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Récemment, j’ai découvert un nouveau terme: cours à structure élevée (high structure course). La version anglaise de l’expression circule depuis une dizaine d’années, mais je ne l’avais pas encore rencontrée.

Un cours à structure élevée est un cours qui intègre la pédagogie active. En fait, il peut aussi intégrer la pédagogie inversée (qui est souvent la seule façon de libérer le temps de classe nécessaire pour faire de l’apprentissage actif de façon substantielle).

La différence entre un cours à structure élevée et n’importe quel autre cours qui met les élèves en action, c’est la fréquence des évaluations (formatives ou sommatives) et des rétroactions offertes par la personne enseignante ou les pairs. Dans un cours à structure élevée, typiquement, il y a des devoirs ou des tests chaque semaine ou chaque séance de cours:

  • avant le cours pour vérifier que les élèves ont fait les travaux préparatoires (lecture de textes ou ou visionnement des vidéos préalables)
  • après le cours pour vérifier leur compréhension

L’intention derrière les cours à structure élevée est qu’en encadrant davantage les élèves, on augmente les chances de réussite de celles et ceux qui n’ont pas les outils nécessaires pour structurer leur étude de façon autonome [en anglais].

Évaluations fréquentes

Même si l’expression «cours à structure élevée» est nouvelle pour moi, le concept ne l’est pas. Toutefois, cette expression m’a amenée à réfléchir à la pédagogie active spécifiquement sous l’angle des activités d’évaluation (formatives ou sommatives) qui précèdent ou suivent chaque séance de cours, un peu à la manière des billets d’entrée ou de sortie.

Je vois difficilement comment il pourrait y avoir trop d’évaluations formatives dans un cours (si ce n’est à cause de la charge de travail de correction que cela impose à l’enseignant ou à l’enseignante!), mais je ne suis pas attirée par la multiplication des évaluations sommatives qui valent pour 1% ou 2% de la note totale du cours. J’ai l’impression que de noter un travail sur 1% dévalorise l’activité aux yeux de plusieurs élèves. À l’inverse, présenter une activité comme formative me semble promouvoir sa valeur intrinsèque: on ne fait pas l’activité pour avoir 1 point, on la fait pour apprendre et développer la compétence ciblée par le cours. N’empêche, je sais très bien que cela ne fonctionne pas tout le temps, et pas pour tous les élèves. Par exemple, certaines personnes choisissent de ne pas faire les travaux qui valent pour moins de 5% parce qu’ils «n’en valent pas la peine» (!) ou ne font que le minimum d’activités d’évaluation formative.

Par ailleurs, il me semble que les évaluations sommatives dont la pondération est très faible portent souvent sur la mémorisation et la compréhension de base de concepts (à travers des tests de lecture ou de courts questionnaires à choix multiples, par exemple), et non sur la démonstration authentique de compétences. Même si cela me semble un défaut, l’une des recherches sur les cours à structure élevée que j’ai consultées le nuançait:

Si l’avantage des cours hautement structurés est d’aider les élèves à acquérir des compétences cognitives de haut niveau, quel rôle jouent les tests de lecture? En raison de la façon dont ils sont conçus, ces exercices se concentrent sur les niveaux 1 et 2 de la taxonomie de Bloom, où l’apprentissage actif peut ne pas être utile. Nous sommes d’accord avec les créateurs des tests de lecture (Crouch and Mazur, 2001 [en anglais]): leur utilité est de libérer du temps en classe pour des exercices d’apprentissage actif qui mettent les élèves au défi d’appliquer des concepts, d’analyser des données, de proposer des modèles expérimentaux ou d’évaluer des éléments de preuve contradictoires.

Scott Freeman, David Haak, and Mary Pat Wenderoth (2017) [en anglais; notre traduction]

Ainsi, les auteurs et autrices de plusieurs recherches que j’ai consultées sont en accord avec l’implantation d’un grand nombre d’évaluations sommatives «à faibles enjeux» (low stakes), portant parfois seulement sur les activités préparatoires aux séances de cours hebdomadaires, parfois sur la révision des notions vues au cours de la semaine, parfois sur les 2 [en anglais].

Il arrive que des évaluations sommatives aient même lieu pendant l’apprentissage actif (points pour l’exactitude des réponses fournies avec des télévoteurs [en anglais] ou points de participation pour l’utilisation de télévoteurs sans égard à la justesse des réponses [en anglais]). Personnellement, je serais mal à l’aise d’accorder des points pour des questions auxquelles les élèves doivent répondre très rapidement pendant la séance de cours où ils et elles sont censés pouvoir s’approprier les notions évaluées. Oui, la pondération peut être très faible, mais il me semble quand même que cela impose un stress qui enlève un peu de plaisir au fait d’apprendre… Et en ce qui concerne les points de participation, je me range plutôt du côté de celles et ceux qui estiment que la note doit (au moins aspirer à) ne refléter que l’atteinte de la compétence… pas le «bon comportement» en classe.

