À la session d’hiver 2023, j’ai enseigné le cours complémentaire Séjour international au Cégep Limoilou. Pour préparer mes élèves à un voyage de 3 semaines au Maroc à la fin de la session, j’ai mis en place 2 activités exploitant des outils technologiques. Mon but était de développer les savoir-être des élèves, pas leurs compétences techniques ou technologiques. Je vous présente ces activités, l’une impliquant des casques de réalité virtuelle (RV) et l’autre, une découpeuse laser. Je vous décris aussi comment j’ai abaissé les barrières techniques de ces activités pour me concentrer sur le développement de l’émerveillement comme attitude d’apprentissage.
Les buts de la formation générale complémentaire
Dans le système collégial québécois, toutes les personnes inscrites dans des programmes menant à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales (DEC) doivent suivre 2 cours complémentaires. La formation générale complémentaire est l’une des 3 composantes de la formation générale et poursuit un triple objectif:
- l’acquisition d’un bagage culturel commun
- le développement de compétences transférables
- l’adoption de savoir-être souhaitables
Les cours complémentaires visent à mettre l’élève en contact avec des domaines de connaissances autres que ceux qui caractérisent son programme. Les objectifs et les standards établis par le ministère de l’Enseignement supérieur donnent naissance à des compétences transférables de nature plus culturelle que professionnelle.
En conséquence, les activités d’apprentissage de ces cours devraient être conçues pour aider les élèves à découvrir de nouveaux horizons et à élargir leur champ de connaissances.
Le cours Séjour international cible la compétence ministérielle 021M: «Explorer une problématique contemporaine dans une perspective transdisciplinaire».
Pour aider les élèves à acquérir les habiletés de recherche ciblées par le cours, j’ai souhaité me concentrer sur ce que je considère comme un savoir-être essentiel pour le développement de ces savoir-faire mais aussi de la compétence englobante: l’émerveillement. En pédagogie, l’émerveillement est associé à:
- la curiosité intellectuelle
- l’ouverture sur le monde
- la créativité
- l’introspection
Toutes ces savoir-être sont répertoriés dans le plan-cadre du cours Séjour international, comme elles le sont dans de nombreux autres plans de cours. Ainsi, je pense que, dans le contexte de la plupart (sinon de la totalité) des cours collégiaux, il est pertinent de planifier l’utilisation d’outils technologiques pour développer non seulement des compétences spécifiques, mais aussi des savoir-être plus larges.
Qu’est-ce que l’émerveillement?
La capacité de s’émerveiller est une attitude souvent associée au fait de porter sur le monde un regard d’enfant. En effet, pour les jeunes enfants, beaucoup de choses sont nouvelles et inconnues. Cependant, des recherches en psychologie éducative mènent à penser que l’expérience de l’émerveillement ne se limite pas à la nouveauté et que le développement d’une forme d’émerveillement mature ou adulte est plutôt déterminé par la présence d’un élément réflexif (Wolbert & Schinkel, 2021 [en anglais]).
L’émerveillement englobe:
- l’émerveillement contemplatif («s’émerveiller»)
- l’émerveillement investigateur («s’interroger sur»)
Sur le plan éducatif, l’émerveillement est important comme motivation à apprendre, mais aussi parce que:
- il est essentiel pour que l’élève distingue ce qu’il ne sait pas de ce qu’il pense savoir et de ce qu’il reconnaît ne pas pouvoir savoir
- il ravive ou maintient vivant l’intérêt de l’élève pour la matière
- il accroît la conscience des façons de comprendre les choses et aide les apprenants et les apprenantes à voir d’autres possibilités
Sur la base de ces observations, on peut distinguer 3 dimensions de l’émerveillement en éducation:
- une dimension cognitive (un état de «ne pas (encore) savoir» qui inspire la curiosité)
- une dimension sensorielle (en considérant l’objet d’étude sous différents angles ou avec des sens différents)
- une dimension émotionnelle (c’est-à-dire l’admiration et l’étonnement)
Sur la base de ces observations, des chercheurs et chercheuses qui travaillent sur la pédagogie de l’émerveillement [en anglais] ont identifié 4 caractéristiques des outils pédagogiques qui encouragent l’émerveillement:
- Exploration. Les activités et les exemples doivent offrir davantage qu’un effet de nouveauté. L’enseignant ou l’enseignante doit être sensible à l’expérience des élèves et les guider de la simple surprise vers une expérience d’émerveillement plus profonde (admiration et curiosité).
- Improvisation. L’enseignant ou l’enseignante doit disposer d’une marge d’improvisation, c’est-à-dire avoir le temps et la flexibilité nécessaires pour accompagner le processus de pensée réflexive des élèves et explorer leurs questions et leurs commentaires.
- Imagination. Imaginer ce que quelqu’un d’autre vit stimule les liens émotionnels avec le sujet et suscite la créativité, 2 éléments qui jouent un rôle dans la motivation et l’engagement des élèves.
- Intérêt personnel. Dans le cadre d’activités pédagogiques qui font appel à l’émerveillement, les élèves doivent avoir la possibilité d’aborder des aspects qui les intéressent personnellement.
J’ai gardé à l’esprit ces 3 dimensions et ces 4 caractéristiques lors de la conception des 2 activités d’apprentissage que je décris dans les sections suivantes.