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20 septembre 2021

Ludification2 : maintenir les étudiants motivés avec 2 types de ludification

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Ce récit est une traduction d’un texte paru dans le volet anglophone de Profweb.

Le retour des cours en présence est assurément bénéfique pour la relation enseignant-étudiant et les interactions entre les étudiants. Toutefois, cela risque aussi de diminuer la fréquence et la qualité de l’engagement des étudiants avec la matière enseignée. En effet, les étudiants sont susceptibles de percevoir les cours en présence comme des blocs de contenus avec lesquels ils sont en contact une fois par semaine. C’était moins le cas avec les cours à distance, en particulier ceux comportant du contenu et des activités asynchrones.

Pour contrer cet effet indésirable potentiel du retour en classe, j’ai décidé de mettre en place 2 formes de ludification dans mon cours d’anglais langue seconde:

  • la ludification de la structure
  • la ludification du contenu

Ludification de la structure et du contenu

Essentiellement, la ludification est «l’utilisation d’éléments conçus pour les jeux dans des contextes qui ne sont pas liés au jeu» [en anglais]. L’approche a pour but de favoriser la motivation et l’engagement, 2 attitudes qui ont un impact évident sur la réussite des étudiants.

Certes, les recherches sur les contextes éducatifs [en anglais] ne permettent pas de corroborer les hypothèses selon lesquelles la ludification peut améliorer les notes, l’assiduité et la participation. Cela ne veut pas dire, cependant, que la ludification ne peut pas être utilisée avec succès pour rendre certains contextes d’apprentissage plus engageants. La ludification s’appuie sur les mécaniques du jeu pour cibler le désir et la volonté de faire quelque chose: la motivation.

Selon la manière dont les mécaniques du jeu sont intégrées au contenu du cours, 2 types de ludification peuvent être définis:

  • Ludification de la structure
    • L’intégration d’éléments ludiques ne modifie pas le contenu d’apprentissage en soi. L’expérience ludique agit comme une couche supplémentaire apposée sur la matière.
    • Les mécaniques de jeu incluent les badges et les classements. Cela peut s’appliquer à n’importe quel contenu de cours.
    • Les objectifs d’apprentissage et les retombées ne font pas partie du processus de ludification; seuls les accomplissements et les résultats sont ludifiés.
  • Ludification du contenu
    • L’intégration d’éléments ludiques nécessite l’adaptation du contenu d’apprentissage pour qu’il s’apparente à un jeu.
    • Dans le but d’immerger les apprenants avec le contenu d’apprentissage, les mécaniques ludiques incluent, entre autres:
      • des mises en situation
      • différents niveaux
      • la liberté d’échouer.
    • Les objectifs d’apprentissage et les retombées sont (en partie) atteints lors de l’exploration et de l’appropriation des contenus ludifiés.

Ces 2 types de ludification possèdent des avantages et des désavantages:

  • La ludification de la structure est facile à introduire, mais les effets peuvent s’estomper rapidement si les récompenses n’intéressent pas les étudiants.
  • La ludification du contenu bonifie le contenu d’apprentissage en soi en le rendant plus immersif, mais cela peut prendre beaucoup de temps ou être complexe à concevoir.

Pour maximiser l’impact positif de la ludification de l’expérience d’apprentissage tout en limitant certains des désavantages, j’ai opté pour un mélange des 2 types de ludification avec les étudiants de mon cours Anglais spécialisé I, dans le programme Animation 3D et synthèse d’images au Cégep Limoilou.

Ludification de la structure: les badges d’apprentissage

Il y a quelques années, j’ai intégré des éléments de ludification structurelle en octroyant automatiquement des badges aux étudiants lorsqu’ils complétaient un module d’apprentissage sur Moodle. Les étudiants aimaient le système de badges, mais cela ne semblait pas les motiver beaucoup, autre que le fait de travailler pour obtenir de bonnes notes. J’ai réalisé que les badges étaient trop étroitement liés aux évaluations et à la réussite scolaire.

Un exemple de badge attribué uniquement sur la réalisation d’une activité dans Moodle.

En m’inspirant de l’utilisation des badges comme récompenses et trophées de Jean-François Sénéchal dans le cours qu’il enseigne à l’université, j’ai décidé de repenser mon précédent système de badges en l’étendant et en l’améliorant. Pour y parvenir, je me suis inspiré du modèle Adventure Badges [en anglais]. J’ai repris les 3 grandes catégories dans lesquelles les badges sont décernés:

  • les badges émotionnels encouragent les étudiants à naviguer avec succès dans les émotions qui naissent au cours du processus d’apprentissage
  • les badges de responsabilité soulignent les moments où les étudiants ont posé des gestes pour améliorer le climat de la classe
  • les badges d’apprentissage reconnaissent les actions que les étudiants posent pour réussir leur apprentissage

Au cours de la session d’automne 2021, je teste une première itération de mes nouveaux badges avec un groupe d’étudiants en Anglais spécialisé 1. Après avoir expérimenté et potentiellement amélioré mon système de badges, je souhaite éventuellement l’utiliser dans tous mes groupes.

