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17 mars 2023

Dialoguer pour évaluer | Compte-rendu d’un webinaire de l’AQPC

Le 9 février 2023, Edith Potvin-Rosselet, enseignante en anthropologie au Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption et au Collège Ahuntsic, a animé un webinaire organisé par l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC). Elle y a présenté l’approche évaluative innovante qu’elle met de l’avant dans ses cours: l’évaluation collaborative (évaluation par les pairs, coévaluation, évaluation en équipe). Dans le webinaire, elle décrit en détails l’un des travaux pour lequel elle exploite cette pratique évaluative.

J’ai visionné l’enregistrement de ce webinaire avec grand intérêt.

Enregistrement du webinaire Dialoguer pour évaluer: récit d’une collaboration innovante

L’évaluation collaborative

Edith Potvin-Rosselet enseigne l’anthropologie au Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption et au Collège Ahuntsic. Elle est aussi co-coordonnatrice de l’Observatoire interuniversitaire sur les pratiques innovantes d’évaluation des apprentissages (OPIEVA).

Edith voulait inviter ses élèves à collaborer à l’évaluation, dans le but d’augmenter leur bien-être vis-à-vis des situations d’évaluation, et aussi afin de proposer des évaluations diversifiées. À l’automne 2021, elle a transformé les évaluations de son cours d’introduction à l’anthropologie au Cégep régional de Lanaudière à l’Assomption pour intégrer la collaboration et le dialogue. Elle a ensuite répété l’expérience dans le même cours et dans un cours d’approfondissement à l’hiver 2022, puis à l’automne 2022.

Edith Potvin-Rosselet s’est appuyée sur l’idée d’«évaluation en co» de Gérard Figari (présentée dans un chapitre d’un livre de C. Barroso da Costa, D. Leduc et I. Nizet).

  L’évaluation en co (évaluation collaborative) inclut:

L’évaluation dans le cours d’introduction à l’anthropologie d’Edith Potvin-Rosselet

Dans le cours d’introduction à l’anthropologie d’Edith, les évaluations consistaient en 3 examens et un travail de session (projet divisé en 4 étapes évaluées successivement).  Edith a conservé les mêmes évaluations, mais leur a appliqué l’idée d’«évaluation en co». Ainsi, le 1er examen de la session est maintenant réalisé individuellement par les élèves, puis évalué par les pairs. Le 2e examen est fait en équipe de 4. L’examen final, lui, est individuel et évalué de façon «traditionnelle» par Edith. De plus, les 2 premières étapes du travail de session s’effectuent en équipe et sont coévaluées. «Coévaluer» signifie que les élèves et Edith établissent leurs notes ensemble lors d’une discussion qui s’articule autour des critères en jeu dans une grille d’évaluation connue à l’avance par les élèves. La production finale du travail de session, une affiche scientifique, est évaluée de façon formative en partie par les pairs et par le biais d’une autoévaluation. L’évaluation sommative de l’affiche et de la présentation orale l’accompagnant est faite par Edith.

Pendant le webinaire, Edith Potvin-Rosselet a surtout présenté la façon dont elle utilise la coévaluation pour la 1re étape du travail de session. La même démarche est répétée pour la 2e étape du travail, ce qui permet aux élèves de bien s’approprier ce mode d’évaluation.

Un exemple de travail coévalué

À la 3e semaine de la session, les élèves, en équipe, font une recherche documentaire afin d’identifier 3 sujets possibles pour l’affiche scientifique qu’ils et elles produiront dans le cours. Il doit s’agir de sujets d’actualité (des nouvelles scientifiques récentes), en lien avec l’une des grandes sous-disciplines de l’anthropologie et pour lesquels ils et elles portent un intérêt personnel.

Pour chaque sujet, l’équipe doit:

  • décrire le sujet en 1 paragraphe
  • présenter le lien entre le sujet et les notions vues dans le cours en 1 paragraphe
  • citer leurs sources

La grille de correction est présentée à l’équipe à même le document Word utilisé comme gabarit pour la rédaction du rapport.

Edith réserve l’une des séances de cours à la coévaluation des documents produits par les équipes. Elle rencontre chaque équipe à tour de rôle pour discuter de son travail. Pendant ce temps, les autres élèves du groupe font un atelier sur Moodle pour se familiariser avec les normes APA, normes bibliographiques qu’ils et elles utiliseront pendant la production de l’affiche, et d’autres productions de leur parcours au collégial.

Déroulement des rencontres de coévaluation

Pendant les rencontres avec chaque équipe, Edith commence par ouvrir le travail remis par les élèves sur son ordinateur et demande aux élèves de faire de même. De cette manière, tous et toutes peuvent voir le document.

Puis, l’enseignante lance la discussion en demandant aux élèves comment le travail s’est déroulé pour elles et eux. Comme Edith l’a expliqué pendant le webinaire, les élèves du cours d’introduction à l’anthropologie sont en 1re session. Pour plusieurs, il s’agit d’une de leur 1re remise d’un travail au collégial. Leurs réponses permettent à Edith de prendre connaissance des défis associés à la récupération de l’énoncé du travail, à la compréhension des consignes, aux problèmes techniques rencontrés, etc. Cela lui donne l’occasion d’aider les élèves en leur fournissant de l’information qui leur sera utile pour la suite de la session (et de leurs études!).

