la démarche d’actualisation et de quelle façon sont-elles choisies?
- Les rôles et les responsabilités sont-ils suffisamment définis pour assurer des relations harmonieuses?
- Est-ce que le processus pour la prise de décisions est déterminé?
- Le processus à suivre en cas de litige est-il suffisamment clair?
Une clarification des mandats et des modes de fonctionnement entre la direction, le ou la conseiller pédagogique, le personnel enseignant désigné et le comité de programme favorise la délimitation des champs d’action et la constance des postures professionnelles à privilégier.
Il serait dommage de réaliser, au terme d’une actualisation, que la grille de cours émerge du travail en vase clos d’un seul intervenant. Il s’agit plutôt de trouver l’équilibre entre les besoins individuels et collectifs ainsi qu’entre l’autonomie professionnelle et la collégialité.
La clarification des rôles et des responsabilités évite aussi de dédoubler le travail, notamment entre le conseiller pédagogique et les enseignants dégrevés ou encore entre le conseiller pédagogique et la Direction des études. Dans tous les cas, si les mandats ne sont pas clairs, c’est le sentiment d’efficacité, la crédibilité et la mobilisation des divers intervenants qui peuvent être remis en cause.
L’accompagnement des équipes est très différent d’un programme à l’autre. Il l’est davantage lorsqu’on compare un programme technique et un programme préuniversitaire. Comme les programmes préuniversitaires sont composés de plusieurs disciplines spécifiques, comparativement aux programmes techniques, qui ont une seule discipline spécifique porteuse, le fonctionnement de l’approche-programme est plus complexe et se traduit, dans certains cégeps, par des échanges interdisciplinaires. Aussi, le mode de fonctionnement de ces programmes est parfois peu défini, d’où l’importance dès le début des travaux d’actualisation de déterminer les lieux formels d’échange, de concertation et de prise de décisions
Plus encore, l’analyse des compétences et du parcours de formation, selon un point de vue disciplinaire, peut enrichir la réflexion. Ainsi, réserver des plages de travail communes dès le début de session est important. Il faut prévoir au moins un membre de chaque discipline impliquée dans le programme.
Préciser les modes de consignation et de communication des informations
L’organisation de la documentation, qu’elle soit papier ou électronique, relève de pratiques institutionnelles propres à chaque cégep. Cette organisation doit être réfléchie au début des travaux avec la Direction des études, le responsable de programme et le conseiller pédagogique et même, au besoin, avec les agents administratifs concernés afin que les documents soient facilement récupérables et accessibles pour les intervenants.
La consignation de l’information se traduit de différentes façons, notamment par l’élaboration d’un devis d’actualisation au début des travaux ainsi que par l’inscription des actions, des décisions et des suivis dans un registre. Le registre aide les intervenants à garder le fil conducteur et à assurer le suivi des travaux tout au long de l’élaboration, de l’actualisation et de la mise en œuvre, et ce, jusqu’à l’implantation complétée. Ce document de suivi garde ainsi des traces du processus et facilite la rédaction du bilan d’implantation à la toute fin.
Entre le début des travaux et de la mise en œuvre du programme, les membres de l’équipe-programme peuvent changer. Les réflexions en lien avec le profil de sortie, l’ESP, les compétences et leur déploiement dans le parcours orientent les choix qui seront faits lors de la conception de la grille de cours et lors de la rédaction des plans-cadres. D’où l’importance que les réflexions, tout au long du processus, soient documentées.
D’autre part, certains documents servent d’outils formels dans le système d’information sur les programmes, car ils témoignent du respect du processus démocratique et permettent de comprendre les décisions prises :
- procès-verbaux
- comptes-rendus des rencontres
- résolutions des comités de programme
Mettre en place des conditions favorables au travail d’équipe et établir des procédures en cas de litige pour préserver les relations
Chaque équipe a ses valeurs et sa dynamique relationnelle, mais les équipes qui réussissent à travailler harmonieusement ont la particularité de reconnaitre les forces de chacun et les différences. C’est aussi dans la complémentarité des rôles qu’elles développent la collégialité. Les équipes qui travaillent efficacement se définissent des règles de fonctionnement claires. La communication, l’écoute de l’autre et la confiance mutuelle sont aussi omniprésentes.
Le rôle d’animateur dans une équipe est déterminant pour le bon déroulement des rencontres. Certaines qualités sont recherchées, dont sa capacité à :
- structurer les rencontres
- faire face à diverses situations relationnelles
- mettre en veilleuse ses idées personnelles pour écouter et comprendre le point de vue des autres
L’animateur sait adapter son animation (modérateur ou facilitateur) aux besoins du groupe (Mucchielli, 2019). En ce sens, il peut être contraignant pour un responsable de programme, qui anime une rencontre d’actualisation, de ne pas pouvoir intervenir au même titre que les autres membres du comité de programme. C’est pour cette raison que le conseiller pédagogique assure habituellement l’animation afin de permettre à tous les membres du comité, particulièrement au responsable de l’actualisation, d’intervenir librement.
Les caractéristiques gagnantes des équipes-programmes et les qualités de l’animateur des rencontres favoriseront les prises de décisions consensuelles tout au long des travaux. Toutefois, il arrive que certaines décisions ou orientations ne trouvent pas de point de rencontre consensuel. Les équipes qui suivent rigoureusement chacune des étapes de la démarche et qui respectent les règles de fonctionnement en comité de programme n’échappent pas au risque de vivre un litige. Et les litiges vécus lors des actualisations de programme laissent des traces sur les rapports qu’entretiennent les intervenants entre eux et à l’égard du programme. En ce sens, il faut les traiter avec considération.
L’ajout et le retrait de compétences par le Ministère ainsi que l’interprétation qu’en font les équipes sont fréquemment à l’origine de ces litiges.
L’expérience en actualisation a démontré qu’il faut, dès la réception du programme du Ministère, instaurer un dialogue sur les compétences qui peuvent être source d’un litige et y inclure les disciplines associées. Dès lors, il est possible de prévoir un espace pour amorcer un dialogue qui favorisera à plus long terme l’adhésion des divers intervenants qui permettra une prise de position claire et l’avancement des travaux.
Chaque cégep établit ses propres procédures en ce qui concerne les litiges. Tandis que dans certains collèges, la démarche relève d’un processus décisionnel avec droit de vote, dans d’autres, la Direction prend position à partir de divers avis qui lui sont émis.
Une piste pour faciliter la prise de décision en lien avec le litige est de s’appuyer sur les valeurs émises dans le projet éducatif et le plan de la réussite ainsi que sur la politique de gestion des programmes, où certains cégeps précisent, par exemple, l’importance accordée à la diversité des regards disciplinaires dans un programme.
Si le litige concerne l’attribution de la compétence à une discipline, le profil de sortie permet de situer l’importance de la compétence en question dans l’ensemble de la formation. Pour un programme technique, l’analyse de la situation de travail permet de circonscrire l’importance de la compétence au regard des principales tâches effectuées par la personne diplômée de ce programme.
L’analyse globale de la compétence, discutée en comité de programme, pourrait servir de base aux avis que fournissent les enseignants et enseignantes des disciplines ou des départements concernés par le litige.
Un dossier éclairant et d’une grande richesse! Merci!