Lors du 1er cours, j’ai présenté le système de badges à mes étudiants. Ils ont ensuite réfléchi à des idées de badges en petits groupes (4 à 5 étudiants). Cela constitue non seulement une activité brise-glace, mais ça permet aussi aux étudiants de participer à l’élaboration de badges qu’ils auront la chance d’obtenir. Cela leur permet d’avoir leur mot à dire dans le processus. Il y a aussi un bénéfice métacognitif: l’activité encourage les étudiants à penser aux bons comportements d’apprentissage, à leur retombées et à leurs indicateurs.

À l’aide d’un ordinateur portable, chaque équipe a accédé à un tableau blanc virtuel que j’avais initialement configuré avec les 3 catégories de badges. Je leur ai donné 20 minutes pour réfléchir et discuter de leurs idées. Seuls les badges sur lesquels tous les membres de l’équipe étaient d’accord pouvaient être ajoutés au tableau. J’ai choisi un tableau infonuagique de la plateforme Miro pour plusieurs raisons:

  • les étudiants pouvaient facilement ajouter, effacer ou bouger leurs idées
  • chaque équipe pouvait présenter leur tableau blanc en utilisant le projecteur dans la classe
  • il était facile pour moi de récupérer les idées de badges par la suite

Exemple d’un tableau virtuel utilisé lors du remue-méninge en petites équipes pour trouver des idées de badges

Par la suite, chaque équipe a sélectionné leur idée de badge préférée dans chaque catégorie. Les équipes ont projeté à tour de rôle leur tableau blanc virtuel au reste de la classe et ont présenté leurs 3 propositions de badges. J’ai aussi proposé 3 badges de mon cru.

Puisque certaines équipes avaient des idées similaires, nous avons retenu 21 badges. J’ai harmonisé les descriptions en utilisant une tournure à la première personne et j’ai rectifié la grammaire au besoin. J’ai ensuite ajouté les badges au cours dans Moodle et associé chacun à une icône.

Tous les badges sont programmés pour être assignés par l’enseignant, car aucun ne résulte de l’achèvement d’une activité dans Moodle. Pour engager les étudiants tout au long de la session, les badges portent sur des actions et des comportements qui trouvent écho hors de la salle de classe. Lorsque les étudiants collaborent en équipes, ils ont la possibilité de proposer le nom d’un coéquiper pour un badge précis en remplissant un Microsoft Form. Cela modifie l’esprit de compétition (amicale) vers celui de coopération.

Quelques-uns des 21 badges en lien avec les émotions, les responsabilités et les apprentissages codéveloppés par les étudiants.

Il est certain que les badges peuvent être hébergés ailleurs que dans Moodle. Par exemple, Open Badges [en anglais] peut être intégré à Microsoft Teams à l’aide de l’application Badgr [en anglais]. Plusieurs autres plateformes indépendantes et gratuites existent également.

Ludification du contenu: une application pour pratiquer ses compétences langagières

Pendant la pandémie, j’ai utilisé Genially pour créer des questionnaires hebdomadaires de révision pour mes étudiants dans le but de les aider à maîtriser le contenu du cours et les compétences entre les séances synchrones. J’ai été impressionné par le taux de participation. Lorsque j’ai sondé les étudiants, ils m’ont indiqué qu’ils n’ont pas seulement trouvé ces jeux-questionnaires utiles, mais aussi divertissants. C’est pour cette raison que j’ai décidé de bonifier le contenu ludifié de mon cours cet automne.

Un exemple de questionnaire de révision interactif créé avec Genially.

L’un de mes buts avec cette expérience est d’étendre l’engagement hors de la salle de classe en motivant les étudiants à interagir avec la matière sur une base régulière entre les périodes en classe. Pour y parvenir, j’ai demandé aux étudiants de télécharger Elevate [en anglais], une application qui offre de petits jeux portant sur diverses composantes langagières qui répondent au niveau et aux objectifs de mon cours. Il s’agit d’une application payante. Pour limiter les frais associés à mon cours, je n’ai pas demandé aux étudiants d’acheter un livre de grammaire. L’application fonctionne sur iOS et Android.

Un exemple d’un mini-jeu sur les synonymes de l’application Elevate.

