Voyez comment un projet de recherche appliquée subventionné peut mener à un transfert de connaissances entre collèges, et ce, au bénéfice des étudiants! Dans mon cas, un projet de recherche que je mène dans mon domaine contribue à actualiser la formation des étudiants de mon programme… dans mon cégep et dans d’autres!
Sur le marché du travail, les technologues en génie physique risquent fort d’être appelés, dans un futur proche, à contrôler des systèmes qui exploitent l’intelligence artificielle (IA). Or, jusqu’à récemment, la formation des étudiants de Technologie du génie physique dans mon cégep ne les préparait pas à le faire.
Je suis enseignant en Technologie du génie physique et également chercheur. Dans le cadre d’un de mes projets de recherche sur la mesure de la distanciation sociale, j’ai développé des connaissances en IA. Avec mes collègues impliqués dans ce projet, j’ai conçu, à partir des connaissances que le projet nous a permis d’acquérir, une activité pédagogique que mes collègues enseignants peuvent utiliser avec les étudiants de 1re session. Nous en créerons d’autres à l’hiver 2022 pour les étudiants de 2e et 3e année.
De plus, nous avons proposé aux enseignants des autres collèges qui offrent le programme de Technologie du génie physique (La Pocatière et John-Abbott) de leur partager nos connaissances. Nous pouvons les accompagner pour qu’ils implantent avec leurs étudiants l’activité pédagogique que nous avons créée.
Le projet dista
En 2020, j’ai publié le récit La distanciation au cœur d’un projet motivant pour les étudiants de technologie du génie physique. J’y présentais la façon dont j’ai adapté le cours porteur de l’épreuve synthèse de programme lors du basculement en de l’enseignement en ligne en urgence à l’hiver 2020.
J’avais alors repris avec les étudiants du cours un projet de recherche sur lequel je travaillais déjà en collaboration avec des collègues enseignants-chercheurs et avec Optech, un centre collégial de transfert de technologie (CCTT) affilié à mon cégep.
Initialement, le projet dista visait à utiliser l’IA pour qu’un ordinateur puisse reconnaître les voitures et les cyclistes sur les images fournies par des caméras, puis mesurer la distance entre eux. Avec la pandémie, j’ai eu l’idée d’adapter la technologie que nous avions en mains pour plutôt mesurer les distances entre des personnes. Sur un écran géant, les mesures de distance étaient affichées sur le flux de la caméra. Ainsi, les personnes filmées pouvaient savoir si la distance qui les séparait de leurs voisins était bel et bien supérieure à 2 mètres.
Le projet dista a été financé par le biais du volet « Soutien aux initiatives de formation en intelligence artificielle » du programme NovaScience, du ministère de l’Économie et de l’Innovation, et par le Pôle montréalais d’enseignement supérieur en intelligence artificielle. L’un des objectifs financés pour le projet était de « transférer les connaissances en IA vers les programmes d’études collégiales ».
L’activité de laboratoire avec les étudiants de 1re session
Nous avons commencé par reproduire le montage utilisé dans le projet dista avec du matériel moins coûteux (moins performant, évidemment, mais tout à fait convenable pour une utilisation pédagogique). Ainsi, plutôt que de faire seulement une démonstration avec un appareil à l’avant de la classe, les 20 étudiants d’un groupe peuvent manipuler eux-mêmes un montage.
Avant l’activité, les étudiants ont de la documentation à lire afin de s’approprier le projet. Ainsi, en classe, ils arrivent en connaissant les fondements de la technologie et avec des questions déjà en tête.
Le but de l’activité est de les faire passer à travers quelques-unes des mêmes étapes que celles que nous avons traversées pour faire fonctionner notre prototype:
- calibration d’une caméra 3D
- mesure de la distance entre 2 objets en utilisant l’IA
- reconnaissance des objets par le réseau de neurones artificielles
- etc.
Pendant le laboratoire, nous fournissons aux étudiants de petites automobiles jouets, de petits vélos jouets, etc. Lors de l’activité, ils doivent paramétrer leur appareil de façon à pouvoir mesurer la distance entre 2 voitures ou entre 1 voiture et 1 vélo, par exemple. C’est à eux de paramétrer l’appareil pour utiliser ses fonctions intelligentes de détection et de reconnaissance de ces divers objets (vélos, autos, humains, etc.).
Les étudiants n’ont pas à faire la programmation du prototype, mais ils doivent comprendre comment appeler des fonctions préétablies et comment en changer certains arguments.
L’activité est axée sur les actions qui sont représentatives des tâches qu’un technologue en génie physique est susceptible d’effectuer sur le marché du travail. En effet, avec la démocratisation à venir des appareils de mesure utilisant l’IA, les futurs technologues en génie physique gagnent à être formés pour les utiliser!
Dans d’autres cégeps
Le programme de Technologie du génie physique est donné dans 3 cégeps: le mien (André-Laurendeau), La Pocatière et John-Abbott (en anglais). Optech, notre partenaire, est justement affilié à ces 3 cégeps, à travers leurs programmes de Technologie du génie physique. Nous avons donc contacté les enseignants des 2 autres collèges pour connaître leur intérêt pour notre activité et étudier la possibilité de générer des retombées dans l’enseignement dans leurs collèges. Les 2 équipes ont été intéressées sans hésiter!
Depuis le début de l’automne 2021, nous accompagnons des enseignants de ces 2 cégeps, ainsi qu’un groupe d’étudiants finissants (3 dans chaque cégep) dans leur travail d’appropriation de cette technologie. Leur but est de déployer, eux aussi, un laboratoire en IA et ainsi intégrer progressivement l’IA dans leurs programmes respectifs.
À l’automne 2021, je me suis rendu au Cégep de La Pocatière pour rencontrer les enseignants, leur parler du projet et réaliser l’activité avec eux. L’enthousiasme et la motivation des enseignants envers ce projet étaient contagieux. Je n’ai aucun doute qu’à l’hiver 2022, l’équipe d’enseignants de La Pocatière pourra réaliser l’activité avec leurs étudiants! Il auront eux aussi implanté l’IA dans leur programme.
À l’hiver 2022, je me rendrai au Collège John-Abbott pour y faire la même chose.
Si tout se passe comme prévu, ce ne sera pas seulement dans mon cégep que les résultats de notre projet de recherche seront incorporés à notre programme d’étude, ce sera dans tous les cégeps qui offrent le programme de technologie du génie physique au Québec!
Je crois que c’est un très beau défi de transfert des connaissances que nous avons relevé: d’abord, de transférer les connaissances issues d’un projet de recherche vers un programme d’étude, puis, ensuite, de les transférer vers d’autres cégeps. C’est définitivement un modèle que nous souhaitons reproduire dans l’avenir.
Des situations d’apprentissage authentiques et motivantes
Je suis enchanté qu’un projet de recherche que j’avais et qui visait à développer une nouvelle technologie ait ainsi donné lieu à la création de contenus qui sont maintenant imbriqués dans des programmes d’études.
Je crois fermement en l’intérêt pédagogique d’offrir des situations d’apprentissage authentiques aux étudiants. Amener les étudiants à retracer les étapes d’un projet de recherche réel a assurément un caractère authentique! Lorsqu’en plus, cette situation authentique s’articule autour d’un enjeux de société, comme la distanciation physique en réponse à la menace de la COVID-19, on s’assure vraiment de susciter toute l’intérêt des étudiants! C’est ce que je constate avec mes étudiants depuis quelques années et je désire approfondir ce concept pour en faire profiter le plus grand nombre d’étudiant possible, autant en enseignement supérieur qu’au secondaire.