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Étape 2 - Objets d’évaluation: les connaissances et les compétences


Table des matières

Quand on s’intéresse à l’évaluation des apprentissages avec le numérique dans un programme en approche par compétences, il faut évidemment tenir compte de l’objet d’évaluation.

Dans cette étape, il sera question de:

  • la réflexion qu’il faut mener au sujet de ce qui sera évalué dans le cadre d’un cours
  • des compétences que les élèves doivent développer
  • des connaissances essentielles que les élèves doivent acquérir

L’approche par compétences

Au collégial, la pédagogie basée sur les objectifs a guidé la conception des programmes et l’évaluation des apprentissages durant un bon nombre d’années. Toutefois, depuis le début des années 90, la notion de compétence a introduit une façon différente de concevoir les activités de formation dans les programmes au collégial (Louis et Bédard, 2015). Le développement de l’approche par compétences dans les programmes au collégial constitue une réponse à la préoccupation d’apporter une solution aux limites et aux problèmes identifiés dans l’approche par objectifs.

Encore aujourd’hui, il est fréquent de constater une certaine difficulté à distinguer les pratiques d’évaluation des apprentissages dans l’approche par objectifs et les pratiques d’évaluation des apprentissages dans l’approche par compétences (Nguyen et blais, 2007). Au sein d’un même programme, une compréhension commune de la notion de compétence est primordiale. Elle permet aux enseignants et aux enseignantes:

  • de «construire une conception partagée de la [notion] de compétence» (Tardif, 2003, p. 38)
  • de «construire une représentation partagée de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’évaluation des apprentissages» (Tardif, 2003, p. 38)
  • d’assurer la cohérence et l’harmonisation des pratiques dans le but de favoriser l’intégration des apprentissages chez les élèves
  • de partager des repères communs afin de s’éloigner des pratiques évaluatives dites «traditionnelles issues de la théorie des objectifs» (Jonnaert et al, 2015, p. 8)
  • de proposer des situations et des tâches d’évaluation en situation authentique qui offrent aux élèves l’occasion de développer et de démontrer leurs compétences

Lorsqu’il est question d’évaluer les apprentissages dans un programme en approche par compétences, il faut identifier connaissances essentielles à acquérir et préciser le niveau de développement attendu de la compétence ou des compétences au terme d’un cours et de la formation.

Au terme du cours et de la formation:

  • Quelle est la compétence ou quelles sont les compétences à développer?
  • Quel est le niveau de développement attendu de la compétence ou des compétences?
  • Quelles sont les compétences et les connaissances qui feront l’objet d’une évaluation des apprentissages?
  • Quelles sont les connaissances essentielles qui doivent être acquises?
  • Quel type d’évaluation permet d’évaluer judicieusement les compétences?

Qu’est-ce qu’une compétence?

Au collégial, la notion de compétence propose de nombreux défis, surtout lorsque l’on considère qu’il existe plusieurs définitions de «compétence» à travers les écrits.
Parmi les nombreuses définitions de la notion de compétence, nous retenons 2 définitions utilisées par le personnel enseignant du collégial :

  • Pour Leroux (2010; 2015), qui s’intéresse à l’évaluation des compétences dans un programme en approche par compétences au collégial, la compétence est définie comme «un savoir-agir complexe mobilisant et combinant un ensemble de ressources internes et externes pertinentes pour traiter avec succès des tâches complexes d’une même famille» (Leroux, 2010, p. 73).
  • Tardif (2006) propose une définition de la notion de compétence largement partagée en enseignement supérieur: «un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations» (p.22).

Dans ces 2 définitions de la notion de compétence, sans vouloir les comparer et en dégager toutes les nuances, nous retenons différents éléments qui peuvent avoir une grande importance sur le plan de l’évaluation des apprentissages avec le numérique.

Parmi ces éléments, voyons plus en détail 4 composantes qui convergent dans des définitions provenant d’écrits guidant l’évaluation des compétences au collégial:

  • le savoir-agir complexe
  • les ressources internes et externes
  • les familles de situations
  • les tâches complexes

Le savoir-agir complexe

Pour Le Boterf (1994), le savoir-agir est central à la notion de compétence. De nombreuses définitions de la notion de compétence intègrent cette notion de «savoir-agir».