Tous les jours, Elevate rappelle aux étudiants de compléter un «entraînement», c’est-à-dire une série de 3 mini-jeux. Aussi longtemps que les étudiants complètent leur entraînement quotidien, ils font perdurer leur «lancée». Cela les motive à dédier au moins 5 minutes tous les jours à la pratique de l’anglais. Cela les garde engagés entre leurs cours hebdomadaires. De plus, puisque le contenu est ludifié, ils n’ont pas l’impression qu’ils font des devoirs!

Pour responsabiliser les étudiants, à la fin de chaque semaine, je leur demande de me transmettre une capture d’écran de leur page «profil» dans l’application, laquelle résume leurs principales réalisations. Ils déposent le tout sur Moodle, mais cela est possible avec n’importe quel autre environnement numérique d’apprentissage.

Conformément à la politique d’évaluation de mon cégep et au principe de «liberté d’échouer» inhérent aux jeux, je ne donne pas de points supplémentaires pour ces activités. Derrière le pouvoir de motivation du jeu en soi, j’encourage les étudiants à jouer à ces mini-jeux sur une base quotidienne en les associant au système de badges décrit plus haut: certains badges peuvent uniquement être obtenu en s’engageant avec Elevate de manière sérieuse.

Un exemple d’une capture écran d’un profil dans Elevate qui résume les réalisations du joueur, ce que les étudiants déposent à chaque semaine.

Concevoir son propre contenu ludifié

Malheureusement, des applications similaires ne sont pas disponibles pour tous les champs d’études. Quoiqu’il en soit, vous pouvez ludifier vous-mêmes le contenu de vos cours:

  • Genial.ly propose des gabarits pour plusieurs questionnaires et jeux interactifs.
  • H5P permet de créer et d’intégrer du contenu interactif et des jeux à Moodle ou à un site WordPress.
  • Des applications pour sonder vos étudiants, comme Kahoot et Socrative , peuvent être utilisées en classe ou dans le cadre d’activités asynchrones entre les cours.
  • Quizlet permet aux étudiants de créer des cartes de type «aide-mémoire» individuellement ou collaborativement, puis de transposer le contenu en mini-jeux.
  • Factile transforme les questions de révision en un jeu-questionnaire s’inspirant de Jeopardy.

Bien qu’il ne soit pas vraiment réaliste de créer du contenu pour que les étudiants interagissent avec quotidiennement, mettre en place une simple activité de révision ludique à chaque semaine est déjà une implantation pertinente des mécaniques de jeu.

Retombées et observations préliminaires

Comme je l’ai souligné dans la 1re partie du texte, il est difficile de quantifier l’impact de la ludification sur le comportement des apprenants et sur la réussite des étudiants. Toutefois, je trouve très encourageant de voir mes étudiants travailler activement dans l’acquisition de badges. La plupart d’entre eux ont maintenu leur lancée dans l’application Elevate au cours des 3 premières semaines de la session, ce que je considère un succès en soi, puisqu’ils sont déjà engagés plus souvent avec le contenu du cours qu’ils l’auraient été dans un cours traditionnel comptant 15 séances en classe une fois par semaine. À la fin de la session, je demanderai aux étudiants de compléter un sondage pour obtenir leur rétroaction sur cette expérience ludique et sur la manière dont cela a eu un impact sur leur apprentissage.

Combiner des éléments de ludification de la structure et du contenu rend l’expérience plus immersive et globale, mais vous pouvez, bien entendu, commencer en expérimentant avec un seul type de ludification dans votre cours! Si vous le faites, j’aimerais lire dans les «Commentaires» comment cela s’organise dans votre cours!

À propos de l'auteur

Andy Van Drom

Andy Van Drom enseigne l’anglais, langue seconde et la linguistique depuis 2005, d’abord à l’Université Laval, puis, depuis 2012, au Cégep Limoilou. Après avoir terminé des études doctorales en linguistique, il a complété une 2e maîtrise, en enseignement supérieur au collégial (Performa, Université de Sherbrooke). Dans le but de soutenir les pratiques d’enseignement inclusives et de favoriser la réussite étudiante, il s’intéresse au rôle de l’état d’esprit langagier dans la motivation à apprendre. Andy a publié 4 manuels chez Pearson ERPI et a développé plusieurs ressources éducatives libres en format numérique. Son grand intérêt pour la pédagogie l’a d’ailleurs mené à travailler avec Profweb (désormais Éductive) de 2017 à 2024 et avec l’AQPC depuis 2021. Son désir continu d’innover en pédagogie lui a valu la Mention d’honneur de l’AQPC, le Prix du personnel engagé de Forces Avenir et le prix EF Excellence Award in Language Teaching.

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