Qu’est-ce qu’une compétence?
Au collégial, la notion de compétence propose de nombreux défis, surtout lorsque l’on considère qu’il existe plusieurs définitions de «compétence» à travers les écrits.
Parmi les nombreuses définitions de la notion de compétence, nous retenons 2 définitions utilisées par le personnel enseignant du collégial :
- Pour Leroux (2010; 2015), qui s’intéresse à l’évaluation des compétences dans un programme en approche par compétences au collégial, la compétence est définie comme «un savoir-agir complexe mobilisant et combinant un ensemble de ressources internes et externes pertinentes pour traiter avec succès des tâches complexes d’une même famille» (Leroux, 2010, p. 73).
- Tardif (2006) propose une définition de la notion de compétence largement partagée en enseignement supérieur: «un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations» (p.22).
Dans ces 2 définitions de la notion de compétence, sans vouloir les comparer et en dégager toutes les nuances, nous retenons différents éléments qui peuvent avoir une grande importance sur le plan de l’évaluation des apprentissages avec le numérique.
Parmi ces éléments, voyons plus en détail 4 composantes qui convergent dans des définitions provenant d’écrits guidant l’évaluation des compétences au collégial:
- le savoir-agir complexe
- les ressources internes et externes
- les familles de situations
- les tâches complexes
Le savoir-agir complexe
Pour Le Boterf (1994), le savoir-agir est central à la notion de compétence. De nombreuses définitions de la notion de compétence intègrent cette notion de «savoir-agir».
La compétence:
- fait référence à une disposition à agir de façon pertinente par rapport à une situation spécifique ou une famille de situations (Le Boterf, 2002)
- s’exprime par une action ou un enchaînement d’actions
- est indissociable de l’action et du contexte dans lequel elle se manifeste ou s’exprime
- est finalisée et est contextualisée
- ne se réduit pas à un savoir-faire (Tardif, 2006)
- Il faut éviter de confondre la notion de compétence et la notion d’habileté. Une habileté relève de l’application routinière, automatique ou répétée des principes et des règles dans une ou des situations familières (Le Boterf, 2002)
- se distingue d’une simple possession de connaissances, d’habiletés et d’attitudes
Tardif (2004, p. 22) précise le sens de la définition en soulignant que le «savoir-agir complexe distingue clairement la compétence de tout savoir-faire ou de toute connaissance procédurale».
Également, Tardif (2006, p. 22) souligne que le caractère très intégrateur de la compétence, qui fait appel à une multitude de ressources de nature variée, incite «non seulement à recourir à l’idée de savoir-agir au premier chef, mais aussi à rendre explicite que ce savoir-agir s’inscrit dans la complexité».
Le savoir-agir complexe, «nécessite de:
- prendre en compte une quantité d’informations et ouvre sur des démarches et des résultats multiples;
- recourir à la combinaison originale de ressources pour s’adapter à la situation.» (Poumay et Georges, 2022, p. 22).
Voici quelques traits distinctifs pour bien distinguer le savoir-agir du savoir-faire (adapté de Tardif, 2006).
Savoir-faire |
Savoir-agir |
Caractère algorithmique: un ensemble fini d’actions, une séquence d’actions |
Caractère heuristique, non-algorithmique, qui contribue à la découverte |
Automatisation des actions et des gestes à poser grâce à un usage répété |
Non-automatisation des actions et des gestes à poser |
Possibilité de déployer le savoir-faire en dehors de tout contexte, décontextualisé |
Impossibilité de déployer le savoir-agir hors contexte |
Un certain degré de complexité |
Un degré de complexité |
Les ressources internes et externes
La compétence fait appel à de nombreuses ressources qui sont mobilisées et combinées par l’élève. La compétence relève d’un processus dynamique. La mobilisation «n’est pas de l’ordre de la simple application. Mais de celui de la construction» (Le Boterf, 1994, p. 17). La notion de combinaison est aussi essentielle que celle de mobilisation, car elle se transmet à l’organisation dynamique des ressources, l’agencement des ressources et l’orchestration de plusieurs ressources pour répondre à une situation (Le Boterf, 1994; Tardif, 2006).
Lors de la mise en œuvre d’une compétence, les ressources qu’un élève peut mobiliser et combiner peuvent être très variées. Par exemple, les connaissances constituent une partie cruciale de ces ressources. Cependant, les ressources à la base des compétences ne sont pas réductibles aux connaissances.