La compétence:

  • fait référence à une disposition à agir de façon pertinente par rapport à une situation spécifique ou une famille de situations (Le Boterf, 2002)
  • s’exprime par une action ou un enchaînement d’actions
  • est indissociable de l’action et du contexte dans lequel elle se manifeste ou s’exprime
  • est finalisée et est contextualisée
  • ne se réduit pas à un savoir-faire (Tardif, 2006)
  • Il faut éviter de confondre la notion de compétence et la notion d’habileté. Une habileté relève de l’application routinière, automatique ou répétée des principes et des règles dans une ou des situations familières (Le Boterf, 2002)
  • se distingue d’une simple possession de connaissances, d’habiletés et d’attitudes

Tardif (2004, p. 22) précise le sens de la définition en soulignant que le «savoir-agir complexe distingue clairement la compétence de tout savoir-faire ou de toute connaissance procédurale».

Également, Tardif (2006, p. 22) souligne que le caractère très intégrateur de la compétence, qui fait appel à une multitude de ressources de nature variée, incite «non seulement à recourir à l’idée de savoir-agir au premier chef, mais aussi à rendre explicite que ce savoir-agir s’inscrit dans la complexité».

Le savoir-agir complexe, «nécessite de:

  • prendre en compte une quantité d’informations et ouvre sur des démarches et des résultats multiples;
  • recourir à la combinaison originale de ressources pour s’adapter à la situation.» (Poumay et Georges, 2022, p. 22).

Voici quelques traits distinctifs pour bien distinguer le savoir-agir du savoir-faire (adapté de Tardif, 2006).

Savoir-faire Savoir-agir
Caractère algorithmique: un ensemble fini d’actions, une séquence d’actions Caractère heuristique, non-algorithmique, qui contribue à la découverte
Automatisation des actions et des gestes à poser grâce à un usage répété Non-automatisation des actions et des gestes à poser
Possibilité de déployer le savoir-faire en dehors de tout contexte, décontextualisé Impossibilité de déployer le savoir-agir hors contexte
Un certain degré de complexité Un degré de complexité

 

Les ressources internes et externes

La compétence fait appel à de nombreuses ressources qui sont mobilisées et combinées par l’élève. La compétence relève d’un processus dynamique. La mobilisation «n’est pas de l’ordre de la simple application. Mais de celui de la construction» (Le Boterf, 1994, p. 17). La notion de combinaison est aussi essentielle que celle de mobilisation, car elle se transmet à l’organisation dynamique des ressources, l’agencement des ressources et l’orchestration de plusieurs ressources pour répondre à une situation (Le Boterf, 1994; Tardif, 2006).

Lors de la mise en œuvre d’une compétence, les ressources qu’un élève peut mobiliser et combiner peuvent être très variées. Par exemple, les connaissances constituent une partie cruciale de ces ressources. Cependant, les ressources à la base des compétences ne sont pas réductibles aux connaissances.

Le recours à une compétence nécessite l’interaction de l’élève avec un faisceau de ressources (Allal, 1999):

  • les ressources internes, propres à chaque élève
  • les ressources externes, rattachées aux circonstances des situations et aux tâches à réaliser

Les ressources internes propres à chaque élève correspondent:

  • à des savoirs (connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles)
  • au savoir-être (par exemple, savoir adapter le contenu au contexte dans un forum de discussion)
  • au savoir-faire (par exemple, savoir comment répondre dans un forum de discussion)
  • à des savoirs d’expériences (par exemple, avoir déjà expérimenté le forum de discussion)

Les ressources externes sont celles de l’environnement de formation. Elles comprennent:

  • des sources d’information:
    • encyclopédies en ligne
    • vidéos
    • sites web
      • blogues
    • livres électroniques
      • ouvrages didactiques numériques
    • œuvres artistiques numériques
    • environnements virtuels
    • etc.
  • des outils numériques:
    • ordinateur portable
    • téléphone intelligent
    • tablette
    • logiciels et applications
    • etc.
  • des personnes:
    • enseignant ou enseignante
    • étudiants ou étudiantes
    • etc.

Famille de situations et les tâches complexes

Lorsqu’il est question d’évaluer les compétences, pour que l’élève démontre ses compétences, il ou elle doit «mobiliser de façon autonome toute une série de ressources (internes et externe) pour effectuer des tâches complexes dans un type de contexte donnée ou résoudre des familles de situations problèmes» (De Ketele, 2013, p. 59).

