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Étape 4 : Juger


Table des matières

Étape 4: Juger

Corriger et interpréter

Pour citer cette image : Leroux, J. L. (2023). Processus d’évaluation des apprentissages avec le numérique dans un programme en approche par compétences. Dans Fédération des cégeps (dir.) Guide pour évaluer les apprentissages avec le numérique (GÉAN). Éductive

La 4e étape du processus d’évaluation est le jugement. Dans le contexte d’évaluation des apprentissages avec le numérique, cette étape est centrale dans le processus d’évaluation. Elle implique la cueillette et à la suite de l’interprétation des données recueillies et avant la prise de décision.

Leroux et Bélair (2015) présentent l’évaluation comme un processus fort complexe qui nécessite de faire preuve de professionnalisme. Leroux (2016) souligne que le jugement occupe une place centrale dans le processus d’évaluation, à la suite de l’interprétation des données recueillies et avant la prise de décision.

L’étape du jugement consiste à corriger et à interpréter la ou les productions réalisées par l’élève ainsi qu’à lui fournir une rétroaction selon le but de l’évaluation (formative ou sommative/certificative).

Avec le numérique, l’évaluation des apprentissages dans un programme par compétences fait appel à votre jugement. Cela implique :

  • la correction des productions des élèves
  • l’interprétation critériée de la production de l’élève
  • l’objectivité ou la subjectivité .

La correction des productions des élèves

La correction de questions à réponse élaborée (réponse longue) ou des tâches complexes et authentiques nécessite la cueillette d‘informations (productions écrites, orales, images, schémas, vidéos, etc.) qui peuvent être déposées dans différents espaces (portfolio numérique, intranet, environnement numérique d’apprentissage, etc. ) et dans différents formats de fichiers (Word, PDF, MP4, etc.).

La correction avec le numérique

Le numérique offre de nombreux outils qui peuvent être utilisés pour corriger les productions les élèves.

Qu’est-ce que la correction, l’annotation et la rétroaction?

Selon l’intention d’évaluation (formative ou sommative/certificative), la correction est «le fait d’apprécier la qualité d’un cheminement ou d’un produit (production, devoir, examen, travail, etc.) en fonction de critères, d’attentes et de résultats escomptés » (Legendre, 2005, p. 298).

L’annotation fait référence aux commentaires, remarques et suggestions que vous formulez par écrit sur le travail d’un étudiant ou d’une étudiante. «Une annotation est une forme de rétroaction écrite» (Durand et Chouinard, 2012, p. 83).

La rétroaction est une information, un commentaire ou une décision que vous prenez à la suite de l’observation de la situation d’apprentissage (en groupe ou individuelle). Elle est communiquée oralement ou par écrit à l’élève (Leroux, 2014, p. 339). Le numérique offre une variété d’outils qui permettent de communiquer une rétroaction selon plusieurs modes (textuelle, imagée, orale, vidéo, démonstration/visuel).

L’automatisation de la correction et de la rétroaction

L’intégration du numérique peut alléger le fardeau de la correction par l’enseignante ou par l’enseignant puisqu’elle permet l’automatisation de la correction de certains types de questions objectives (question à choix multiple, vrai ou faux, appariement, réarrangement, etc.).

Les évaluations réalisées entièrement en ligne avec une correction automatique et une rétroaction personnalisée offrent plusieurs avantages:

  • Les résultats aux questions objectives peuvent être transmis automatiquement.
  • Une rétroaction spécifique peut être fournie automatiquement en fonction de la réponse de l’élève.
  • Elles permettent la formulation de nombreuses questions objectives et la couverture de nombreux contenus. Toutefois, les niveaux taxonomiques des questions sont peu élevés ne dépassant pas l’analyse (Gilles et Charlier, 2021) ( voir taxonomie de Anderson et Krathwohl et al. (2001) ).
  • La sélection des questions peut être individualisée pour chaque élève.
  • Elles permettent une évaluation exempte de biais liés à la subjectivité dans l’interprétation des réponses.
  • Elles permettent la communication de rétroactions rapides qui indiquent les apprentissages acquis ou non acquis par l’élève
  • Une rétroaction pré-écrite peut être formulée sur une seule question ou réponse
    • la rétroaction sur les réponses erronées peut soit corriger directement l’information, soit renvoyer l’élève au matériel d’apprentissage qui explique les notions manquées;
    • la rétroaction sur les bonnes réponses peut être plus qu’une rétroaction positive ou une reformulation de la réponse. Elle peut élaborer ou relier les notions à un apprentissage futur.
  • Elles peuvent permettre plusieurs tentatives, ce qui donne aux élèves la possibilité de recevoir une rétroaction automatisée, de revenir au matériel de cours et de faire à nouveau le questionnaire.
  • L’automatisation de la correction et des rétroactions diminue l’ampleur de la tâche de correction pour des questions objectives (gain de temps).
  • Le tableau de bord des résultats vous permet de recueillir, sauvegarder et interpréter les résultats pour chaque élève (fréquence, durée, répétition, bonnes réponses, réponses erronées, nombre de questions par élève, résultats, etc.) afin de proposer des activités pour améliorer les apprentissages (activités correctives, exercices, etc.).

La correction par l’enseignant avec des outils numériques

Lors de la réalisation de tâches complexes et authentiques et la formulation de réponses à des questions à réponse élaborée (portfolio numérique, projets, étude de cas, rapport écrit, etc.), la correction nécessite votre intervention. Cette correction et la formulation d’une rétroaction réalisée avec des outils numériques offrent des avantages:

  • Elles permettent de corriger des tâches complexes et authentiques et les questions à réponses élaborées avec des niveaux taxonomiques plus élevés.
  • Elles permettent de corriger et d’annoter différents types de production (vidéos, enregistrement audio, maquettes, prototypes, dessins, modélisations 3D, tableaux, fichiers avec des images, des photos, etc.) réalisés avec différents logiciels.
  • L’annotation des productions peut être réalisée avec différentes modalités graphiques (rayer et souligner le texte, dessiner des flèches, encercler des éléments, intégrer des autocollants (émoticônes, crochets, etc.).
  • L’annotation peut être réalisée à l’aide d’un commentaire codé (lettres, formes, couleurs, etc.) ou un code de correction transmis préalablement aux élèves.
  • L’annotation peut être enrichie à l’aide des commentaires écrits préétablis par l’enseignant ou l’enseignante (banque de commentaires écrits ou audios) (Moodle, PDFpen, etc.).
  • La rétroaction textuelle (insérer un texte, souligner le texte, etc.), audio, audio-vidéo et d’images permet d’enrichir et de personnaliser les commentaires formulés aux élèves.
  • Les rétroactions textuelles formulées peuvent être accompagnées de captures d’écran annotées (images).
  • L’annotation peut être réalisée avec un stylet (crayon numérique), une tablette graphique, le clavier et la souris. Cela permet la lisibilité de la rétroaction et l’ajout de nombreuses couleurs et d’éléments graphiques (codes de couleurs, codes de correction) pour nuancer la rétroaction.
  • La correction des productions est facilitée grâce à l’infonuagique qui vous donne accès aux productions.

Les pratiques de correction se développent avec les outils numériques. Elles permettent une participation accrue l’élève à son évaluation et celle de ses pairs. L’élève porte un jugement sur la qualité de son travail en fonction de critères d’évaluation.

Il existe 3 types de démarches d’évaluation formative qui impliquent l’élève dans la régulation des apprentissages avec le numérique :

L’interprétation critériée de la production de l’élève

L’ensemble des informations que vous recueillez et annotez nécessite une interprétation. Selon les informations recueillies et les orientations privilégiées, il y a 3 types d’interprétation:

  • L’interprétation normative «est surtout utilisée dans une visée de comparaison sociale et elle se réalise à partir de la correction des tests et des examens» Durand et Chouinard (2012, p. 260) (résultat, moyenne, écart-type, etc.). Elle s’applique chaque fois qu’on évalue un étudiant ou une étudiante en comparant sa note à celles des autres élèves du groupe ou des groupes de son programme.
  • L’interprétation critériée «est nécessaire dans un contexte de tâche complexe» ou d’une réponse à une question à réponse longue ou élaborée. Elle vise à situer l’élève à l’aide d’une grille d’évaluation à échelle descriptive (Durand et Chouinard, 2012, p. 260).
  • L’interprétation dynamique «permet de situer la progression de l’élève, notamment à partir d’observations» (Durand et Chouinard, 2012, p. 260). Par exemple, cette interprétation peut être utile lors de stages qui nécessitent le développement de plusieurs compétences dans un programme.

Dans le contexte d’une évaluation des compétences avec le numérique, toutes les tâches complexes (rapport écrit, démonstration de compétences, etc.) et les réponses à une question longue nécessitent l’utilisation d’une grille d’évaluation à échelle descriptive afin d’interpréter les informations recueillies et corrigées.

L’interprétation critériée vous amène à comparer les informations consignées dans les fichiers numériques remis par l’élève ou l’équipe (ex. travail, production écrite, projet, vidéos, démonstration, etc.) avec ce qui est attendu. Dans le cadre de l’interprétation critériée, vous:

  • ne vous intéressez pas au rang qu’occupe un élève dans un groupe, ne cherchez pas à comparer les élèves
  • cherchez à savoir à quel point la production de l’élève répond aux attentes
  • basez votre interprétation sur un ensemble de critères prédéfinis pour éviter que le résultat soit basé sur un jugement de valeur ou une opinion.

L’objectivité ou la subjectivité

Dans le processus d’évaluation avec le numérique, le jugement est considéré comme une étape qui suit l’interprétation et précède la décision (Leroux, 2016). «Le jugement, alors considéré comme une étape centrale du processus d’évaluation, consiste à donner son avis sur la progression, la non-progression ou l’état de réalisation des apprentissages à la lumière de l’interprétation des diverses informations recueillies lors de la réalisation des tâches complexes à l’aide d’une grille d’évaluation critériée» (Leroux, 2016, p. 172).

L’exercice du jugement par l’enseignante ou l’enseignant, qui nécessite l’interprétation de nombreuses informations, ne peut revêtir un caractère complètement objectif.

  • L’évaluation des compétences qui fait appel à la réalisation de tâches complexes et authentiques génère la crainte d’une perte d’objectivité par l’enseignant ou l’enseignante (Leroux, 2016)
  • «L’objectivité de l’évaluation est impossible, parce que la subjectivité est inévitablement présente dans tout processus d’évaluation» (Gerard, 2002, p. 26).
  • «Objectiver l’évaluation des apprentissages consiste dès lors, d’une part, à rendre celle-ci la plus transparente possible, y compris en informant clairement les étudiants et, d’autre part, à lui donner des balises rigoureuses qui, à défaut d’être totalement objectives, permettront de ne pas laisser partir le processus dans tous les sens.» (Gerard, 2020, p. 39)
  • «L’exercice du jugement par l’enseignant suppose une prise en compte de la subjectivité, qui doit s’appuyer sur une démarche rigoureuse de cueillette de données pertinentes, justes et suffisantes, une interprétation à l’aide d’instruments ou d’outils de jugement dans le but de prendre des décisions qui pourront être argumentées et justifiées» (Leroux, 2016, p. 172).
  • En acceptant que la subjectivité puisse se manifester à l’étape du jugement, vous vous efforcerez de l’encadrer en utilisant des grilles d’évaluation qui vous permettront une interprétation critériée.
  • Recherchez un équilibre entre l’objectivité et la subjectivité. Éloignez-vous d’un jugement arbitraire.
  • L’arbitraire dans l’évaluation des apprentissages est lié à la difficulté de surmonter les biais, entraves, interférences, hésitations et marques de subjectivité qui peuvent altérer le jugement de l’enseignante ou de l’enseignant (Jeffrey, 2013).