Le recours à une compétence nécessite l’interaction de l’élève avec un faisceau de ressources (Allal, 1999):
- les ressources internes, propres à chaque élève
- les ressources externes, rattachées aux circonstances des situations et aux tâches à réaliser
Les ressources internes propres à chaque élève correspondent:
- à des savoirs (connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles)
- au savoir-être (par exemple, savoir adapter le contenu au contexte dans un forum de discussion)
- au savoir-faire (par exemple, savoir comment répondre dans un forum de discussion)
- à des savoirs d’expériences (par exemple, avoir déjà expérimenté le forum de discussion)
Les ressources externes sont celles de l’environnement de formation. Elles comprennent:
- des sources d’information:
- encyclopédies en ligne
- vidéos
- sites web
- livres électroniques
- ouvrages didactiques numériques
- œuvres artistiques numériques
- environnements virtuels
- etc.
- des outils numériques:
- ordinateur portable
- téléphone intelligent
- tablette
- logiciels et applications
- etc.
- des personnes:
- enseignant ou enseignante
- étudiants ou étudiantes
- etc.
Famille de situations et les tâches complexes
Lorsqu’il est question d’évaluer les compétences, pour que l’élève démontre ses compétences, il ou elle doit «mobiliser de façon autonome toute une série de ressources (internes et externe) pour effectuer des tâches complexes dans un type de contexte donnée ou résoudre des familles de situations problèmes» (De Ketele, 2013, p. 59).
Les expressions «situation d’apprentissage» et «situation d’évaluation» sont devenues familières dans l’approche par compétences. Les notions de situations et de tâches prennent tout leur sens lorsque la compétence se manifeste dans l’action et non dans l’accumulation de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être (Leroux, Hébert et Paquin, 2015; Scallon, 2015).
La définition de la notion de compétence comporte l’idée de famille de situations ou de tâches. Cette idée de «famille» permet de penser que les situations et les tâches peuvent regroupées selon certaines caractéristiques.
Selon Tardif (2006, 2017), la définition de compétence est associée à une famille de situations:
- Les situations signifient les contextes de mise en œuvre de la compétence.
- «[U]ne situation correspond à une responsabilité professionnelle ou citoyenne» (Tardif, 2017, p. 20).
- «Une compétence permet un grand nombre d’actions dans des situations fort différentes, mais appartenant à une famille donnée» (Tardif, 2006, p. 19).
- Une famille de situations est définie par «les caractéristiques et les propriétés communes à toutes les situations de cette famille; cette famille de situations est générique et inclut un certain nombre de situations» (Jonnaert et al., 2015, p. 16).
- «La situation conditionne la façon dont la personne met en œuvre la compétence. C’est ce qui pousse l’apprenant à choisir des ressources et à les combiner de manière originale. […] Une famille de situations rassemble des situations similaires» (Poumay et Georges, 2022, p. 23).
Leroux (2009) et Leroux, Hébert et Paquin (2015) soulignent que la compétence est étroitement liée aux contextes dans lesquels elle s’exerce. Elle est indissociable des tâches complexes:
- Le choix des tâches est central, il donne lieu à la mobilisation et la combinaison efficace des ressources par l’élève.
- Les tâches permettent d’inférer la compétence. Elles impliquent un ensemble d’actions que l’élève doit accomplir.
- Une tâche complexe se distancie d’une tâche trop procédurale et qui ne laisse pas d’espace pour la construction d’une réponse élaborée ou inédite par l’élève.
- Les tâches complexes d’une même famille correspondent à un ensemble de tâches de niveau de difficulté et de complexité équivalent qui traduisent une même compétence.
- L’évaluation en situation authentique permet de proposer à l’élève des tâches qui sont typiques de la vie extrasolaire de façon plus large (citoyenne, personnelle) ou du contexte professionnel visé par le programme.
Dans un programme qui vise le développement de compétence, avant de commencer un processus d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation, il est recommandé d’être au clair sur ce qui est attendu par les élèves au terme de celui-ci. Quelles seront les situations ou les tâches complexes proposées?
- La priorité doit être accordée à la mobilisation et la combinaison de ressources pour réaliser des tâches complexes dans une situation contextualisée.
- Il faut éviter d’accorder la priorité aux ressources internes (savoirs, savoir-faire et savoir-être) de façon isolée ou décontextualisée (caractère artificiel, abstrait ou scolaire).
- Les situations d’apprentissage et d’évaluation doivent permettre de témoigner de la capacité de l’élève à mobiliser et à combiner des ressources afin de résoudre des tâches complexes.