Les expressions «situation d’apprentissage» et «situation d’évaluation» sont devenues familières dans l’approche par compétences. Les notions de situations et de tâches prennent tout leur sens lorsque la compétence se manifeste dans l’action et non dans l’accumulation de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être (Leroux, Hébert et Paquin, 2015; Scallon, 2015).

La définition de la notion de compétence comporte l’idée de famille de situations ou de tâches. Cette idée de «famille» permet de penser que les situations et les tâches peuvent regroupées selon certaines caractéristiques.

Selon Tardif (2006, 2017), la définition de compétence est associée à une famille de situations:

  • Les situations signifient les contextes de mise en œuvre de la compétence.
  • «[U]ne situation correspond à une responsabilité professionnelle ou citoyenne» (Tardif, 2017, p. 20).
  • «Une compétence permet un grand nombre d’actions dans des situations fort différentes, mais appartenant à une famille donnée» (Tardif, 2006, p. 19).
  • Une famille de situations est définie par «les caractéristiques et les propriétés communes à toutes les situations de cette famille; cette famille de situations est générique et inclut un certain nombre de situations» (Jonnaert et al., 2015, p. 16).
  • «La situation conditionne la façon dont la personne met en œuvre la compétence. C’est ce qui pousse l’apprenant à choisir des ressources et à les combiner de manière originale. […] Une famille de situations rassemble des situations similaires» (Poumay et Georges, 2022, p. 23).

Leroux (2009) et Leroux, Hébert et Paquin (2015) soulignent que la compétence est étroitement liée aux contextes dans lesquels elle s’exerce. Elle est indissociable des tâches complexes:

  • Le choix des tâches est central, il donne lieu à la mobilisation et la combinaison efficace des ressources par l’élève.
  • Les tâches permettent d’inférer la compétence. Elles impliquent un ensemble d’actions que l’élève doit accomplir.
  • Une tâche complexe se distancie d’une tâche trop procédurale et qui ne laisse pas d’espace pour la construction d’une réponse élaborée ou inédite par l’élève.
  • Les tâches complexes d’une même famille correspondent à un ensemble de tâches de niveau de difficulté et de complexité équivalent qui traduisent une même compétence.
  • L’évaluation en situation authentique permet de proposer à l’élève des tâches qui sont typiques de la vie extrasolaire de façon plus large (citoyenne, personnelle) ou du contexte professionnel visé par le programme.

Dans un programme qui vise le développement de compétence, avant de commencer un processus d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation, il est recommandé d’être au clair sur ce qui est attendu par les élèves au terme de celui-ci. Quelles seront les situations ou les tâches complexes proposées?

  • La priorité doit être accordée à la mobilisation et la combinaison de ressources pour réaliser des tâches complexes dans une situation contextualisée.
  • Il faut éviter d’accorder la priorité aux ressources internes (savoirs, savoir-faire et savoir-être) de façon isolée ou décontextualisée (caractère artificiel, abstrait ou scolaire).
  • Les situations d’apprentissage et d’évaluation doivent permettre de témoigner de la capacité de l’élève à mobiliser et à combiner des ressources afin de résoudre des tâches complexes.

Quelles sont les connaissances essentielles?

Dans le cadre d’un cours avec le numérique, pour éviter d’accorder une priorité à l’évaluation d’une longue liste de nouvelles connaissances à enseigner et à évaluer de manière décontextualisée, la diversité des méthodes d’évaluation et l’identification des connaissances essentielles à mobiliser semblent incontournables. La priorité doit être accordée à la mobilisation et la combinaison des nouvelles ressources avec les ressources existantes afin de résoudre des problèmes réalistes qui ont une signification.

Les théories les plus récentes de la psychologie cognitive ont introduit une nouvelle terminologie proposant l’élargissement de la notion de connaissance. Dans la foulée des travaux d’Anderson (1982) poursuivis par Tardif (1992), on distingue 3 nouvelles catégories de savoir :

  • savoir «quoi» et «qu’est-ce» (connaissances déclaratives)
  • savoir «comment faire» (connaissances procédurales)
  • savoir «quand et pourquoi» (connaissances conditionnelles)

Les catégories de savoirs

Catégories de savoir

Description

Connaissances déclaratives Sont des savoirs théoriques se rapportant à des faits, à des principes et à des lois. 