En fait, je pense que les pratiques alternatives de notation pourraient être une solution à ce problème (comment valoriser des activités d’apprentissage essentielles à la progression des élèves sans pour autant les transformer en évaluations sommatives). Avec la notation par spécifications, ces activités pourraient être incluses dans la liste de tâches à compléter pour maîtriser une spécification. Avec la dénotation (ungrading), elles pourraient être évaluées de façon holistique, leur pondération pouvant être ajustée à la réalité de chaque élève. L’utilisation d’un système de pondérations multiples serait également une voie intéressante.

Qu’en pensez-vous? Si vous mettez en œuvre la pédagogie inversée, comment vous y prenez-vous pour vous assurer que les élèves arrivent au cours bien préparés? Avez-vous de la difficulté à valoriser auprès de vos étudiants et étudiantes les activités qui sont pourtant essentielles à leurs apprentissages? Partagez vos idées dans la zone de commentaires; ça m’intéresse!

Une formule adaptée aux besoins des élèves

Parmi les lectures que j’ai faites sur les cours à structure élevée, j’ai particulièrement apprécié l’article d’Anne M. Casper, Sarah L. Eddy et Scott Freeman paru en 2019 [en anglais]. Il y est question du parcours de Casper, l’autrice principale, pour améliorer la réussite de ses élèves dans un cours de biologie dont le niveau semble relativement comparable à celui des cours de biologie offerts en Sciences de la nature dans le réseau collégial québécois.

  • Sa 1re tentative a été de conserver un format de cours magistral, mais d’imposer, chaque semaine, un «examen de pratique» en ligne aux élèves dans le but de les forcer à être à jour dans leur étude et de faire en sorte qu’ils et elles soient familiers avec le format des questions d’examens. Cela a été un échec: le taux de réussite et les notes aux examens ont diminué.
  • Sa 2e tentative a fait place à l’apprentissage actif en classe. Casper a imposé des lectures préparatoires à propos desquelles ses élèves avaient un test en ligne avant les cours. Même si l’approche de Casper était maintenant calquée sur celle, éprouvée, de son coauteur et sa coautrice, elle s’est révélée décevante: le taux de réussite et les notes aux examens sont redevenus similaires à ce qu’ils étaient dans un cours traditionnel, avant le début des expériences de Casper.

    Même si Casper fournissait des guides de lecture aux élèves (des questions de réflexion auxquelles répondre pendant la lecture) et que d’autres recherches (Lieu et al. (2017) [en anglais] et Eddy et Hogan (2014) [en anglais]) ont montré l’intérêt de ces outils, Casper a fait l’hypothèse que les élèves de son établissement étaient moins habiles en lecture que ceux des établissements de son coauteur et de sa coautrice et que cela limitait donc l’efficacité des textes préparatoires.

  • La 3e tentative a été la bonne! Casper a remplacé les textes à lire avant les cours par des capsules vidéos (dans lesquelles on la voyait expliquer les concepts du cours devant un tableau blanc, comme pendant un exposé magistral). Le taux de réussite et les notes aux examens ont augmenté significativement.

Abandonner la lecture?

Cette expérience a résonné chez moi étant donné que je venais de lire quelques textes sur le déclin des compétences en lecture des étudiants et étudiantes, dont un article dans The Chronicle of Higher Education [en anglais]. Bien que le texte abordait certains enjeux propres au système scolaire états-unien, d’autres traversaient assurément la frontière. Dans plusieurs articles, on déplorait le «nivellement par le bas» associé au fait d’«abandonner» les exigences de lecture que nous avons à l’égard des élèves. Je suis d’avis que, si on s’attend à ce que nos élèves lisent des textes dont ils et elles ne possèdent pas déjà les habiletés pour les comprendre, il faut leur enseigner à le faire. Mais cela demande du temps.

D’ailleurs, à la fin de la session d’hiver 2024, mes collègues m’ont partagé plusieurs anecdotes au sujet d’élèves qui ont eu du mal à décoder des phrases simples, en contexte d’examen… Difficile de savoir où placer la barre, dans un tel contexte.

À ce sujet, j’aimerais connaitre votre opinion: exigez-vous certaines lectures de la part de vos élèves? Vous permettez-vous de choisir des textes «difficiles»? Pourquoi? Dans les 2 cas, quelles sont vos stratégies et recettes gagnantes pour vous assurer que vos élèves tirent pleinement parti de leurs lectures?

Partagez vos expériences et vos suggestions dans la zone de commentaires!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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