Le contrôle de la subjectivité et des biais

Développez des pratiques permettant d’accroitre la validité de votre jugement tout en vous assurant de contrôler votre subjectivité lors de l’évaluation de tâches complexes. (Leroux et Bélair, 2015). Plusieurs biais cognitifs peuvent affecter le caractère subjectif du processus d’évaluation.

Au moment de l’évaluation certificative avec le numérique, quelques biais en évaluation présentés dans le tableau qui suit peuvent affecter votre jugement et nuire à l’équité.

Biais Manifestation
L’effet de l’ordre Importance relative de l’ordre des travaux dans la pile, sévérité plus grande à la fin qu’au début. Ordonnancement des dossiers et des fichiers numériques comprenant les travaux (ouvrir/fermer/ sauvegarder)
L’effet de halo Importance accordée à l’aspect de l’élève, à son milieu social, à sa calligraphie ou sa présentation en général. Aspect visuel du travail avec les outils numériques (texte, son, image, schéma, etc.)
Les attentes et les critères émergents Ajout, retrait et reformulation de critères en cours de correction
La fatigue ou l’humeur du correcteur Diminution de l’attention et de la précision du correcteur avec le temps. Les problèmes techniques en cours de correction.
L’effet de contraste Influence des ancres positives et négatives (les copies seront comparées à une copie de façon positive ou négative)
La personnalité du correcteur et sa posture Influence de la personnalité, de l’état d’âme, des valeurs personnelles et professionnelles, de son rapport avec le numérique ainsi que de votre posture d’évaluateur (contrôleur, pisteur-talonneur, conseiller, consultant)
L’effet de contamination Influence du dossier de l’élève et de ses notes antérieures
Les opinions des collègues Importance accordée aux commentaires formulés par les collègues

Tableau des biais cognitifs lors de l’évaluation des apprentissages avec le numérique adapté de Leroux et Bélair (2015, p. 92)

Lorsque vous portez un jugement:

  • Dans une intention formative, une ou des rétroactions détaillées (ex. textuelle, audio, vidéo, images, etc.) peuvent être formulées pour soutenir l’apprentissage de l’élève. L’interprétation critériée permet de décrire ce dont l’élève est capable sans le comparer aux autres. Des grilles d’évaluation à échelle descriptive sont élaborées et communiquées dans un souci de transparence.
  • Dans une intention sommative/certificative, en se référant à la ou les grilles d’évaluation communiquées avant de réaliser l’évaluation (tâche complexe, situation problème, etc.), vous corrigez chaque production avec précaution pour éviter les biais qui peuvent intervenir dans le jugement.

Des ressources complémentaires

Aubé, R. (2020, 12 avril). La correction numérique de travaux au format pdf pour des rétroactions claires et accessibles. Éductive

Chaumont, M. et Leroux, J. L. (2018). Le jugement évaluatif. Subjectivité, biais cognitifs et posture du professeur. Pédagogie Collégiale. Vol. 31, N. 3, p. 27-33.

Côté-Massicotte, S. (2020, 2 décembre). Utiliser des macros pour rendre la correction dans Microsoft Word plus rapide et plus facile. Éductive.

Dupont, H. (2017, 20 avril). Des outils d’évaluation sympatic pour la correction et l’annotation numérique. Éductive

Gérin-Lajoie, S. (2019). Correction numérique : un processus revisité, des outils ciblés!

Lafortune, A.-M. (2019, 7 octobre). Optimiser son temps de correction tout en rendant sa rétroaction efficace. Éductive

Morin, S. (2021). Ces biais cognitifs qui nous jouent des tours… jusque dans l’évaluation des apprentissages. Perspectives SSF, Université de Sherbrooke.

Rhéaume, C. (2021, 8 décembre). Noter moins pour évaluer mieux. Le Undergrading. Éductive.

Université Laval (2015). Les biais de la correction: les reconnaître et les éviter. Bureau de soutien à l’enseignement.

Scallon, G. (2004). L’évaluation des compétences [au collégial] et L’importance du jugement. Pédagogie collégiale, Vol. 18, n.1, 14-20.