Puis, Edith demande aux élèves de décrire  les 3 sujets en justifiant leurs choix. Les élèves sont ainsi appelés, en quelque sorte, à expliquer oralement ce qu’ils et elles ont écrit dans leur travail. Puisqu’elle a le document Word sous les yeux et que les contenus textuels sont très brefs, Edith peut lire tout en écoutant les élèves et leur poser des questions pour éclaircir certains éléments. Elle peut aussi leur faire des suggestions ou les amener à approfondir leur réflexion sur certains points. Elle annote également le document par écrit, par exemple pour y inscrire l’URL d’une ressource pertinente ou noter des idées qu’elle ou les élèves pourraient avoir durant la discussion.

Ensuite, Edith invite les élèves à choisir le sujet de leur affiche, parmi leurs 3 idées. Elle les accompagne dans ce choix (choisir un sujet qui les intéresse personnellement, mais aussi pour lequel ils et elles trouveront des ressources pertinentes et qui ne ressemble pas trop aux sujets sélectionnés par les autres équipes).

Puis, Edith demande aux élèves de choisir le meilleur échelon pour chaque critère de la grille d’évaluation, tout en justifiant pourquoi cet échelon est choisi. Ce faisant, le pointage pour chaque critère est accordé. Les membres de l’équipe en discutent ensemble et justifient leur choix à la lumière des commentaires faits par l’enseignante.

Edith a été étonnée de constater à quel point les élèves et elle ont généralement une lecture similaire de la production écrite remise. Il y a parfois de petits écarts entre leur jugement évaluatif sur le travail (en général, leur jugement est plus sévère), mais Edith peut alors argumenter et négocier avec l’équipe pour arriver à un consensus. Edith s’assure toujours que les élèves soient à l’aise avec leur résultat et comprennent pourquoi ils et elles ont obtenu cette note.

Finalement, Edith s’assure que les élèves sachent quoi faire pour la prochaine étape du travail de session et répond à leurs questions au besoin.

En général, la rencontre avec une équipe dure 15 à 20 minutes.

Bénéfices pour les élèves

Edith Potvin-Rosselet a identifié plusieurs avantages à cette approche co-évaluative:

  • Les élèves peuvent poser des questions et recevoir des réponses immédiatement (une rétroaction rapide est un indicateur d’une rétroaction efficace).
  • Les élèves reçoivent une rétroaction verbale détaillée et une rétroaction écrite.
  • Les élèves déterminent et comprennent la note qu’ils et elles reçoivent.

À la fin de la session d’automne 2021, Edith a transmis un sondage anonyme à ses groupes pour connaître leur perception des 2 activités de coévaluation vécues pendant la session. 94% des 55 personnes qui ont répondu au sondage se sont dites satisfaites ou très satisfaites de leur expérience de co-évaluation.  91% de ces personnes ont aussi rapporté être satisfaites et très satisfaites de leur niveau de bien-être durant la co-évaluation.

Pendant le webinaire, Edith a présenté certains commentaires écrits laissés par des élèves dans le cadre du sondage. Ceux-ci tendent à montrer qu’Edith a, au moins dans certains cas, atteint son objectif d’augmenter le bien-être de ses élèves vis-à-vis des évaluations.

Des idées transférables

J’ai trouvé le partage d’Edith Potvin-Rosselet très inspirant. Certaines de ses idées m’ont semblé répondre en partie aux questions que je me posais au terme de mon expérience de ungrading.

Je suis heureuse de constater qu’Edith a pu alterner entre plusieurs modes d’évaluation novateurs (évaluation par les pairs, examen en équipe, coévaluation, etc.) et l’évaluation traditionnelle au sein d’un même cours de 1re session. Plutôt que de générer de la confusion ou de l’insatisfaction chez les élèves, elle semble avoir profité des bénéfices de chacun de ses modes d’évaluation.

Le récit d’Edith a de quoi susciter une réflexion pertinente chez les enseignants et enseignantes de toutes les disciplines!

Mes plus vifs remerciements à Edith Potvin-Rosselet pour son excellente collaboration lors de la rédaction de cet article! Merci également à Nicole Perreault, responsable des webinaires de l’AQPC, pour son efficacité légendaire.

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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Nicole Perreault
17 mars 2023 13h14

Ce compte-rendu est tellement clair qu’il pourrait servir de base à la scénarisation d’une activité portant sur le sujet. Bravo Catherine et félicitations Édith.

Valérie Turgeon
Valérie Turgeon
23 mars 2023 20h54

Excellent compte-rendu, l’idée est très intéressante. Le compte-rendu indique que l’expérience a été menée sur trois cours-groupes et que 55 personnes ont répondues au sondage, j’en déduis que l’enseignante avait alors +-18 personnes par cours-groupe. Cette pratique, afin qu’elle soit bénéfique, demande du temps. Est-ce envisageable avec des cours-groupes de 30-40 élèves? J’en doute… c’est malheureusement souvent le cas de ces pratiques: il faudrait adapter le contexte aux nouvelles pratiques.