Par exemple: la connaissance :

  • des règles de grammaire
  • des lois chimiques
  • des formules mathématiques
  • des stades de développement de l’enfant
  • etc. 
Connaissances procédurales Sont des savoirs portant sur le comment de l’action, les étapes et les procédures permettant de réaliser une action. 

Par exemple:

  • la mise en application des étapes nécessaires pour rédiger un texte argumentatif
  • conduire une expérience en laboratoire avec un outil numérique
Connaissances conditionnelles Sont des savoirs se rapportant aux conditions (Quand? Pourquoi?) 

Par exemple:

  • réaliser une tâche complexe ou une situation problème.
    Après avoir pris connaissance d’un problème, l’élève choisit parmi un ensemble de stratégies celle qui semble lui assurer la meilleure solution.

Un exemple d’application

La responsabilité d’un nouveau cours offert dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage comodal

Lors d’une rencontre avec l’équipe enseignante du programme Gestion de commerces, Guillaume accepte de relever le défi de donner un cours de 45 heures en comodal: Analyse financière 2. Le cours, offert en présentiel enrichi, doit être revu.

Comme l’utilisation d’un portable par les élèves est déjà une condition associée au cours, Guillaume doit réfléchir aux ajustements à apporter en considérant qu’il y aura simultanément des élèves en ligne et des élèves en présence. Dans ce contexte d’enseignement et d’apprentissage comodal, Guillaume s’interroge au sujet des activités d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation qui devront se dérouler en présence et en ligne.

Pour assurer la cohérence avec les décisions prises en approche-programme, Guillaume consulte les documents du programme et du cours (devis ministériel, programme, plan-cadre et plans de cours). L’ingénierie pédagogique du cours doit être repensée afin que le cours soit offert simultanément en présence et en ligne.

Quelles sont les principales questions qui doivent guider Guillaume afin qu’il puisse déterminer avec justesse la cible d’apprentissage?

  • Quelles sont les compétences qui doivent être développées dans le cadre du cours?
  • Est-ce que le développement de la ou des compétences a été amorcé dans un ou des cours précédents?
  • Quelles sont les connaissances essentielles à acquérir dans le cadre du cours ?
  • Quelles sont les ressources internes qui doivent être mobilisées et combinées par l’élève (connaissances, savoir-faire, savoir-être, etc.)?
  • Quelles sont les ressources externes qui doivent être mobilisées par l’élève?

Lors de l’analyse des différents documents, Guillaume identifie les deux compétences à développer dans le cours :

  • 01U5, Produire de l’information comptable à des fins de gestion et
  • 01U6, Analyser de l’information comptable et financière à des fins de gestion commerciale

Ces dernières ont commencé à être développées dans le cours Analyse financière 1 de la 1re session. Elles seront réinvesties dans le cours de 3e session Budgétisation commerciale et elles seront atteintes lors d’un cours de 4e session Analyse financière intégrée.

Dans le plan-cadre et le plan de cours du cours actuel, il consulte un tableau des savoirs qui lui permettra d’identifier clairement les connaissances essentielles à acquérir ainsi que les ressources internes qui devront être mobilisées par les élèves (connaissances, savoir-faire, savoir-être, etc.).

Comme le programme Gestion de commerce est un programme qui exige l’utilisation d’un portable, certaines ressources externes pourront être consultées en ligne par tous les élèves :

  • les sources d’information
    • notes de cours déposées sur Léa
    • volumes de références commandées à la coop
    • simulations comptables
    • exercices et mises en situation en format numérique
  • les outils numériques
    • ordinateurs portable
    • Office 365
    • logiciel de simulation comptable
  • les personnes
    • enseignant
    • autres élèves

Cependant, certaines ressources externes doivent être ajoutées pour soutenir les activités d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation dans un cours en mode comodal:

  • les sources d’information
    outils de prise de notes (qui devront être également déposés en ligne)
  • les outils numériques
    • un micro-casque pour chaque élève, afin que toutes et tous puissent collaborer, qu’ils et elles soient en ligne ou en présence
    • un 2e écran pour les élèves qui participent en ligne (facultatif) afin de combiner le visionnement du cours (mode synchrone) et le travail individuel ou en équipe sur leur ordinateur portable
  • les personnes
    • un technicien pour aider à solutionner les problèmes d’ordre technique en présence et en ligne